En 2018, Rémy surprenait avec son premier opus solo C’est Rémy, un projet sombre et introspectif imprégné de l’essence des grands classique du rap français. Une proposition artistique portée par un interprète atypique mais bourré de talent, qui n’a pas manqué de séduire le public rap. Un an et demi après sa sortie, le projet est certifié disque d’or. Entre temps, le rappeur a pris le temps de travailler sa maîtrise musicale, de de constituer une tracklist éclectique et de se mettre au beatmaking ! Autant de résolutions qui font de son second projet Rémy d’Auber l’une des pépites de l’année, à la fois très personnelle dans le propos, plus ouverte dans les sonorités tout en présentant une facette universelle. Plus que jamais attaché à donner une touche actuelle à des sonorités caractéristiques du rap français, Rémy s’attache à tisser des récits dans ses titres et donne vie à des personnages dans lesquels chacun retrouve un peu de soi-même. À l’occasion de la sortie de Rémy d’Auber, il se confie dans une interview exclusive sur la conception de son projet sur la durée, les difficultés rencontrées et ses lignes directrices.
REVRSE : Est-ce que tu peux décrire ta routine de travail durant la préparation de ce second album ?
Rémy : C’est un an et demi de routine alors ! (rires) En soit, ça consiste essentiellement à trouver des thèmes, écrire des sons, aller en studio, essayer de se réinventer et surtout faire des concerts. Les concerts m’ont quand même aidé pour le deuxième album parce que tu voyages, tu vois ce que les gens aiment chez toi et tu vois ce qui plait le plus au public.
REVRSE : T’as des souvenirs mémorables en concert à partager ?
Rémy : Il y en a beaucoup, notamment Les Solidays, Les Ardentes… Je vais pas te mentir, pour moi 98% des scènes que j’ai faites étaient incroyables à vivre.
REVRSE : Et en studio, comment se passe ton travail ?
Rémy : À la base j’écrivais chez moi, je finissais le texte et j’allais le poser en studio. Maintenant, vu que mon ingé son Le Professeur est aussi mon beatmaker, je trouve certaines mélodies en studio avec lui. En même temps, je commence à faire des prods donc j’essaye d’apprendre en studio. C’est très récent, je ne me sens pas encore bon mais si dans deux ans j’atteins un niveau respectable, je pourrais donner des prods et surtout en faire pour moi-même car je saurai exactement ce que je veux et comment le retranscrire.
Revrse : En parlant de direction artistique, tu peux revenir sur les choix de tes featurings? En particulier celui avec Leto qui peut paraitre surprenant puisqu’on n’a pas l’habitude de vous voir ensemble…
Rémy : Oui, c’est vrai ! Alors je vais te dire, ça s’est fait au feeling, parce que moi je suis pas quelqu’un qui s’ouvre aux autres, surtout dans le rap. Surtout, il faut savoir que Leto est un mec très simple, tout comme moi. Un jour je suis arrivé dans sa cité parce que j’accompagnais un pote à moi à un gala de boxe, on s’est croisés par hasard et il est venu me parler comme si on se connaissait depuis des années. En plus d’être super agréable et accueillant il a une bonne mentalité. Du coup, dès que j’ai senti que je voulais faire quelque chose avec lui à peu près six mois plus tard, je lui ai envoyé un message sur Insta. Il a répondu présent et je suis grave fier du titre parce que ça montre aux gens que je sais faire des bangers, d’ailleurs je crois qu’on va le clipper.
REVRSE : Entre C’est Rémy et Rémy d’Auber, j’ai ressenti une réelle évolution, est-ce que tu ressens ce changement aussi ?
Rémy : On me le dit énormément mais quand c’est toi qui travailles, t’as plus du mal à le voir. Un an et demi ce n’est pas rien, j’ai tellement travaillé qu’à un moment je doutais de la qualité de ma musique. Mis à part tes proches il y a que toi qui sait ce qui se passe en studio et c’est flou tant que t’as pas le rendu final, tu peux avoir fait un son il y a un an et demi qui ne te plait plus autant finalement. Depuis que je commence la promo, c’est la première fois que je peux avoir un avis extérieur. Tant que l’album ne sera pas sorti, je ne pourrai pas me fixer sur cette question. Mais après si je suis rationnel, je te dirais que oui j’ai évolué sans savoir qualifier l’évolution en question ; c’est les gens qui me diront.
Revrse : Dans une interview, tu disais que Mac Tyer t’avais appris les rudiments pour faire des toplines, est-ce que tu peux me décrire ton apprentissage dans ce domaine ?
Rémy : J’ai commencé à apprendre à faire ça avant mon premier album parce qu’à la base je savais pas du tout ce que c’était. Dès que j’ai compris à quoi ça servait, c’est venu naturellement. En vrai, c’est comme si tu découvrais une nouvelle fonction. Aujourd’hui je peux avoir un texte fini et je laisse l’instru tourner pour m’inspirer une mélodie…
REVRSE : Tu disais aussi qu’il t’avait conseillé d’écouter du rap américain pour t’aider au niveau des mélodies, est-ce que t’en écoutes toujours régulièrement ?
Rémy : Je l’ai fait et maintenant j’aime bien, en vrai si t’es un rappeur français qui écoute que du rap français… N’espère pas pouvoir innover facilement ! Quand j’ai commencé à écouter c’était en voiture avec Mac Tyer, il mettait des gros sons et c’est lui qui a commencé à me faire ma culture à l’ancienne avec les Nas et Mobb Deep. Moi, de mon côté, j’écoute les gros noms du moment comme Gunna et Travis Scott.
REVRSE : D’ailleurs, quel est le meilleur conseil que Mac Tyer ou quelqu’un d’autre ait pu te donner ?
Rémy : C’est pas forcément un conseil, c’est plus quelque chose qui m’est venu naturellement mais je dirais cet espèce de recul que j’ai pu prendre sur le milieu du rap pendant cette année et demi. En fait pour moi, il faut être lucide pour durer dans le rap. Il faut des qualités qui dépassent le rap lui-même, être ouvert d’esprit, respectueux et avoir la tete sur les épaules. Parce que tu ne travailles jamais tout seul et si demain t’es une merde tout le monde le saura. Malheureusement, c’est pas des qualités que tout le monde a dans le rap…
REVRSE : Je trouve que la notion de recul que tu as évoqué se ressent particulièrement dans le son Je le sais, tu peux m’en parler ?
Rémy : C’est le dernier son que j’ai bouclé à mi-septembre, je suis quelqu’un qui aime bien se mettre à la place des gens justement parce que j’ai été à leur place. Tu vois quand t’es petit et que t’es gros, ty te trouves dans une situation de mal-être. Un jour, quelqu’un ou quelque chose provoque le déclic qui fait que tu surpasses ce mal-être mais tout le monde n’y arrive pars. Dans ce son, je voulais m’adresser à ceux qui combattent encore les mal-êtres qu’ils ont en disant ‘je le sais, parce qu’au fond on est tous pareil’.
REVRSE : Justement, après avoir écouté le projet en entier je te trouve ce côté ‘psychologue des banlieues’ c’est-à-dire tu es plus concentré sur l’humain qu’autre chose…
Rémy : (rires) C’est vrai, en fait j’ai l’impression que je comprends beaucoup de gens parce que j’analyse et j’observe beaucoup. Même si ca peut paraitre une dinguerie ce que je vais dire, je peux comprendre le mec de quartier comme le keuf. J’ai toujours eu ce recul comme on disait plus tôt. Et j’aime bien l’expression parce que quand j’ai écrit l’album j’avais vraiment l’impression de plus écrire pour les gens que pour moi, parce que je voulais transmettre des messages que je trouvais importants. Depuis petit je faisais passer les autres avant moi et maintenant que j’ai la plateforme pour, je continue…
REVRSE : Un son de l’album fait exception, c’est le celui sur ton père qui sonne très revanchard et introspectif, comment t’as fais ce son ?
Rémy : C’est l’instru vraiment ! Quand j’ai reçu l’instru, je voulais pas écrire de texte mais je l’ai fait avec le cœur et en vrai c’est les meilleurs sons… Parce que c’est un sujet très compliqué et j’en parle que dans ma musique, mais si t’écoutes bien le son t’auras toutes les réponses.