Le parcours de Booba nous apprend que la clé de la longévité pour un artiste réside dans sa capacité d’adaptation, et cette réalité s’applique tout autant à d’autres secteurs comme l’agroalimentaire. Au rang des bons élèves, on retrouve la marque Red Bull, exploitée par le géant Unilever depuis plus de trente ans. Malgré son statut de leader sur le marché des boissons énergisantes et des chiffres en hausse continue depuis ses débuts (+3,8% de chiffre d’affaires en 2018), l’entreprise autrichienne doit faire face à une concurrence de plus en plus rude (-2% de part de marché en 2017). Une situation qui avait été anticipée dès 1995 avec des investissements colossaux (entre 30 et 40% de son chiffre d’affaires annuel) dans les sports automobiles, puis dans les sports extrêmes et le e-sport. Pourtant le modèle économique de la société reste difficile à assumer, en raison d’un lourd budget marketing et de la nécessité de se renouveler constamment pour rester à flot…
➡️ L’urbain francophone au centre de la stratégie de diversification de Red Bull
Dans la continuité de sa stratégie de diversification, Red Bull GmbH s’est lancé sur le marché de la culture depuis 1998 avec la création de la Red Bull Music Academy et de Red Bull Radio qui ont fini par fermer leurs portes le 31 octobre dernier. Seul bémol, la marque au taureau rouge semblait encore tiède à l’idée d’investir le marché francophone. C’est en 2017 que Red Bull saisit l’envergure des scènes urbaines locales en finançant la mixtape Paris L.A. Bruxelles. Pour cette opération, l’entreprise autrichienne fait appel au producteur légendaire The Alchemist, qui s’entoure de quelques représentants de la scène francophone (Deen Burbigo, Roméo Elvis, Gracy Hopkins). Pour marquer le coup, Red Bull organise un concert au Trabendo réunissant chaque acteur de la mixtape. Le succès de cette première tentative motive la marque à renouveler l’expérience en s’associant à Harry Fraud sur Brooklyn Paris, puis plus récemment à WondaGurl sur la mixtape Toronto Paris. Ces projets, malgré un succès relatif en termes de consommation (un peu moins d’un million d’écoutes SoundCloud pour Paris L.A. Bruxelles), ont le mérite de donner un nouveau souffle à un format délaissé, et nous montrent que la formule fonctionne toujours. Un concept qui a certainement inspiré Deezer pour concevoir sa série originale La Relève.
➡️ Une communication axée sur des contenus de qualité pour un résultat optimal
Début 2019, Red Bull crée Red Binks, un média vidéo consacré au rap francophone qui propose des freestyles, des podcasts ou encore des vidéos d’immersion autour des projets mis en place par Red Bull. L’occasion de compléter un autre projet de grande ampleur, le battle Dernier Mot développé depuis 2017 en miroir de l’édition hispanophone Batalla De Los Gallos. L’élément central de cette nouvelle offre médiatique, c’est l’émission Rap Jeu. Animée par Mehdi Maizi (ex-Deezer, ABCDR du Son, OKLM), elle met en scène des rappeurs et des personnalités du milieu sur un ton humoristique. Là encore, ce nouveau succès repose sur les fondements de la stratégie Red Bull : des projets solides, financés à la mesure de leurs ambitions pour assurer leur qualité de réalisation, mais dont la direction artistique est confiée à des personnes clefs de milieu. L’aspect marketing, qui reste la finalité première de Red Binks, n’est pas mis en avant au détriment du rendu, d’autant que les programmes de la chaîne sont entièrement éditorialisés par des prestataires issus du milieu du rap. C’est par ce moyen que Red Bull est parvenu à se constituer en nouveau poids lourd du paysage médiatique du rap français sans avoir recours à des rappeurs-panneaux d’affichage ou à du brand-dropping à outrance.