A la fois auteur et compositeur, Tsew the Kid a su se créer une communauté enthousiaste et proactive sur les réseaux sociaux. C’est à l’occasion de sa présence sur la réédition de La Relève, la compilation originale de Deezer, que nous l’avons rencontré. Le rappeur, qui vient notamment de remplir La Maroquinerie, témoigne de la diversité du paysage rap français en 2019. Lui qui jusque-là composait et enregistrait dans son garage aime à dire qu’il initié un crossover entre le rap français et des sonorités pop. Très attaché à ses racines malgaches, Tsew envisage sa carrière à sa propre échelle mais également en perspective avec le développement artistique de sa communauté. Sa carrière prend un nouveau tournant après sa signature sur le label Panenka Music au sein duquel on peut également retrouver des artistes comme Georgio, PLK, Junior Bvndo… Dans l’attente de sa prochaine mixtape, qui a été réalisée pour la première fois au studio avec une équipe professionnelle et qui devrait sortir le 22 novembre, nous avons rencontré Tsew The Kid pour une interview exclusive…
REVRSE : On se retrouve parce que tu figures sur la réédition de La Relève, une compilation éditorialisée par Deezer. Qu’est-ce que tu penses du renouveau de ce format de projets ?
Tsew The Kid : Je trouve ça lourd parce que ça met en avant une certaine unité entre artistes. Je trouve ça intéressant de réunir plusieurs créneaux de rap : de la trap, des sons chantés… Au final tout le monde est gagnant, que ce soit la plateforme qui organise ça, les artistes, qui gagnent de l’exposition ou le public qui est content d’avoir accès à ce genre de contenus.
REVRSE : Dans ton cas, on te retrouve aux côtés d’artistes comme Diddi Trix et Zikxo qui ont des univers vraiment différents du tiens… Peut-être des découvertes à la clé pour vos auditeurs respectifs ?
Tsew The Kid : C’est exactement ça, c’est une variété qui représente bien le rap d’aujourd’hui et surtout qui est susceptible de créer des crossovers intéressants.
REVRSE : D’autant que ton titre Mon étoile est une vraie introduction à ton délire. Tu as eu des directives dessus ou bien on t’a laissé carte blanche ?
Tsew The Kid : On m’a laissé carte blanche sur le style du morceau. Je n’ai pas reçu de consignes particulières et comme je bossais déjà ma mixtape à ce moment là j’ai naturellement basculé sur une session studio pour ce morceau.
REVRSE : Certains artistes de la première édition comme Zixzo, Hatik et Diddy Trix ont passé des caps majeures en termes de carrière par la suite. Tu prends ça comme sorte d’indicateur à ton échelle ?
Tsew The Kid : Je t’avoue que je vis au jour le jour, du coup je ne sais pas si c’est un bon indicateur. Après ouais, c’est gratifiant qu’une plateforme comme Deezer m’invite sur son projet. Quelque part, ça veut dire qu’ils ont adhéré et qu’ils croient en ma musique, je prends ça positivement. On bosse et on verra ce que ça donne. Ce qui est sûr, c’est qu’en répondant à l’appel j’ai réalisé qu’il fallait que j’envoie un titre marquant.
REVRSE : Justement, comment est-ce que tu as été approché pour participer au projet ?
Tsew The Kid : C’est Deezer qui ont envoyé un mail à Fonky Flav [ndt : Antoine Guéna, dirigeant du label Panenka Music] en août. J’ai directement été chaud et je regrette franchement pas parce qu’on a passé des bons moments au moment des shootings dans le château. Plus tard, ils ont même organisé un évènement commun avec Reebook, c’est une expérience de fou à mon niveau !
REVRSE : Est-ce que ça a été l’occasion pour toi de créer des affinités avec d’autres artistes du projet ?
Tsew The Kid : Je me suis bien entendu avec Bekar qui est très simple. ICO aussi est très bon délire, pareil pour 7 Jaws. Et j’aime bien leur musique, c’est des ambiances sonores qui me parlent. Surtout que personnellement, le feeling est passé sans être bloqué par des histoires d’égo.
REVRSE : Ça présage peut-être de futures collaborations…
Tsew The Kid : Franchement oui, ça serait envisageable pour les prochains projets ! On reste en contact.
REVRSE : Pour en revenir à toi, tu as sorti pas moins de trois EPs en l’espace d’un an. C’est une hausse de productivité qui présage l’arrivée d’un album ?
Tsew The Kid : Ouais ça se prépare. Le premier c’était plutôt pour me tester, voir où je voulais aller. D’ailleurs, il y avait même des sons en anglais dessus ! (rires) C’est pour ça qu’on l’a viré des plateformes. Le deuxième filtre un peu toutes ces idées, comme un entonnoir. Avec le troisième, je pense qu’on arrive un peu au bout de l’entonnoir et je vois plus clairement où je veux aller. En attendant, j’ai déjà une mixtape de prête qui va arriver le 22 novembre.
REVRSE : Pour la mixtape, t’es parti sur quel format ?
Tsew The Kid : Je l’ai travaillée un peu comme un album, il y a un gros fil conducteur tout le long avec trois thématiques différentes sur un total de quinze titres.
REVRSE : On pourra s’attendre à du storytelling, des sons funk et des ambiances latino comme c’était le cas sur tes précédents ?
Tsew The Kid : Il y aura du latino, un peu moins de funk. En fait ce qui fait la grosse diff sur ce projet, c’est que c’est le premier que je bosse au studio de manière professionnelle. Avant ça, j’enregistrais dans mon garage, avec mon matériel, je composais seul et je m’enregistrais seul. Là, je ne travaille plus seul, je côtoie des beatmakers talentueux, reconnus ou non. Ça m’a vraiment permis de level-up et d’être plus précis au niveau de la musicalité.
REVRSE : Tu as accumulé une vraie fanbase avec ces projets, ce qui t’a notamment permis de remplir La Maroquinerie… Ça s’est bien passé ?
Tsew The Kid : Franchement c’était très fort en émotions. Je voulais vraiment vivre un partage en direct, être sincère et toucher les gens. Carrément j’ai chialé sur scène le samedi tellement je vivais les paroles. Le public était vraiment dedans, il y a des gens qui ont même pleuré avec moi… On aurait dit un concert gospel le bordel ! (rires) Les gens connaissaient les paroles et ça m’a mis à l’aise, il y avait vraiment trop d’émotions ce soir là.
REVRSE : Du coup, les scènes et les festivals c’est un créneau que tu veux exploiter à l’avenir ?
Tsew The Kid : Carrément ! Je vais aussi essayer de m’améliorer niveau scénographie. C’est quelque chose qui se travaille, c’est pas facile. Un mec comme Roméo Elvis, je le trouve trop chaud sur scène par exemple et il me fait grave rire sur Insta. Même si à la Maroquinerie, j’avais quand même taffé ça, au niveau des repets, on avait une fait une bonne installation avec le cœur derrière moi, c’était ouf. Ca me motive pour la suite. Les festivals j’aimerais en faire aussi.
REVRSE : Il y a aussi beaucoup de retours par rapport à ton écriture inspirée par le rap français. Tu en a beaucoup écouté ?
Tsew The Kid : Paradoxalement, j’en ai écouté mais pas énormément. Ce qui me faisais bien kiffer a l’époque, c’était l’album Ateyaba que j’ai bien kiffé pour la vibe. C’était un game changer. Sinon j’aime bien Lomepal mais j’écoute depuis peu. Guizmo j’aime beaucoup aussi, c’est d’ailleurs l’un des seuls que j’écoute. Je trouve que c’est l’un de ceux qui écris le mieux… Et en plus, il est à moitié malgache, comme moi. (rires)
REVRSE : Sinon, au niveau des musicalité qui tendent vers le R&B, ça te parle la musique de Nemir ou d’Haristone ?
Tsew The Kid : Haristone c’est mon gars, il est super sympa. Les deux font ça hyper bien, ils sont forts. Personnellement, faire du R&B pur ça me fait un peu peur et c’est pas ce qui me plaît le plus au final au niveau des sonorités, même si je sais que j’en suis capable. Du coup, pour catégoriser ma musique, j’aime bien parler de mélange entre le rap et la pop.
REVRSE : Tu te verrais faire des feats à contre-courant dans le rap français ? Je sais que tu aimes bien Bruno Mars, je pense à un son comme Mirror avec Lil Wayne, par exemple avec un Kalash Criminel…
Tsew The Kid : (rires) Ouais de fou, ça serait incroyable ! Le contraste de la douceur et de la violence… Franchement, c’est quelque chose que j’aimerais bien exploiter parce que je ne suis pas fermé d’esprit, si on me sollicite dans ce sens, ça peut arriver.
REVRSE : Par ailleurs, tu es signé sur Panenka Music, label dirigé par Fonky Flav, est-ce que tu as été influencé par 1995 et L’Entourage ?
Tsew The Kid : Totalement ! À l’époque des rap contenders, je profitais des cours d’anglais pour écrire des clashs et j’allais les rapper à la récré. C’était comme ça dans tous les collèges de France je crois. 1995, ça m’a même inspiré dans le modèle de réussite parce que si tu regardes, tout les membres ont fini par créer leur propre label.
REVRSE : Tu envisagerais des collaborations avec des artistes du label comme PLK, Georgio ou Junior Bvndo ?
Tsew The Kid : Oui, musicalement les trois me parlent. Junior Bendo est malgache d’ailleurs… (rires) On est beaucoup dans le rap français finalement. Après, ma démarche c’est de faire mes preuves en solo, faire mes armes, pour arriver de manière crédible quand je voudrais faire des feats.
REVRSE : Pour finir, on a vu le parcours de Madagascar à la CAN… Qu’est-ce que tu en as pensé ?
Tsew The Kid : J’étais trop fier, déjà parce qu’ils ont joué avec le cœur et qu’ils nous ont fait plaisir. En plus de ça, on est dans Fifa 20 ! (rires) J’ai vraiment envie de représenter et donner de la force à ma communauté, j’estime qu’on a beaucoup de talents, mais les gens ne sont pas forcément au courant parce qu’on est très discrets. En général, dans toutes les familles malgaches, il y a un artiste. J’ai envie de les encourager au maximum dans ce qu’ils font. Dans La Relève il y a aussi Oboy qui est un artiste malgache, on est de plus en plus.
REVRSE : Tu te sens soutenu par ta communauté ? Tu as des projets en rapport avec le pays ?
Tsew The Kid : De fou, ils me donnent beaucoup d’amour, que ce soit au bled ou ici je me sens totalement encouragé. J’ai l’impression qu’ils sont vraiment actifs et fiers de moi. Si ça peut inspirer une génération à croire en leurs rêves c’est cool. J’aimerais bien clipper là bas notamment, ça devrait arriver. Il y a des vrais paysages et j’aimerais faire découvrir ça.