En dépit de la dureté de son environnement, marqué par la crise industrielle et des taux de chômage en pleine explosion, le Motown aura été une région au centre de l’innovation musicale de genres aussi variés que la techno et le rap. Pendant des années, la jeunesse locale développera loin de la lumière des projecteurs des registres sombres aux sonorités reflétant la réalité de la rue… Il faudra attendre la fin de la décennie pour que l’esthétique underground gagne en popularité auprès d’un public de plus en plus large, lassé par l’uniformisation des sonorités mainstream. Détroit, ville incontournable de la région, se trouve en plein coeur de cette tendance. Après avoir vu émerger Proof, Eminem, Royce da 5’9″ ou encore Big Sean, la capitale économique du Michigan donne naissance à une nouvelle génération de têtes d’affiches intermédiaires qui structurent le développement d’artistes à l’ADN de plus en plus affirmé : le succès de Tee Grizzley puis de Sada Baby finit par mettre en avant ce vivier de talents en constant renouvellement. Petit tour de piste d’une scène surprenante, bourrée de talents et qui n’a pas fini de faire parler d’elle.
Tee Grizzley, Sada Baby : des fers de lance déjà identifiés
Tee Grizzley
Bien que loin d’être nouveau, il serait dramatique d’ignorer l’impact important de l’explosion de Tee Grizzley pour la scène underground de Détroit. Le rappeur est parvenu à devenir un phénomène d’ampleur nationale avec des hits tels que First Day Out ou encore From The D To The A. Sans être pionnier d’un nouveau registre local ni se démarquer par son originalité, difficile de nier que son ascension a permis d’amener une nouvelle audience sur le rap de la ville. Présent depuis seulement une bonne poignée d’années dans le game, il nous donne pourtant déjà l’impression d’avoir un vécu bien chargé, fort de cinq projets sortis dans cet intervalle.
Sada Baby
Incontestablement l’étoile montante du moment, Sada Baby ne cesse de gagner en notoriété, mais aussi de surprendre, à l’image de son dernier hit Slide. Imprévisible de par son aisance à chanter sur quelques mélodies ou à devenir littéralement bestial sur des phases de kickage pur, il peut légitimement s’autoproclamer roi de la ville. Véritable machine de productivité, le rappeur enchaine les mixtapes de très bonne qualité telles que Whoop Tape ou plus récemment Skuba Saba 2. Sada Baby est également parvenu à exporter son charisme à l’international, notamment par le biais de ses gestuelles iconiques… De quoi en faire le phénomène street de Détroit le plus viral depuis Doughboyz Cashout !
Drego & Beno
Le Michigan peut se targuer d’héberger l’un des duos undergrounds les plus talentueux du pays : Drego & Beno. Les deux complices de longue date ont su trouver une parfaite complémentarité, entre un Beno versé dans l’egotrip balancé par un Drego plus sombre et à la voix très identifiable. Le duo a notamment pris de l’ampleur en sortant l’une des meilleurs mixtapes de 2018 : Sorry for the Get Off. Les deux rappeurs ont, de plus, l’avantage d’avoir réussi à s’imposer à l’échelle nationale en dépit de leur relative jeunesse, un parcours pas si commun au sein de la ville qui leur a offert l’opportunité d’exporter les nouvelles vibes de la scène locale.
Une scène créative en constant renouvellement
Boldy James
Il est presque impossible de suivre à la perfection la scène underground de Detroit tant son activité est, aujourd’hui, débordante. On voit même des plus anciens trouver un second souffle dans cette lancée. C’est par exemple le cas de Boldy James qui a sorti aux côtés d’Alchemist l’un des meilleurs albums de 2020 avec The Price Of Tea In China. Et comme un symbole de cette renaissance de hype pour Detroit, Griselda Records élargira très prochainement, de manière officielle, ses frontières pour accueillir Boldy.
Quelle Chris
Très loin d’être un rookie, Quelle Chris gagne en notoriété depuis quelques années. Après pas moins de dix ans de carrière, le rappeur originaire de New-York semble enfin avoir trouvé son public. Difficile de le mettre dans une case tant il se montre éclectique et se force à amener de nouvelles propositions sur chaque projet. On a notamment pu l’entendre engagé sur son très bon album Guns où il décrit l’impact néfaste des armes sur la société américaine. Son dernier album, Innocent Country 2 en collaboration avec Chris Keys, vient tout juste de sortir et nous offre un beau tour d’horizon de la panoplie de l’artiste, du jazz rap, à la néo soul, en passant par le rap hardcore.
Icewear Vezzo
Nous pourrions probablement passer des heures à lister les talents à suivre du côté du Michigan. Nombreux sont les rappeurs qui montrent une vraie aisance à poser sur des productions mouvementées. Icewear Vezzo fait partie de cette catégorie. Avec pas moins de 8 mixtapes au compteur, il n’a plus grand chose à prouver dans l’underground, en témoigne son hit Champions en collaboration avec Babyface Ray. Attention à ne pas dormir non plus sur ce dernier, gangsta rappeur très actif sur les cinq dernières années.
Damjonboi
Dans la catégorie des artistes plus récents qui tirent déjà leurs épingles du jeu, nous pouvons citer le très intéressant Damjonboi. Dans la lignée des têtes d’affiche de l’underground local, le rappeur a proposé une première mixtape très qualitative en 2019 avec The Number 20. Les fans de Lucki apprécieront certainement Baby Smoove. À la fois nonchalant à souhait et planant, il dispose du bagage nécessaire pour continuer à faire grimper sa notoriété dans les prochaines années. Son flow se juxtapose parfaitement aux univers dépressifs et oppressants que nous retrouvons régulièrement dans ses morceaux.
Les futures têtes d’affiches mainstream de Détroit ?
Sans surprise, certains des nouveaux visages de la scène de Détroit produisent des titres susceptibles retoucher le grand public. Même si nous en sommes encore loin, on pourrait parfaitement imaginer un Teejayx6 toucher le public de NBA YoungBoy. Sa manière de poser sur les prods, que nous pouvons qualifier d’atypique, intrigue et il ne serait pas étonnant qu’elle soit au centre de débats acharnés sur les réseaux sociaux comme ce fut le cas pour le californien Blueface. Pour autant, son style s’inscrit de manière assez distincte dans la mouvance locale, et tisse des liens étroits avec celui d’autres artistes de la ville. Difficile de prévoir si ces artistes parviendront à atteindre le statut actuellement occupé par un Sada Baby, néanmoins l’exposition croissante dont bénéficie Détroit pourrait aboutir sur quelques success stories…
42 Dugg
Très présent dans les discussions en ce moment, 42 Dugg semble également être plus proche que jamais de l’explosion. Le protégé de Lil Baby et Yo Gotti enchaine les cartons sur Youtube tout en parvenant à assurer sur des longs formats. Nul doute qu’avec un tel entourage, les grands moyens seront mis à sa disposition pour être en mesure d’exploser les chiffres durant les prochaines années.
ShittyBoyz
Nous pouvons miser une belle somme sur le trio ShittyBoyz qui est suivi de plus en plus près par les médias. Composé de deux rappeurs (dont un qui semble venir tout droit d’une vieille série Disney) et d’un producteur, ils ne manqueront pas de vous prendre à contrepied avec un rap bien aiguisé sur des ambiances assez variées. Des samples sortis tout droit des années 80, de l’égotrip à volonté à laquelle les jeunes s’identifieront facilement… La liste d’arguments pour la potentielle explosion de ces jeunes phénomènes est bien longue. Les deux albums valent pleinement le détour.