« J’suis pas un vrai rappeur, je veux juste un peu d’oseille » affirme-t-il dans son morceau Posey. Ce ne sera pas le premier à revendiquer le fait de ne pas être un rappeur, à commencer par Young Jeezy aux Etats-Unis et Hype Hagrah dans l’hexagone. Si en France le public semble réticent à accepter l’apparition d’un personnage public dans les rangs des « vrais » rappeurs en partie sans doute à cause de l’épisode national de Fatal Bazooka, ce n’est pas forcément le cas outre-Atlantique, où l’album de la star de téléréalité Riff Raff Neon Icon est accueilli par un grand succès d’estime notamment grâce au single Tip Toe Wing In My Jawwdinz et où l’animateur MTV Andy Milonakis, qui d’ailleurs faisait partie de la formation Three Loco aux côtés de Riff Raff, multiplie les featurings avec Chief Keef. La sortie des premiers extraits de MST déclenche une vague de succès, Swagg Man parvient finalement à retenir l’attention des auditeurs après plusieurs essais infructueux notamment sur le fameux Black Card.
Les ingrédients de ce retournement de situation? D’abord une série d’extraits clipés qui permettent à Swagg Man de développer son univers avec plus de finesse qu’il ne l’avait fait jusque là dans les Swagg Man Actuality ; cette série commence donc avec Black Card, qui joue sur des tonalités dorées, puis se poursuit avec Billey, un clip déjà plus travaillé qui commence dans une esthétique quasiment rétro tout en conservant la touche d’humour caractéristique de Swagg Man et personnifiée par une personne âgée en fauteuil roulant, apparition incongrue sur un morceau de rap, puis se poursuit avec des scènes en extérieur devant un fourgon de transport de fonds. Sur Ma Bentley, le rappeur adopte un ton plus chill qu’illustre le refrain chanté « Y’a des gos du soleil / Donc je sors ma Bentley ». Une esthétique différente apparait sur Savent-ils: des prises de nuit et surtout beaucoup de scènes en extérieur notamment sur un quai de port de plaisance, une imagerie qu’il reprend sur son extrait suivant, J’ai pas le temps, entièrement tourné sur un yacht. Musicalement, l’utilisation d’instrumentales de très bonne qualité n’est pas non plus étrangère au succès de Swagg Man qui pose la plupart de ses morceaux sous autotune. A ce moment, on peut dire que la popularité du nouveau venu est à son apogée, il cumule des millions de vues sur chacune de ses vidéos Youtube et est invité à plusieurs émissions de télévision.
Pourtant, après la sortie de J’ai pas le temps, Swagg Man interrompt la diffusion de clips sur une période de 6 mois pour une raison inconnue, avant de mettre en ligne les morceaux Hôtel et Lambo, ainsi que Fuckin Tonight, une tentative en anglais qui ne figurera pas dans la tracklist de MST, qui recueillent par conséquent un nombre de vues beaucoup moins important. Peu après, il finit par sortir son album de 16 titres dont quatre pistes instrumentales, ce qui est assez étonnant pour un album studio et plus courant pour des mixtapes. Sur ces douze morceaux, seuls quatre sont inédits et les huit autres ont déjà été dévoilés sur la chaîne Youtube de Swagg Man auparavant. Un seul featuring avec 2018 Clan, d’autres artistes du label Purple Smoke, sur la piste bonus Bang Bang. La pochette du projet est aussi assez étonnante avec un aspect presque brouillon mais elle n’est pas inintéressante. Musicalement, les morceaux les plus intéressants du projet restent Savent-ils avec notamment le refrain mémorable « Et les haineux m’inventent une life, bro, comme ils peuvent / Medusa vintage, j’ai les bras longs comme une pieuvre », J’ai pas le temps avec des sonorités très innovantes au niveau de l’instrumentale et parmi les morceaux qui n’avaient pas été dévoilés Kiffey, un morceau festif avec des tonalités à la limite du club/électro qui ne nuisent pas au morceau. Bien sûr, au niveau des textes et mis à part les refrains très efficaces, Swagg Man accuse un retard considérable et complètement assumé puisqu’il revendique lui-même le fait de ne pas se prendre au sérieux, mais en revanche il faut avouer que sur la simple musicalité de son album il est loin d’être complètement nul.
Les principales critiques que j’aurai à adresser au projet de Swagg Man son essentiellement promotionnelles… Pourquoi avoir attendu 6 mois avant de continuer de dévoiler les extraits? Pourquoi avoir dévoilé et clipé autant d’extraits alors que cela n’était absolument pas nécessaire pour ne finalement révéler qu’une tracklist quasiment connue à l’avance? Par ailleurs, pourquoi avoir inséré des pistes instrumentales dans l’album? Dans son positionnement mi-comique mi-artistique, Swagg Man occupe un créneau qui n’était pas vraiment pris en France jusqu’à maintenant malgré des tentatives honorables, et livre un album qui sans être le projet de l’année est à la fois drôle et musicalement pas désagréable voire parfois intéressant. S’il compte aller plus loin dans cette voie, des évolutions au niveau du texte ou de la technique sont probablement nécessaire, à voir donc si cela fait partie des projets du rappeur tatoué.