Je lis souvent que le rap tout droit sorti de New York est endormi voire mort, déclassé par les jeunes d’Atlanta ou de Chicago. Cependant tel un sursaut d’orgueil, une bougie dans une chambre vide, New York continue d’exister et de performer dans ce rap. Dans un univers très éloigné de la trap, on se retrouve dans une ambiance très sombre, lugubre, comme si ces artistes faisaient des allers-retours entre les pires métros new-yorkais et la prison. Parmi ce vivier de talents secrets, un jeune rappeur fait son trou sur la toile: WestSide Gunn. Ses influences et son style sont reconnaissables parmi tant d’autres: une voix aiguë, des textes hards sur des prods très sombres qui pourraient rappeler celles de Roc Marciano. Ce n’est pas pour rien que l’on retrouve souvent ces deux là ensemble, en ajoutant Conway. Omar’s Coming en est bien la preuve… Roc Marciano, au sommet de sa forme s’est même permis de produire le morceau Hall.
La nouvelle voix de New-York
Bref, voila donc la nouvelle voix de New-York, et elle n’est pas prête de s’arreter. Après avoir enchainé les mixtapes Hitler Wears Hermes, et les EP tels que Roses are Red… so Is Blood le jeune rappeur de chez Griselda, récemment exilé à Atlanta sort FlyGod, un album qui confirme tout son talent et ce qu’on attendait de lui: un performeur sur des prods monotones, minimalistes mais inlassables. À la baguette de cet album, Alchemist, Statik Selektah, Apollo Brown, Camouflage Monk, The God Fahim ou tout simplement son fidèle acolyte, ayant participé à plus de la moitié de l’album (et sûrement de ses morceaux), Tommy Daringer.
Les vrais surprises qui font saliver viennent surtout des featurings ou en plus de Roc Marc, Conway, Keisha Plum nous retrouvons Action Bronson sur l’excellent Dudley Boyz, Skyzoo sur 50 Inch Zenith ou encore le très discret Danny Brown sur Bodies On Farifax. Quoi de mieux de commencer un album avec un morceau dans le style le plus pur de WSG? Commencer un album avec un morceau en collaboration avec Conway. C’est partit pour un album qui sent les égouts, les cages d’escalier qui sentent la pisse et les arrêts de métro avec un Dunks qui annonce tout de suite la couleur.
Make money and pray, Gustavo
Le second morceau est sûrement l’un de mes préférés de l’album (déjà?!). Simple mais très efficace, Gustavo tournera sans doute souvent en rotation dans vos iPods ou autres smartphones tant le morceau est addictif. Tel un bon grec ou un sandwich de chez MacDo, on aura beau connaître le produit sur le bout des doigts, ce dernier restera toujours un délice à chaque écoute. Petite pensée pour Keisha Plum qui vient rajouter son grain de sel a la fin du morceau… « Make money and pray, Gustavo… » Les bases sont posées, l’album est déjà bien présent dans notre esprit. Nous retrouvons donc le natif de New-York et son producteur fétiche une nouvelle fois sur le troisième morceau Shower Shoes Gallery, un morceau sanglant, cinglant et inquiétant en collaboration avec le rappeur Benny.
Parmi tous les rappeurs cités en collaboration dans l’album plus haut, j’ai oublié, à mon grand malheur, Your Old Droog. Et pourtant, c’est sans surprise que le MC de Brooklyn performe aux côtés du « FlyGod » dans Vivian at the Art Basel, tant sur son couplet qu’au refrain, sur une prod signé Camouflage Monk. Le rappeur de chez Griselda frappe fort et au bon endroit. Et pas tout seul, en invitant des mecs déjà posé depuis longtemps et qui continuent de monter et monter. Meyhem Lauren en fait partie, et c’est donc pas étonnant de le retrouver dans cette merveille tant leurs styles sont très proches. L’ami de Roc Marciano se ballade sur une prod de Daringer en compagnie de Gunn, donnant ainsi le très bon Over Gold.
Le festival des featurings en or
On continue le festival des featurings en or avec Bodies on Farifax, morceau que j’attendais beaucoup tant je ne connaissais pas l’état de forme du rappeur de Détroit et comment les deux allaient réussir a se mélanger. Mais Danny a su rapidement faire éteindre mes doutes en ouvrant le bal sur ce morceau dantesque. Si les morceaux s’enchainent tous plus ou moins de la même manière, c’est sans compter les sursauts de soul et de musicalité du rappeur. Notamment avec Mr T, produit par Apollo Brown. Une prod carrée, sur un sample soul tout droit sortit des années 70’s comme le prodo de Detroit sait le faire, mais une prod qu’a su dompter avec brio WestSide Gunn. Cela donne un morceau magique, et évidemment, un clip magique. Un des meilleurs morceaux de l’album sans aucun doute.
Le rappeur n’est pas en reste, après Apollo Brown c’est au tour de Statik Selektah de voir une de ses créations performée. Pour cela, le jeune rappeur a décidé d’inviter Skyzoo a la fête. C’est d’ailleurs pas la première fois que les deux se connectent, sur Hitler Wears Hermes 3, WSG avait déjà fait appel au talent du natif de Brooklyn sur l’excellent Rolacks. Ce dernier s’est même retrouvé a faire le refrain du morceau Luxury. Une collaboration que l’on commence donc à comprendre mais qui est toujours un plaisir a écouter.
Nous arrivons donc presque à la fin de l’album, avec comme cerise sur le gâteau Dudley Boyz, le morceau avec Action Bronson. Tel un dernier jour de vacances, ton dernier cadeau de Noël, ton dernier biscuit préféré, tu dégustes ce moment là avec un mélange de bonheur et d’amertume. Mais tu le dégustes, ce morceau où les deux rappeurs font une démonstration d’excellence sur une prod d’Alchemist. Une démonstration que tu aurais voulu interminable mais qui ne dure que deux malheureuses minutes.
Et l’album se termine donc sur cela, une petite outro avec Bro AA Rashid au discours. Un des meilleurs albums de 2016 sans aucun doute. Un album où nous retrouvons New-York dans son plus pur style, des prods aux textes performés par WestSide Gunn. Ce n’est pas pour rien que ce rappeur est de plus en plus en vu, et que l’on entend de plus en plus sa voix. Le jeune rappeur a du talent et de l’avenir, et il n’est pas prêt de s’arreter puisque deux mois après la sortie de son album, il vient de sortit Don’t Get Scared Now, un EP en collaboration avec Mach Hommy & Conway, ses compères de toujours.