Le rappeur C.O.R, originaire de la ville d’Aulnay Sous Bois et signé chez Island Def Jam, dévoile album intitulé : La Rue de Madrid. Connu pour ses séries de freestyle sur la chaîne YouTube Daymolition et sur les réseaux sociaux, le rappeur a redoublé en productivité depuis quelques années. Amoureux de la mélodie et expert du kickage, il allie le fond et la forme en s’attardant dans ses textes sur des thématiques telles que le poids des décisions sur la vie d’un homme. Dans ce nouvel opus, C.O.R se fait plaisir en invitant ses confrères rappeurs aulnaysiens et séquano-dionysiens pour des morceaux sur lesquels on ressent l’émotion et la bonne humeur : 13 Block, D.A Uzi, Fianso, GLK, Goulag, Craky, Matrix et Tyrote. Saupoudré de punchlines imagées le long des différents morceaux, bourré de contrastes, on ressent clairement dans La Rue de Madrid l’empreinte du vécu de son interprète.
REVRSE : Sur Ryad Mahrez et NeuvièmeOinj, tu es maquillé comme le personnage du Joker… C’est une référence pour toi ?
C.O.R : C’est clairement une référence, j’aimais déjà le personnage du Joker avant même que le film ne sorte. Il est obligé de sourire malgré le fait qu’il soit triste, son sourire est forcé. C’est pour ça que je me vois en lui. J’ai beau avoir des problèmes, dans la vie on sourit quand même.
REVRSE : Dans tes freestyles Daymolition, tu indiques l’heure de chacun de tes freestyle : 12h, 14h… Pourquoi ?
C.O.R : Je suis trop fier que tu me dises ça, tu es le premier à avoir remarqué ! À la base, les freestyles Oinj c’est une journée : mon premier oinj, mon deuxième, et ainsi de suite… C’est un détail qui a son importance.
REVRSE : Ton album fait la balance entre mélodie et performance, l’ensemble rappelle le schéma du titre C’est l’heure…
C.O.R : Les gens ne le savent peut-être pas, mais je porte énormément d’attention aux mélodies. C’est l’heure représente vraiment mon ADN, et c’est le premier morceau que je sors avec Malax, mon producteur et mon frère. J’avais été le chercher un an avant que le son sorte. C’était le seul mec d’Aulnay qui avait une crédibilité pour moi, à part Sefyu évidemment, parce qu’il avait mis son projet Les frères de la rue à la Fnac à l’époque. Je me suis dit que s’il arrivait à faire ça tout seul, on allait aller loin ensemble. Au début, il voulait pas, alors pendant six mois je lui faisais écouter mes sons mais aussi au frère de Nokpi, à Fianso et à Hamad. Au bout de six mois, on a sorti C’est l’heure.
REVRSE : C’est de là que vient cette connexion avec Fianso ?
C.O.R : Ça date d’il y a plus longtemps que ça, en fait il était chez Karismatik à l’époque et moi aussi, dans un groupe avec des mecs de ma cité.
REVRSE : C’est les autres membres du groupe qui sont sur Le spliff du matin ?
C.O.R : C’est ça, ils sont tous dans le clip. À l’époque on était déterminés, on allait juste en studio sans calculer ce qui se passait au tour.
REVRSE : À quel moment tu as décidé de monter ta propre structure, RDM ?
C.O.R : En fait, RDM a toujours existé ! Il y a quelques années, mon gars Bounox avait même créé un logo en travaillant avec un graphiste. On voulait présenter la Rue de Madrid comme si c’était la cité Carter. Quand ça a commencé à être sérieux, on a reçu des propositions. Quand je dis que j’ai passé dix ans dans la musique, c’est aussi dix ans passés à apprendre le marketing, la communication, le business… Je me suis grave enrichi par rapport à ça. Et puis j’avais tout un background derrière, entre la rue et les études.
REVRSE : D’ailleurs, je me demandais de quoi tu parlais dans ta phase sur le concours du Bourget ?
C.O.R : Le concours du Bourget c’est le concours national de mémorisation du Saint Coran. J’ai commencé au Jamaa, j’ai même fait le concours du Bourget, et puis : « J’ai fini en bas de la tour et pour elle j’ai toujours bougé / À l’heure où je t’en parle starfoullah j’suis bourré / J’me remémore et je me demande sur quels choix que je me suis gouré. »
REVRSE : Après avoir vu l’ampleur que prenait ta collaboration avec Timal, tu as décidé de mettre les bouchées doubles ?
C.O.R : C’est même pas ça ! J’ai perdu mon meilleur pote, avec qui j’étais tous les jours, dans une bagarre. J’étais mal, mais son petit frère m’a demandé de continuer dans la musique. Malgré ça, je n’y arrivais pas, mais pour ce soutien je remercie ma famille et mes potes, la rue de Madrid. Deux mois après j’ai ma fille, ça a été un choc émotionnel. La première personne à qui j’ai dit que j’allais avoir un gosse, c’était ce pote, et maintenant il n’était pas là pour le voir. Mais maintenant ma fille c’est ma motivation. J’ai donné vie à quelqu’un, le contraste de la mort. Une vie pour une autre. Mon objectif, c’est de créer un bel avenir pour ma fille, qu’elle grandisse dans de bonnes conditions. Je suis trop déterminé, je peux pas me louper c’est tout droit. Même si ça ne marche pas maintenant, je suis prêt pour la suite. Comme à la guerre.
REVRSE : On retrouve énormément de références dans ta musique, avec des références qui vont d’SCH à Koba LaD en passant par Saïd Taghmaoui…
C.O.R : Saïd, c’est un mec d’Aulnay et La Haine m’a beaucoup marqué, je l’ai vu en VHS. Mon daron l’avait enregistré. Je suis très cinéphile, et surtout je suis très amoureux du rap français. J’aime quand c’est bien écrit.
REVRSE : Ça s’entend d’ailleurs, sur certains de tes sons, par exemple sur JVV on ressent une influence du rap français des années 2000 !
C.O.R : C’est ça, je suis de l’époque Sefyu, Salif… Je reprend La vie qui va avec en freestyle. J’ai aussi repris Booba, Rohff, Mac Tyer, Rim’K, Kery James…
REVRSE : Vu cette relation au rap français, ça a dû être une véritable consécration pour toi de poser sur l’album de Sefyu non ?
C.O.R : C’est un truc de fou ! Il nous a appelé et nous a dit de venir écouter des profs au studio pour poser sur son projet. Au studio, on a sélectionné une prod et j’étais tellement excité que je pensais qu’on allait enregistrer le jour même. On m’a dit de revenir dans trois jours, et à partir de là ça a été la guerre. Chaque phrase, tout était calculé, j’ai tout prévu. Quand on est arrivés au studio, je suis directement rentré en cabine et j’ai posé, en trente minutes j’étais sorti. J’avais déjà mon texte bien sûr, évidemment que j’allais me donner à fond pour Sefyu ! C’est l’un de mes couplets dont je suis le plus fier.
REVRSE : Sur des titres comme Tomber là ou L.S.D.M, on sent que tu te libères complètement d’un point de vue artistique. Comment ça se fait ?
C.O.R : L.S.D.M, c’est un son sur lequel je ramène mes potes. C’est un truc qui peut effrayer les gens, mais nous on est l’école Sefyu. Ça veut dire que quand t’es nul, on te termine direct. Il y a que des gens qui font du bon rap depuis longtemps, chez nous il y a un cocon de mecs qui se la donnent… Donc respect les mahzouzs !
REVRSE : C’est quoi, d’ailleurs, les mahzouzs ?
C.O.R : C’est les Emmaüs, la cité de l’Europe. Maintenant il ont changé de nom. C’est pour ça tu entends beaucoup Sefyu dire « les mah » c’est en référence à ça. Quand Sofiane dit « j’ai les yeux rouges comme un tit-pe des Mahzouz », il faut être d’Aulnay pour comprendre. Les yeux rouges, c’est un coin de ma cité, comme la rue d’Aulnay.
REVRSE : L’album commences par Falcone et se termine par Gyrophare. C’est aussi les deux titres qui te représentent le mieux…
C.O.R : Je suis un amoureux du rap. Ça veut dire que pour moi, le premier son d’un projet et le dernier doivent marquer. Comme à l’époque où on faisait encore des outros, je voulais que ça se termine sur : « 15 millions à la baraque, Aventendor dans le garage, papa mama, je me barre ».
REVRSE : Tu as fait exprès d’intégrer un passage plus léger au milieu de ton album ?
C.O.R : C’est fait exprès, c’est noir c’est blanc. C’est ma vie, c’est les montagnes russes. J’ai perdu mon frère, deux mois après j’ai ma fille. En fait j’ai envie de me barrer gros. J’arrive à un âge où je me dis, peut-être qu’il va falloir que je m’installe. Et pour ça il faut des moyens, des revenus. J’ai fait certains sacrifices pour ma musique. Je parlais avec un grand de ma cité la dernière fois, qui vient de sortir. Sa fille six ans, elle en avait deux quand il est tombé. C’est réel en fait.
REVRSE : Comment tu définirais ton univers ?
C.O.R : Je veux montrer les conséquences. Tout le monde rappe sur la rue, les mères qui pleurent… Moi, je veux montrer ce que ça cause, en bien comme en mal. Les expériences que tu en tires. Comme ma mère le dit, dans chaque mal il y a un bien. Si ça se trouve, l’avion que j’ai raté va s’écraser. En 1995, le patron de ma mère lui a fait faire des heures supplémentaires, ce retard l’a empêché de prendre le train pour partir au moment de l’attentat de Gare du Nord. Je suis un mec je suis tellement attaché à mes objectifs, que même si ça arrive pas tout de suite, ça va arriver plus tard. Je prend mon mal en patience.
REVRSE : On a l’impression que tes textes te servent beaucoup d’exutoire pour des émotions que tu gardes en toi dans la vie de tous les jours…
C.O.R : Je suis un mec qui intériorise beaucoup. Des fois tu vas me froisser, mais je veux tellement plus de problème dans ma vie que je préfère m’éloigner. Avant j’étais dans le conflit, j’étais un petit nerveux. Aujourd’hui, si tu me fais mal au crâne, je m’éloigne de toi.