L’année 2020 du rap français aura été un moment particulier de son histoire, entre la situation inédite créée par les confinements successifs, la popularisation de la drill britannique et l’apparition de ses premiers émules locaux, et la montée en puissance commerciale du rap dit « de niche » porté par des artistes comme Freeze Corleone, Alpha Wann, Laylow et Dinos. À l’heure où un nombre croissant de médias tendent à renoncer à leur pouvoir prescripteur au travers du modèle des awards, il nous parait plus important que jamais de mettre en avant les projets qui ont marqué notre année. En espérant que les lecteurs y trouveront quelques pépites qui leurs avaient échappées, ou porteront un nouveau regard sur des sorties d’il y à quelques mois… Découvrez notre top des meilleurs albums rap de 2020 !
20. Naps – Carré VIP
Sorti près d’un an après le double-album On est fait pour ça, Carré VIP a réussi l’exploit de se distinguer comme l’un des champions d’un été ô combien perturbé. Laissant partiellement les sonorités organiques qu’il avait exploré en long et en large sur son précédent opus, Naps embrasse cette fois-ci complètement des sonorités plus électro, sur les conseils avisés de son directeur artistique Kalif Hardcore. Ce dernier, encore une fois omniprésent dans l’écriture du projet, laisse son verbe toucher à d’autres thèmes, plus personnels. Si la fête et les morceaux légers sont au rendez-vous, Naps rappe sa nostalgie et se raconte comme il l’a peu fait auparavant, En Boucle étant certainement l’exemple le plus criant. Avec entre autres la participation du gratin du rap français (Ninho, SCH, Maes, Vald, Soolking, Fianso) et une production assurée en majeure partie par le jeune compositeur de talent Cédric Goilard, accompagné de Zeg P, l’album a tous les ingrédients du blockbuster.
19. Infinit’ – Ma Vie Est Un Film 2
Infinit a donné en mars dernier une suite à Ma vie est un film premier du nom, mixtape sortie il y a déjà sept ans de cela. Entretemps, le niçois a pris du galon et s’il est devenu l’un des gardiens incontesté de la rime en France avec le fondateur de son label (Don Dada) Alpha Wann, il s’est également attelé à étendre sa palette musicale. Ainsi, sur Ma vie est un film 2, le rappeur ne déroge pas à ses codes : histoires crapuleuses, égotrip et un brin d’introspection servis par une technique imparable et des images fortes, ainsi pourrait être résumée en quelques mots la mixtape d’Infinit’. Chose rare, ce dernier laisse, pour l’une des quelques fois dans sa carrière, ses pensées les plus intimes guider sa plume dans un morceau comme Infiniment. Si sa vie est un film, le rappeur ne se prive pas de mettre dans les premiers rôles ses compagnons d’armes Barry, Veust, Deen Burbigo, Gros Mo et bien entendu ses acolytes de tournée et de label K.S.A et Alpha Wann. Mêlant les morceaux bruts et d’autres plus chantés, Infinit sert ici une bonne synthèse de tout son savoir faire, produit par le fleuron de la production de son entourage : Aymen, Jay Jay, Hugz et Hologram Lo’ pour ne citer qu’eux.
18. Zuukou Mayzie – Primera Temporada
Des membres du collectif 667, Zuukou Mayzie se distingue par une musicalité plus ouverte et donc plus accessible au public. Sur Primera Temporada, le rappeur livre un condensé en treize titres de son univers déjanté… Et pour cause, ce nouveau projet est composé de morceaux sortis individuellement entre 2019 et 2020 avant d’être regroupés. Étonnamment, ce procédé donne naissance à un tout cohérent, qui invite l’auditeur à un voyage éclair dans un enchaînement de références à la pop culture, aux produits stupéfiants et à la spiritualité. Au détour d’un refrain martelé comme pour le faire rentrer de force dans son esprit, il découvre un détail insolite qui ajoute du relief à l’ensemble. Du côté des collaborations, les apparitions d’Osirus Jack, Freeze Corleone et Doums rythment Primera Temporada et lui confèrent un cachet supplémentaire. Une belle surprise, qui s’impose parmi nos albums favoris de 2020.
17. 13 Block – BLO II
Après une série de sorties saluées avec enthousiasme par la critique, le groupe sevranais a fini par rencontrer un certain succès commercial avec BLO, premier du nom, paru en 2019. Plus long que ses prédécesseurs, cet opus avait aidé OldPee, Stavo, Zefor et Zed à toucher une nouvelle frange du public rap au prix de quelques concessions. Un an plus tard, les rappeurs dévoilent BLO II, un nouvel album conçu dans la continuité du premier tant visuellement que musicalement. L’auditeur découvre une tracklist plus spontanée, portée par des titres d’une efficacité redoutable tels que Pavel, en collaboration avec SCH, et Diplomatico. Avec ce dernier, 13 Block démontre une fois de plus sa science des refrains, qui s’opère naturellement sur des singles aussi bien que sur une bonne partie des autres titres du projet. Plus en forme que jamais, Stavo livre dans ses couplets certaines des meilleures performances de sa carrière, pour notre plus grand plaisir. On déplore néanmoins la présence de quelques titres qui dénaturent le fil conducteur de BLO II.
16. Koba LaD – Détail
Après VII et L’Affranchi, Koba LaD dévoile un nouvel opus intitulé Détail alors que l’année approche de son terme. Le rappeur d »Évry livre un album étrangement clivant, à nos yeux le plus abouti de sa carrière. Entre la cohérence de L’Affranchi et l’énergie de VII se dégage un album porté par des productions de haute facture signées par certains des plus grands noms du moment : Phazz, Noxious, Boumidjal, Chapo & Heizenberg… Un nid de talents mis au service de la voix toujours atypique de Koba, qu’on retrouve charismatique et puissant à souhait dans les très bons Chambre d’hôtel et Helsinki. La collaboration avec un Freeze Corleone sur la rampe de lancement d’un enchaînement d’apparitions remarquées s’avère sobre et redoutablement efficace, tandis que le rappeur du bâtiment 7 nous surprend sur un Feux éteints plus léger, mais maîtrisé de bout en bout. Alors que le format album ne semble pas être le réceptacle spontané de la production musicale de Koba LaD, ce dernier parvient à se l’approprier de sortie en sortie en se s’assurant de conserver une marge de progression constante.
15. Jul – Loin du monde
L’année 2020 de Jul aura été, comme à son habitude, chargée en sortie, entre celle de La Machine en juin, celle de la compilation 13 Organisé en octobre et celle de Loin du monde en décembre. Une fois encore sur ce dernier, on retrouve une profusion d’invités : SCH, Le Rat Luciano, Gazo, Alonzo, L’Algérino, Wejdene, Moubarak, Gips… Si on peut déplorer la présence encore trop imposante de 13 Organisé sur un projet qui devait pourtant s’en affranchir, notamment sur le titre Mother Fuck, on dénote cependant un certain nombre de titres plus audacieux, qui le transforment en un véritable évènement commenté de long en large. C’est ainsi que le rappeur s’essaye à la drill sur Dors on te piétine, en collaboration avec Gazo, avant de livrer un titre pop bien ficelé en compagnie de Wejdene sur Loin de tout. On y retrouve également Feu, sa collaboration avec la chanteuse Poupie parue deux mois plus tôt. En somme, un album en dents de scie, loin d’être exempt de défauts mais pas dépourvu d’intérêt pour autant.
14. Niro – Sale Môme
Après avoir terminé l’année 2019 sur le très bon Stupéfiant, qui se classait en dix-huitième position de notre classement annuel, Niro surprend son public avec Sale Môme, un album de vingt titres travaillés en famille. On y retrouve ainsi Nino B, talent du label Ambition Music qui avait dévoilé son propre projet Crash Test quelques semaines plus tôt, ainsi que Gims. D’emblée, l’auditeur est soufflé par la verve du rappeur de Blois sur Chiffre de ventes. À la fois très actuel dans les sonorités et fidèle à l’ADN de son interprète, Sale Môme s’affirme dès la première écoute comme un enchaînement de performances de haute volée. On y retrouve tour à tour un Niro mélancolique sur J’dois oublier, Pardonnable ou encore Soldat, des titres aux rythmes lents sur lesquels le rappeur développe des mélodies parfois inattendues, et plein de hargne sur Oeil de Judas, Du temps et des lov, bruts de décoffrage. Sans jamais vraiment étonner, Niro vise juste et livre de nouveau un album abouti et qualitatif.
13. 13 Organisé – 13 Organisé
Cette année a été le théâtre d’un des plus gros tours de force du rap de ces dernières années. Malgré la pandémie de coronavirus, Jul s’est activé en coulisses pour nous offrir deux albums studio et surtout cette compilation, 13 Organisé. Annoncée par Bande organisée, le plus gros morceau rap de l’année, ce disque que l’on doit à l’acharnement du rappeur marseillais réunit cinquante de ses confrères sous un même étendard : celui d’un super-collectif à la gloire de la cité Phocéenne. Toutes les générations se mêlent, d’Akhenaton à Thabiti en passant par d’autres tauliers comme SCH, Naps, Alonzo ou encore L’Algérino. Comme par magie, ce disque de treize titres-fleuves (évidemment) jouit d’un cap établi et limpide, et ce alors que les dizaines d’artistes qui contribuent au projet ont des identités musicales parfois diamétralement opposées. Cela s’explique facilement : tous les participants partagent une appartenance à Marseille, une ville de caractère au peuple de caractère que tous revendiquent ardemment. C’est cette fierté, couplée aux codes de la scène locale, qui donne cette colonne vertébrale si solide à 13 Organisé qui en dehors du nombre de participants, n’a rien d’une compilation et tout d’un album. Réussi, qui plus est.
12. Népal – Adios Bahamas
La sagesse de Népal, on l’espère, traversera les époques. Le rappeur tragiquement décédé en novembre 2019 avait eu le temps de concevoir son tout dernier album, Adios Bahamas. Paru à titre posthume au début de l’année 2020, il a résonné très fort dans les cœurs de ses fans. Si sa mort a logiquement donné encore plus de poids à son propos, le rappeur avait également opéré des changements allant dans ce sens. Lui qui était très cynique sur ses précédents projets a embrassé des pensées bien plus positives sur ce dernier disque. Dans la forme comme dans le fond, Népal a condensé son nihilisme avec une forme d’espoir plus que bienvenue dans son art. S’il s’est ouvert à d’autres perspectives, il est toutefois resté fermé à l’extérieur pour la création de ce disque, pensé et réalisé en famille. Que ce soit les beatmakers où les artistes qui l’accompagnent au micro (Di-Meh, Nekfeu, Sheldon, Doums et 3010), tous avaient déjà travaillé avec lui par le passé. Travailler en cercle fermé n’a en rien altéré son ouverture sur le monde, Népal nous laisse avec un disque testamentaire dans lequel il apparaît moins en colère et plus apaisé. Qu’il repose en paix.
11. Kofs – Santé & Bonheur
Une des voix les plus atypiques de Marseille est revenue gronder toute sa rage. Kofs a poursuivi l’évolution de son art en 2020. Celui qui a débuté dans la violence avec son premier projet éponyme, puis sur V, a mis de l’eau dans son vin avec Santé & Bonheur. Comme il nous le confiait il y à quelques mois, son premier album studio est bâti sur les contrastes : « Sur Violence, j’ai mis que de la violence, du noir sur noir, mais c’était plus pour imposer ma touche. Parfois, ça fait du bien de la douceur dans ce monde de brutes. » Toutefois, cette douceur est traître ; malgré des habillages musicaux parfois suaves voire mélancoliques, le propos du Marseillais est aussi cru que sa voix est agressive. Le deuxième socle de cet album est la trahison. Sur Santé & Bonheur, Kofs trinque à la santé de tous ceux qui l’ont poignardé dans le dos, de tous ceux qui l’ont abandonné. L’argent et la notoriété ont mis à mal la loyauté de certains des siens et c’est revanchard qu’il en parle de son grain de voix si particulier. Le disque est saupoudré d’un casting au-delà des sentiers battus (Kaaris, Naps, Keezy, Kamelancien et Alonzo), signe que Kofs est définitivement un artiste à part.
10. twinsmatic – ATLAS
A l’heure où les projets de producteurs deviennent doucement légion, celui de twinsmatic s’est imposé comme le meilleur du genre en France cette année. Le producteur a constitué un casting sur le papier très déséquilibré : Ash Kidd et MarJ apparaissent chacun par deux fois tandis qu’on peut retrouver pêle-mêle Dinos, SCH, 13 Block, Koba LaD, Slimka, Mister V ou encore Dosseh. Toutefois, grâce à sa maîtrise des machines, twinsmatic a réussi à faire de cette joyeuse troupe éclectique dont tout oppose certains membres un disque régi par l’homogénéité et la cohérence. Les transitions entre les titres sont élégamment soignées et le disque est si bien articulé qu’il peut passer d’un titre langoureux de la chanteuse MarJ à un banger lunaire de 13 Block et Koba LaD sans jamais déboussoler l’auditeur. Malgré les stars au micro, l’homme providentiel du disque est évidemment twinsmatic qui a drapé son disque d’un voile aux nuances obscures parsemé de subtiles broderies qui siéent à chacun de ses invités. Sans aucun doute la très bonne surprise de l’année, ATLAS est un voyage spatial et fantasmagorique composé de productions étincelantes.
9. DA Uzi – Architecte
Après une première mixtape unanimement saluée par la critique en 2019, DA Uzi devait confirmer ce succès d’estime et surtout le convertir en succès commercial. C’est chose faite avec Architecte, son tout premier album studio certifié disque d’or par le SNEP. L’artiste qui prône un rap de rue humble et dépouillé de toute fioriture se défoule encore une fois sur un disque rempli d’émotions. Surtout, à sa plume pleine de véracité se mêle une des interprétations les plus poignantes du rap français actuel. Plus qu’un simple technicien, DA Uzi saisit et ébranle son auditeur en grondant, en hurlant, en murmurant, en cassant sa voix. Cette dernière, l’instrument premier de sa musique, est triturée dans tous les sens pour signer des titres plus émouvants les uns que les autres sans jamais tomber dans le larmoyant. La première partie d’Architecte est la plus belle illustration de cette association entre plume noire et brute et interprétation désarmante. Toutefois, c’est sur le morceau Tommy Shelby que ce mélange est le plus pur. Malgré une deuxième partie d’album lésée par des tentatives de singles pas toujours réussies et qui dénotent avec les qualités premières du disque, DA Uzi reste un rappeur captivant, un véritable écorché-vif sur lequel on aimerait toujours apprendre plus.
8. Damso – QALF
Après plusieurs années à mentionner l’existence de QALF dans ses textes, Damso tient parole et dévoile en septembre un quatrième projet solo. Premier constat, la quasi-absence bienvenue de jeux de pistes en tout genre qui parsemaient sa précédente sortie, Lithopédion, et desservaient son propos. Malgré ou peut-être grâce à une écriture peut-être moins aboutie qu’à son habitude, Damso nous touche plus que jamais sur QALF. Après un démarrage brut de décoffrage, l’auditeur plonge la tête la première dans les affres du rappeur sur DEUX TOILES DE MER, un titre en deux parties marqué par une apparition de son fils Lyor. La paternité du rappeur est d’ailleurs l’une des colonnes vertébrales de cet album : ce fils qu’il aime plus que tout au monde, dont il se préoccupe et qui lui manque crée des tourments encore inédits dans sa discographie qui nourrissent sa palette. Le deuxième pilier de QALF, c’est sans aucun doute l’amour. Sur SENTIMENTAL ou encore COEUR EN MIETTES avec Lous and The Yakuza, Dems déplore la peine que ce sentiment cause tout en l’embrassant sur 911. Les quelques bangers qui saupoudrent QALF achèvent de faire de ce disque un retour plus que convaincant de la star belge.
7. Green Montana – ALASKA
L’un des fers de lance du renouveau du 92i s’est lancé dans le grand bain en fin d’année dernière avec son tout premier album studio, ALASKA. Le jeune rappeur originaire de Belgique a pour lui une identité musicale très marquée : grand adepte de l’autotune, il est capable d’utiliser sa voix pour servir de nombreuses ambiances, et les producteurs de son album l’ont bien compris. Loin d’être aussi froid que ce que ce nom laisse penser, ce disque est pétri de titres chauds et envoûtants, Green Montana excelle sur le rebondissant PALM ANGELS tout comme il se mêle parfaitement à la maîtrise de Booba, seul featuring, sur TOUT GÂCHER. Si l’un des highlights les plus notables d’ALASKA est sa prestation tout en séduction sur SALE TCHOIN aux sonorités club —qui jouit également d’un des plus beaux clips de l’année—, c’est lorsque Green Montana souffle le froid et plonge dans l’élégie qu’il est le plus captivant. Contre toute attente, le succès critique et la qualité de l’album permettent à son interprète de franchir l’étape décisive d’une carrière prometteuse.
6. Heuss L’enfoiré + Vald – Horizon vertical
Dans un rap français beaucoup plus frileux que son confrère outre-Atlantique concernant la thématique des albums communs, une telle initiative est très rare. Plus encore lorsqu’elle concerne des têtes d’affiche. Les deux grands copains Heuss L’enfoiré et Vald ont pris leur courage à deux mains et ont sauté le pas. Leur alchimie née sur L’Addition, le premier single de l’album En esprit, ne pouvait pas se limiter à quelques titres épars. Sous l’impulsion d’Heuss, les deux hommes se sont enfermés en studio avec leurs producteurs fétiches, respectivement Zeg P et Seezy. De ces sessions studio est né Horizon vertical, un album de douze titres percutants et bourrés d’humour. Résolus à rapper fort, les interprètes n’ont pas fait dans la dentelle et ont signé une pluie de bangers pétris de couplets fleuve. Et lorsqu’ils s’ouvrent à d’autres sonorités, qu’ils mêlent leur voix à l’autotune pour des ambiances plus mélancoliques (Vhr, 2014) ou entraînantes (Guccissima), c’est pour mieux conclure dans la violence avec Adios. Toutefois, c’est sur le titre 1992 très groovy que l’amusement est à son paroxysme. En somme, Vald et Heuss L’enfoiré ont transformé ce projet intriguant en belle réussite.
5. Captaine Roshi – Attaque II
Avec Captaine Roshi, la trap a encore de beaux jours devant elle en France. Le jeune rappeur originaire de Nanterre (Hauts-de-Seine) a brillé à plusieurs reprises en 2020, mais jamais autant que sur sa deuxième mixtape Attaque II. Pour cette suite d’un premier volet qui installait déjà les bases de sa musique virevoltante, Captaine Roshi a considérablement élevé le niveau. Tout d’abord, il s’est constitué un casting d’un standing supérieur avec Alpha Wann, Gradur et PLK. Ensuite, il a su diluer dans un délicieux cocktail son rap agressif à d’autres ambiances. Dans la lignée de Journal de bord, il s’est dévoilé mélancolique tout en conservant son charisme sur des titres comme Ebélé avec Gradur, Pimpom ou encore Bouteille à la mer. Il a également réussi à faire un pas dans les titres plus entraînants comme le tropical Maintenant ou encore sur Champions avec une production de Vladimir Cauchemar. Toutefois, bien que le jeune rappeur excelle dans les bangers décoiffants, son titre le plus réussi du projet est sans doute Appel sur une composition hypnotique que l’on doit à Hologram Lo’ et Jay Jay. En constante progression, Captaine Roshi se fraye une belle place dans notre classement et se révèle extrêmement prometteur pour la suite.
4. Maes – Les derniers salopards
Après Pure, un premier album qui a séduit le public, c’est en position de force que Maes est revenu dans les bacs dès le début de l’année 2020 avec son nouvel album Les derniers salopards. La pression de la confirmation ne l’a aucunement affecté : le rappeur originaire de Sevran a passé cette épreuve sans sourciller. Cette confiance, il la doit avant tout à une formule toute en mélodies développée depuis Réelle Vie 2.0. Tout en alternant avec une grande aisance entre rythmiques dansantes et ambiances beaucoup plus mélancoliques, Maes a su conserver l’identité crapuleuse qui avait dans un premier temps fait sa notoriété : pêle-mêle, il gronde sur Elvira ou encore A côté de moi, il pose sa voix sur l’inquiétant Marco Polo… En somme, le Sevranais a su maîtriser à la perfection sa formule pour signer le deuxième album rap le plus vendu de l’année sans jamais oublier d’entretenir toutes les facettes de son identité. Le tour de force est complet.
3. Laylow – TRINITY
L’un des albums les plus applaudis du premier trimestre 2020 a résisté à la concurrence qui s’est démenée pour le déloger. Après avoir exercé ses talents dans l’ombre durant plusieurs années au travers de mixtapes et d’EPs, Laylow s’est accaparé toute la lumière en février dernier : en grande pompe, il a publié son tout premier album, TRINITY. L’effet magnétique de ce disque s’explique avant tout par son concept. Laylow échange avec Trinity, une intelligence artificielle au nom inspiré du célèbre personnage de la saga Matrix. Par ses irruptions, cette dernière permet de chapitrer l’album à la guise de son interprète et de dérouler un fil rouge lancinant d’obscures émotions. Jamais l’artiste n’avait paru si torturé sur un projet. Lentement, il s’abîme dans cette technologie envahissante comme elle s’abîme en lui et l’auditeur devient spectateur d’une relation brumeuse et subrepticement malsaine. En outre, TRINITY est parsemé d’invités qui ont tous su apporter leur pierre à l’édifice. Du remarquable couplet de Lomepal sur BURNING MAN à l’écriture de Wit. dans le storytelling de …DE BATARD, tous se sont plongés eux aussi dans l’océan cybernétique de l’album de Laylow.
2. Alpha Wann – don dada mixtape vol 1
La liste s’étend : dans les arrêts de jeu, on peut désormais faire confiance à Alpha Wann en plus de Zidane. Le technicien hors pair a signé à la mi-décembre le tout premier projet dédié à son label, don dada mixtape vol 1. Ce prétexte est parfait pour inviter un grand nombre de rappeurs à poser avec lui. En plus des artistes affiliés à Don Dada Records, on retrouve des gros noms du rap français tels que Kaaris, Freeze Corleone ou encore Kalash Criminel. Au cours de ce projet solo qui ne dit pas son nom, Alpha Wann a gommé un défaut criant de son précédent opus : la redondance. Tout d’abord, il s’est accordé bien plus de libertés dans les choix des productions, le disque bénéficie de nombreuses compositions créatives qui permettent de créer du relief. Ce critère est encore plus accentué par les nombreux featurings, sur lesquels Alpha Wann s’efface pour des prestations remarquables de Lesram, Nekfeu, K.S.A ou encore du jeune Ratu$ qui a fait sensation avec son banger velux. Malgré tout, c’est bien Philly Phaal qui surplombe cette mixtape pourtant pétrie de rimeurs et de kickeurs de haut vol. Outre ses collaborations, toutes menées d’une main de maître, il signe plusieurs solos impressionnants dont l’époustouflant carrelage italien qui pose la question suivante : a-t-il déjà aussi bien rappé que sur ce titre ?
1. LMF – Freeze Corleone
La sortie de cet album a fait l’effet d’une bombe dans le rap français. La montée en puissance de Freeze Corleone tout au long de l’année 2020 s’est traduite par des featurings tranchants qui cumulent les centaines de milliers de vues avec des rappeurs proches de lui aux noms parfois très confidentiels. Toutefois, c’est lorsque Scellé Part. 2 avec Ashe 22 a été délivré que la planète rap a commencé à trembler. Le 11 septembre dernier, date funeste pour le monde entier, Freeze Corleone a donc mis à exécution sa menace fantôme brandie. Au programme, un album presque exclusivement produit par Flem, le grand artisan de la musique de l’énigmatique rappeur. Ses compositions sont létales et alternent entre le lugubre, le sépulcral et le chtonien sur PDM dont la mélodie pourrait résonner aux portes de l’Enfer. Dans ces ténèbres irrespirables, le grand Jedi clame une fois de plus inlassablement son écriture aux codes plus perfectionnés que jamais. Il offre également des prestations dantesques et des passes d’armes épiques avec de gros performeurs (Stavo, Alpha Wann) sans oublier de faire de la place pour les siens (La F, Black Jack OBS, Kaki Santana) et ceux qui ont fait son immense bagage rap (Despo Rutti, Alpha 5.20, Shone). Un projet référence dans la carrière de Freeze et par conséquent dans cette année 2020 qui aura été marquée par l’avènement du rap de niche.
Crédits : Antoine Guilloteau (Alpha Wann) / Alexandre Carel (Freeze Corleone)
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