Après avoir effectué son bonhomme de chemin dans le rap français depuis près de deux ans, Krilino enchaîne les millions de vues depuis quelques mois. Un véritable tournant en termes de reconnaissance et de buzz s’est opéré dans la carrière de l’artiste Lillois. Ce dernier a sorti un double-album intitulé Métamorphoses le 15 mars dernier, un titre qui semble résumer parfaitement l’état de sa carrière et de sa progression artistique. Ne se fermant aucune porte en termes de choix artistiques, le projet est composé de 24 titres alternant les hits sous toutes leurs formes, mais en conservant la patte artistique propre à celui qui se fait surnommer Krili. A l’occasion de cette sortie, nous sommes partis à la rencontre de Krilino afin d’évoquer un large panel de sujets, allant du manque de reconnaissance dans le milieu, à ses particularités musicales, son enfance dans le nord et ses objectifs hauts en couleurs.
REVRSE : Ce qui m’a frappé en premier lieu, c’est qu’il y a vraiment une équipe rapprochée autour de toi, pas de grosse structure malgré tes chiffres sur YouTube, c’est un choix délibéré ?
Krilino : Je préfère avoir une équipe composée de proches, de gens que j’apprécie et qui ont quelque chose dans le cœur et dans la tête. Au moins avec les gens qui m’entourent, je sais que je n’aurais pas de problèmes dans quelques années, et que je me retrouverai pas sans personne autour.
REVRSE : Tu sens qu’en engouement est en train de voir le jour autour de ta production musicale ?
Krilino : Je le vois déjà par rapport aux notifications sur les réseaux sociaux, c’est plus comme avant. C’est des 93 demandes d’ajout, 15 messages, des propositions de toute sorte, notamment sur les featurings. Ca monte, ça va.
REVRSE : J’ai l’impression que les artistes dans le même courant musical que le tien réussissent à avoir des grosses communautés sur les réseaux sociaux, je pense notamment à Soolking ou L’Algerino… Comment expliquerais-tu ce phénomène ?
Krilino : C’est la même spirale, on se rejoint sur certains trucs mais j’ai que 20ans, je suis jeune et j’ai envie d’amener quelque chose qu’ils n’ont pas, surtout avoir ma propre musique, afin qu’on sente que je suis vraiment différent et que j’ai mon univers, celui de Krili.
REVRSE : T’as toujours grandi dans le nord ?
Krilino : Avant j’habitais à Montpellier, quand j’étais petit, on a fait six mois.
REVRSE : C’est vraiment à Lille que tu as commencé la musique ?
Krilino : Oui, il y a 7 ou 8 ans, j’ai commencé à envoyer mes sons sur MSN. Je les envoyais à tous les mecs du quartier, à cette époque. On a connu des galères et c’est ce qui nous a aidé à être matures, plus calmes, et surtout ne pas faire l’agité pour rien, c’est de la perte de temps. Quand t’as connu des problèmes, tu sais que plus rien ne peut te faire peur derrière.
REVRSE : Il faut également voir que la majorité des artistes au sommet sont également passés par ces moments afin de se retrouver en haut…
Krilino : Si je te donne maintenant à boire, tu vas pas aller racheter une bouteille puisqu’elle est là. Quand tu donnes aux gens, ils n’ont plus besoin d’aller voir ailleurs, et c’est comme ça.
REVRSE : Avec Métamorphoses, tu proposes un double album consistant, mais pourquoi as-tu décidé d’envoyer autant de titres ?
Krilino : Je suis un artiste ayant beaucoup d’idées, j’aime bien innover, au niveau des textes, des hits et des freestyles, il y en avait en stock. On a sorti des projets pendant deux ans, on peut se permettre d’envoyer un double album. Je vais pas te mentir le prochain sera un album normal, avec plus de surprises, plus de frappes, je raconterai plus ma vie, on rentrera dans les détails. En vrai ce double-album, je le perçois comme une carte de visite, pour avoir accès à la boîte et une fois que je suis dedans, je sais quoi faire.
REVRSE : Au sein de ton univers, il y a une sorte de musicalité naturelle qui se dégage, j’aurais aimé savoir comment cette faculté t’est venue ?
Krilino : Je suis mélomane de base, et je déborde d’inspiration, par exemple je suis en studio avec un beatmaker, je vais lui de faire des trucs dont j’ai envie, comme rajouter du violon. J’aime bien la musique, ça vient naturellement, surtout quand j’ai une mélodie dans la tête, j’écris directement. Maintenant, je me réveille pour la musique, je mange pour la musique, je bois pour la musique, c’est mon métier.
REVRSE : En tant qu’artistes, quelles ont été tes influences plus jeune ?
Krilino : Sexion d’Assaut, j’aimais bien leur délire, leur effet de groupe. Ils nous ont marqué ces gars-là quand on était au collège. J’ai beaucoup écouté de Rohff et de Niro aussi.
REVRSE : Venant de Lille, tu ne proposes pas forcément une musique qui correspond au côté froid de la région…
Krilino : Je compense par mon côté chaud, mon côté grand cœur, et si les gens ne l’ont pas, je vais leur faire découvrir. Chez nous c’est gris, mais il faut ramener de la couleur et mon choix semble avoir été le bon puisque j’ai eu des bons retours.
REVRSE : T’as fait un featuring avec La Famax, et j’aurais aimé savoir comment s’est faite la collaboration sachant que vous n’avez pas forcément de connexions évidentes hormis votre musique qui est proche sur certains aspects ?
Krilino : La Famax avait fait un showcase dans la chicha de mon ami, donc on m’appelle, tu sais comment ça se passe. Je lui ai dit que j’étais fatigué parce que je suis pas trop quelqu’un qui sort en boîte ou chicha, les apparences sont trompeuses, mais j’y suis quand même allé. Je suis parti, et eux étaient déjà rentrés, donc je rentre chez moi, la chicha est juste à côté. Le lendemain, on a pris le café ensemble, on a fumé, on a parlé, il m’a demandé si j’avais un studio à disposition, il a bu son flash, j’ai jumé mon join, et c’est parti.
REVRSE : Il y a également eu une autre collaboration marquante dans ta carrière, celle avec ZKR et Anas Nord Face, tu as senti un avant-après ?
Krilino : C’était quelque chose de bien, mais je l’ai pas forcément ressenti parce que je faisais déjà mes millions de vues, et j’étais un peu identifiable. Ca a permis de nous identifier ensemble. ZKR, c’est quelqu’un qui vient souvent au quartier, on parle bien.
REVRSE: Quel était ton objectif principal avec Métamorphose ?
Krilino : C’était de faire des hits, et je les ai faits donc j’en suis plutôt fier. Après c’est des hits qui n’ont pas encore une grosse exposition, mais avec le temps, ça va le faire. Pour le deuxième album, je compte faire de la trap, du reggaeton, de l’italien, de l’algérien, mélangé à de l’espagnol. Ca permettra aux gens d’arrêter de dire il fait de la musique pour les arabes ou pour les français. J’ai la petite crainte qu’on me mette dans une case que je n’ai envie d’être, la musique, c’est pour tout le monde à la base.
REVRSE : Depuis le début de l’interview, le côté humain ressort de chez toi, est-ce qu’il faut que tu ressentes ce côté chez d’autres artistes afin qu’une collaboration se fasse ?
Krilino : Il faut que je rencontre la personne et qu’on se parle, sinon c’est impossible, je vois même pas l’intérêt. Par exemple : un artiste très exposé à l’heure actuelle, je suis pas son poulain, c’est pas le mien. Je le connais depuis qu’il a l’âge de 13 ans, il n’y a aucun rappeur qui le connaît mieux que moi. Demain, il peut se dire soutenu par n’importe quel artiste, c’est soutenu par Krilino avant tout. Il avait 13 ans, personne ne voulait faire de featuring avec lui, j’étais là. Et plus tard, il m’avait dit viens on fait un featuring, ça ne s’est pas fait parce qu’il rentrait en prison. Mais avec le temps, ça va se faire, on se connaît très bien. Après, on a grandi ensemble, c’est comme un footballeur pro qui joue au PSG et son collègue en Equipe de France, aide-moi pour que je joue en sélection. En vrai, le problème, c’est les entourages des artistes qui parlent et se mettent en tête des choses qui sont fausses. Les histoires de « il veut gratter ton buzz », je m’en fous, c’est un mec que je connais depuis petit, et quand on me connaît, on sait que je suis loin d’histoires bizarres comme ça. Mon équipe me dit de ne pas me prendre la tête, ça reste dans un coin de ma tête. Je vais prouver et monter. Tranquille, je sais quoi faire, j’ai mes mélodies, les gens vont écouter. Tous les millions de vues que j’ai fait, j’en ai pas acheté un seul, c’est du concret.
REVRSE : Sur le projet, les chiffres de première semaine, c’est secondaire ?
Krilino : Je me prends la tête, je m’en fous. Ce qui m’a perturbé dans ce milieu, c’est que les gens montent et ne veulent pas donner de force, même quand c’est des proches. A la limite, on fait pas de featuring, mais donne moi deux, trois contacts. Laisse-moi chanter à ton Planète Rap par exemple. Comment ça tu ramènes des gens que t’as jamais connus et Krili tu l’oublies, mais ne me serres plus la main, arrête de faire semblant.
REVRSE : Est-ce que des maisons de disque se sont intéressées à toi au vu de l’engouement qui grossit autour de toi ?
Krilino : Il y a eu des petites propositions mais on préfère faire nos trucs avec l’équipe et ensuite, on verra. C’est ton talent qui fait la différence, pas la maison de disques. Si tu fais des sons qui tuent, crois-moi que tout le monde te veut. Il y a des grands rappeurs qui me veulent mais personne ne va m’envoyer un message, et je sais que tu me veux.
REVRSE : Dans ta carrière, tu te verrais aller vers autre chose musicalement, à l’instar d’un Maître Gims, toutes proportions gardées, devenir un personnage qui peut se variétiser ?
Krilino : Je suis déjà en train de rentrer dans ce chemin mais la différence se fait avec le temps, il ne faut pas se prendre la tête, seulement rester concentré derrière le micro. Maintenant, la prochaine étape, c’est frapper fort avec le deuxième album, qui contiendra quatre gros featurings, des sale hits… Les gens vont pas comprendre et je vais les choquer.