Le rappeur originaire du 20ème arrondissement revenait le 12 juin dernier avec un EP intitulé Mood, après la sortie de la réédition de son album Monsieur le 6 décembre 2019. Cette nouvelle sortie, qui s’inscrit dans une logique de productivité et de créativité accrues, et donc d’accélération de sa montée en puissance, le rappeur se livre un peu plus tout au long d’une tracklist de 7 titres sur lesquels on retrouve des collaborations avec Tory Lanez, Leto, Tiakola ou encore Abou Debeing. Ce nouveau projet est également marqué par une recherche de nouvelles sonorités, Franglish s’aventure vers de nouveaux registres dont un, devenu incontournable dans l’actualité musicale de ces derniers mois : la drill. Le chanteur livre une interprétation très personnelle de ce dérivé de la trap couvé à Chicago, puis développé à Londres qui prendra son envol après le succès international de titres de Drake et de Pop Smoke. Omniprésente, la guitare donne corps à un projet à l’identité marquée, qui souligne une période de transition dans le cheminement artistique d’un Franglish à la popularité croissante. Entretien avec un artiste honnête et posé, qui n’hésite pas à porter un regard critique sur ses choix.
REVRSE : Dans un contexte où le monde du spectacle vivant est encore à l’arrêt, est-ce que tu as reçu des retours sur ta Cigale et ta récente tournée en Afrique ? Et du côté des showcases ?
Franglish : Les gens ils étaient archi content, il y avait une très bonne ambiance. Le public demande d’autres shows, quant à moi, j’attends la suite. Pour ce qui est des showcases, je t’avoue que je préfère les concerts parce qu’il intègrent plus cette dimension de spectacle. En showcase, tu n’es même pas sûr que les gens sont venus pour toi! Tu ne peux pas arriver en boîte de nuit et dire aux gens de lever les mains, peut-être qu’ils vont t’ignorer ou même te jeter une bouteille dessus ! En concert, tu arrives à 20h et pas à 3h du matin donc les gens ont encore de l’énergie à dépenser, et il y a tout le travail d’éclairage et de mise en scène derrière…
REVRSE : On a l’impression que c’est un vrai challenge de faire monter le niveau de tes prestations scéniques, par exemple en intégrant de la danse…
Franglish : C’est vrai que je danse de plus en plus, et sur la tournée qui devrait commencer en septembre je compte vraiment le mettre en avant. Je pense très sérieusement à amener des vrais danseurs, avec une chorégraphie.
REVRSE : Passer des premières parties d’artistes comme Dadju à des performances devant un public qui est entièrement le tiens, quelle différence est-ce que ça fait ?
Franglish : Ça ma fait du bien. J’ai pu me repérer, analyser ce que mon public aime chez moi, ce qu’il retient de mes performances. Ça ma fait gagner du temps et de l’expérience. Même pour les prochains titres qui vont arriver ça m’a aidé, au niveau du flow, des mélos… Et ce peu importe le style d’instrus !
REVRSE : Par exemple, quel son parlait le plus au public selon toi ?
Franglish : Il y en a plusieurs, notamment Donna Imma et Ensemble. Mais c’est une question très difficile. Quand tu performes devant ton propre public, les gens qui sont sur place connaissent facilement 80% à 90% de ton répertoire. À partir de là, difficile de se dire que tel ou tel morceau a mieux pris qu’un autre. D’expérience, je sais que ce qui fait le plus réagir quand je suis invité aux concerts d’un autre artiste, ce sont des titres comme Donna Imma ou Bombarder et plus récemment À cause de toi.
REVRSE : Ces derniers mois, on sent un véritable regain de créativité et de productivité de ta part. D’où est-ce que ça vient ?
Franglish : C’est un kiff d’aller en studio ! J’aime être en studio, produire, faire de la musique. Pour te dire, quand je me dirige vers le studio, je n’ai aucune idée du titre que je vais faire. Je ne sais pas de quoi je vais parler. J’arrive et j’écoute l’instru. En général, on fait tout sur place, de la composition à la suite des opérations. J’arrive devant le micro et je vais chercher mes mélos, je vais travailler mon thème et mes textes plus tard, en fonction de la mélodie ou la prod.
REVRSE : Tu écris d’abord la mélodie avant le texte ?
Franglish : La plupart du temps c’est vrai que je commence par un yaourt, mais c’est pas systématique. Des fois ça sort tout seul, sans topline.
REVRSE : Est-ce que ça t’es arrivé de poser un son one shot et de ne pas le retoucher, comme Lil Wayne et Young Thug aux États-Unis ?
Franglish : Ça m’est déjà arrivé, pour le titre Me parle pas d’âge et pour Vargas avec Alonzo. J’avais posé le refrain sans l’écrire, sans préparation… Même l’instru n’était pas terminée ! Il y avait juste une rythmique. Bombarder est un peu venu de la même manière. L’ingénieur du son n’arrivait pas à trouver la note de l’autotune, d’où la phrase « nique sa mère l’autotune ». Et quand j’ai vu la réaction des gens en face de moi, je me suis dit que j’allais continuer de poser de cette manière. C’est le son préféré de Griezzman d’ailleurs, il l’écoute tout le temps. Ce qui est marrant parce que je suis pas très foot, en général je regarde que si je suis avec des gens qui veulent regarder. Je suis plus orienté basket, mais à vrai dire le studio me prend tellement de temps que je n’en ai plus pour suivre ce qui se passe ou même jouer.
REVRSE : Ton nouvel EP, Mood, s’ouvre sur un titre assez léger et se ferme sur Ex, un titre beaucoup plus introspectif. C’est un effet recherché cette gradation où tu te livres au fur et à mesure de l’écoute ?
Franglish : C’est pas forcément ce qu’on a cherché à rendre en construisant la tracklist au début, mais j’ai fini par le ressentir et c’est ce qui m’a conduit à mettre Ex en dernier. C’est un thème un peu difficile, mais livré sur une instru qui lui donne une autre dimension. C’est un peu mon objectif sur ce genre de titres, ne jamais rester statique.
REVRSE : Dans Monsieur, tu expliquais avoir eu le coup de coeur pour la guitare. Ça se ressent, dans la mesure où 6 des 7 titres de l’EP en portent la marque !
Franglish : Tu viens de me faire découvrir un truc, je m’en étais pas rendu compte. Même sur de la drill, j’ai réussi à en caler ! C’était pas spécialement un effet recherché, je suis naturellement attiré par la guitare. J’aimerais beaucoup apprendre à en jouer.
REVRSE : Quelles sont tes relations avec Dadju et Abou Debeing ?
Franglish : On est soudés, on est ensemble. On est travaille tous sur les projets des autres artistes de l’équipe en permanence, de Dadju à Imen Es. D’ailleurs, c’est comme ça que Debeing s’est retrouvé dans l’EP. Il est passé à une séance, j’étais en train de poser le titre. Je lui ai demandé de m’écrire le premier couplet, puis je me suis dit que ça serait encore mieux qu’il le pose directement. Pour ce qui est des mélodies, c’est un peu moins le cas parce que je trouve la plupart d’entre elles seul au studio. Peut-être qu’on pourrait y penser à l’avenir !
REVRSE : Par le passé, on t’avait reproché de ne pas assez te livrer. Sur Monsieur, tu avais livré un titre très introspectif en réponse, Mama. Ce n’était pas trop personnel pour être mis en images ?
Franglish : Franchement, c’était le tournage le plus dur que j’ai fait. Pour la réalisation, je me suis retrouvé à devoir parler de ma mère alors que c’est quelque chose qui me vient plutôt seul devant un micro. Quand on m’a dit que ça serait bien de tourner un clip, j’ai traîné des pieds Le plus dût, c’était de se concentrer sur tout le reste pour que le rendu soit parlait !
REVRSE : C’est aussi un bloquage pour l’interpréter sur scène ?
Franglish : Avant ma date à la Cigale, j’étains convaincu que ça me ferait pleurer de le chanter sur scène. Mais finalement j’ai pas pleuré, j’avais juste la haine. Car en même temps que je le chantais, je regardais en face de moi et je me disais « putain, elle est pas là ». Surtout qu’elle n’a jamais pu me voir sur scène… Depuis, je ne l’ai pas rechanté.
REVRSE : Au-delà de ce titre, on sent que tu commences à te livrer au compte goutte dans tes textes…
Franglish : C’est toujours bien de raconter, mais je raconte seulement une partie de ma vie. Sinon, il ne manquerait plus que je donne mon adresse ! Par contre Allo et Ex ne me concernent pas du tout, c’est du storytelling dans lequel je me situe juste comme un narrateur. Dans le même genre, pas mal de gens pensaient que je parlais de moi dans C’est plus l’heure, ce n’est pas le cas. C’est une confusion logique en vérité, dans la mesure où je chante ces textes à la première personne. Mais j’aurais des problèmes sinon…
REVRSE : Il y a un an, tu disais avoir été choqué de la prestation scénique de Tory Lanez. Ça fait quel effet de le retrouver sur ton propre projet ?
Franglish : C’est une dinguerie. J’écoutais du Tory Lanez avant même de faire de la musique, en 2012. Alors ça me fait quelque chose de savoir qu’il a eu envie de poser sur un titre de moi dès qu’il l’a entendu ! Je l’ai vu faire des vidéos où il danse dessus, il est lancé. Surtout, ce n’est pas un simple featuring arrangé entre un français et un américain. Sur My Salsa, il y a une vraie connexion malgré le fait qu’on ait pas posé dans le même studio. Tory est dans le refrain, dans les ambiances et le résultat est vraiment cohérent. j’aurais bien aimé le clipper, il faudra voir si la situation le permet…
REVRSE : Le public t’identifie désormais comme un chanteur, est-ce que tu penses pouvoir revenir un jour à des titres purement rap comme tu en sortais sur Haute Culture ?
Franglish : C’est vrai que je suis dans un truc de gimmicks et de mélodies efficaces sur lesquels le public m’accompagne en chantant, mais ça ne veut pas dire que je me suis fermé au rap. D’ailleurs, si tu écoutes attentivement, tu remarqueras que j’utilise toujours des mélodies rappées. Un titre comme Ensemble, si je le faisais à Planète Rap sans autotune, les gens diraient que c’est du rap ! Même si j’ai basculé dans quelque chose de plus chanté, ça reste dérivé du rap.