« So here comes the African Giant ! » Avec l’explosion de Burna Boy, le Nigéria est définitivement devenu le pilier de l’industrie musicale du continent que son vivier de talents et sa créativité débordante le prédestinaient à être. Après l’exportation des aînés sur la scène internationale, c’est désormais au tour de la nouvelle vague du Naija de tout rafler sur son passage. A l’égard de sa croissance démographique phénoménale et de son industrie culturelle très diversifiée, le nouvel essor de la scène nigériane n’est en réalité qu’une évidence. Lagos est l’un des pôles de créativité les plus importants d’Afrique où se mêlent des artistes à renommée grandissante. Adim Williams pour le Nollywood, l’auteur Biyi Bendele et bien évidemment les chanteurs d’Afro-fusion et rap. L’influence du Nigéria sur la culture mondiale est indéniable. Ce n’est ainsi pas étonnant de retrouver 15 artistes et groupes nigérians dans la liste du média Black Square des artistes à suivre. À l’instar de la scène marocaine avec le projet NAAR ou de l’icône Fela Kuti, les artistes nigérians sont tournés vers l’international. Ce cap s’est imposé dans l’industrie nigériane à partir du début des années 2010. L’envol de Davido et le remix d’Ojuelegba du chanteur Wizkid par Drake en 2015 ont permis de donner un coup de projecteur aux artistes locaux. Ces derniers, qui avaient déjà conquis le berceau de l’humanité, s’offrent alors au monde entier…
Quand Wizkid et Burna Boy visent le monde, sur les traces de Fela Kuti
Parmi les stars ayant éclos depuis quelques années, Wizkid est celui qui s’est offert les collaborations les plus prestigieuses. Sur son dernier projet, sorti en 2017, il s’est entouré de Drake, Major Lazer, Chris Brown ou Ty Dolla $ign. Drake est par ailleurs l’un des éléments expliquant son ascension fulgurante. Après le remix d’Ojuelegba, l’artiste canadien a invité Wizkid sur le tube One Dance. Le natif de Surulere devient alors le premier artiste nigérian à atteindre la première place du Billboard Hot 100. Une performance qu’il a depuis reproduit lors de sa collaboration avec Beyoncé sur Brown Skin Girl. Wizkid n’est pas le seul à avoir attiré l’attention de Dreezy… Pas toujours d’une manière positive ! En effet, Burna Boy avait vu son titre More Life être samplé sur Get it Together sans pour autant être crédité. Toutefois, à l’instar de Davido, l’interprète d’African Giant a débuté sa carrière par des feats avec des artistes du continent, principalement nigérians, avant de se tourner vers l’international. D’une collobaration avec Timaya jusqu’à l’Apollo Theater de New York, Burna Boy n’aura pas mis longtemps à réussir ce pari.
La consécration que représente l’album African Giant sorti le 26 juillet dernier et projeté en l’espace de deux semaines à la sixième position du Billboard 200 World Album, sans compter les louanges de la critique internationale, n’est pas seulement celle de Burna Boy mais plus largement celle de la scène nigériane et africaine. De la même manière que son « héros » Fela Kuti, l’artiste aspire par sa musique à une unité africaine, à un redressement et un changement des mentalités au Nigéria. La onzième piste Another Story débute par exemple par une minute d’introduction sur le passif colonial qu’a subi le pays. Cette particularité de chanteur engagé, fait de lui un artiste rare sur la scène locale. Pour autant, sa renommée grandissante n’aura pas tardé à faire des émules : le clip de Falz This is Nigeria, à plus de 17 millions de vues sur YouTube, est là pour le prouver. Ce remix de This is America a suscité de nombreuses réactions, installant le chanteur dans la liste des artistes du pays à surveiller de près.
Le Nigéria au centre des stratégies de développement des majors
L’avènement de ces artistes a remis le Nigéria sur un piédestal musical ; une aubaine pour les générations à venir. En effet, grâce au succès des superstars nigérianes, les majors de l’industrie musicale ont investi le pays. Ces dernières années, Warner, Universal et Sony ont installé des locaux à Lagos ou signé des partenariats avec des labels nationaux tels que Chocolate City. Selon le réseau d’audit PricewaterhouseCoopers, les revenus de l’industrie musicale nigériane devraient passer de 39 à 73 millions de dollars entre 2016 et 2021, une augmentation à mettre en regard avec le potentiel de développement des plateformes de streaming au niveau local. C’est ainsi qu’en juillet 2018, Universal mettait en place une division stratégique à Lagos dirigée par Ezegozie Eze Jr. Parallèlement à l’implantation croissante de structures internationales, certains artistes nigérians à l’image de Wale ou Naira Marley se sont installés dans des pays occidentaux, notamment au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis, afin de décupler leurs chances de réussite. Cette diaspora Naija est d’autant plus facile à se développer que le pays est anglophone.
Rema et Teni, deux superstars en devenir sur la scène locale ?
Deux mixtapes sur les plateformes, plus de 50 millions de streams et une place dans la Summer Playlist de Barack Obama : le début de carrière de Rema est fulgurant. Grâce à une série de freestyles sur Twitter, il avait été repéré par le frère de Michael Collins Ajereh, producteur célèbre au Nigéria, avant de signer sur le label Jonzing World, qui est affilié à Mavin Records. Du haut de ses 19 ans, il est la star montante du Nigéria et ne devrait pas tarder à exploser les compteurs. Après un premier projet Rema, où il mélangeait les productions aux accents d’Afrofusion avec certains morceaux rap, le jeune artiste s’est rapproché du style des productions américaines sur son dernier projet en date, Rema Freestyle EP. Les hommes ne sont pas les seuls à prendre le flambeau laissé par leurs aînés. Teni en est le meilleur exemple. La chanteuse de 26 ans connait un énorme succès grâce à des tubes comme Askamaya, Case ou Uyo Meyo qui ont tourné dans les boites du monde entier.
Son dernier single, Power Rangers, sorti en juin dernier, atteint 3,5 millions de vues sur YouTube. Ayant elle-même une sœur chanteuse, Niniola, la chanteuse aspire à devenir un modèle de liberté et d’émancipation pour les femmes nigérianes : « faites des femmes une priorité et arrêtez de nous considérer comme des citoyens de seconde zone. On ne s’attend même pas ce que vous fassiez de la musique quand vous êtes une femme… » a-t-elle déclaré à Complex. Reste à savoir désormais comment ces artistes géreront cet essor, et si les productions resteront dans la lignée de l’Afrofusion ou deviendront au contraire de plus en plus américanisées pour gagner encore plus de public, au risque de dénaturer la musique Naija.