Après avoir pris forme sur les réseaux sociaux courant octobre, le mouvement des gilets jaunes s’est manifesté courant novembre lors d’opérations « péages gratuits » ou de blocages des routes dans l’hexagone et dans certains départements d’Outre-Mer. Plus qu’une protestation contre l’augmentation de la taxation des carburants, les gilets jaunes ont rapidement cristallisé un sentiment de ras-le-bol général dirigé contre une pression fiscale de plus en plus perceptible et contre des élites politiques souvent décalées dans leurs réactions. Du fait de la diffusion à un stade précoce du mouvement d’actes et de propos à caractère raciste réalisés ou tenus par des participants, une partie des habitants des zones périphériques ont refusé de s’y associer dans un premier temps. Malgré ce début de relation marqué du sceau de la méfiance distante, un certain nombre de rappeurs ont fait le choix d’apporter leur soutien aux dernières actions des gilets jaunes de façon plus ou moins explicite.
Le plus médiatisé d’entre eux, étonnamment, n’est pas forcément le plus connu… Il s’agit du toulousain Kopp Johnson, artiste et chauffeur qui, inspiré par son blocage à un rond-point de Castres le 19 novembre, a donné naissance à un véritable hymne afro du mouvement. Le titre doit avant tout son succès à son ton décalé, le rappeur a d’ailleurs confié au Huffington Post qu’il ne revendiquait aucun message politique particulier…
« Maman redoute plus la fin du mois que la fin du monde » #GiletJaune @Sch_Mathafack pic.twitter.com/M8onl6tOfU
— Kai’sa (@apollinegrdj) December 1, 2018
Aux débuts du mouvement, le marseillais SCH avouait ne pas être totalement en phase avec les gilets jaunes, estimant notamment qu’il était contre-productif de bloquer des conducteurs eux aussi souvent issus des classes populaires : « La démarche serait mieux si on bloquait les hommes d’État que le peuple, parce que ce n’est pas constructif. Quarante centimes de diesel, c’est aussi insultant [que 1200 euros], je suis totalement d’accord avec vous mais je suis moins d’accord sur le fait que bloquer les routes y changera quelque chose. » Les dernières évolutions du mouvement semblent avoir convaincu le S, qui s’il ne s’est pas exprimé de nouveau sur le sujet a partagé sur ses réseaux plusieurs posts illustrés de photographies des Champs Élysées dévastés…
Le peuple est en jaune 💛 https://t.co/5ZBVvShHGx
— Fianso (@Fianso) December 1, 2018
De son côté, Sofiane a également indiqué sur Twitter qu’il comprenait les préoccupations gilets jaunes et qu’il voyait dans les évènements survenus à Paris un véritable soulèvement populaire. Un constat apparemment partagé par le marseillais Jul, qui s’est exprimé en live sur Facebook en faveur du mouvement… Un soutien de poids de la part de deux artistes qui ont pour habitude de se tenir aux côtés des plus démunis, bénéficiant du fait de l’aura de leur production et de leur popularité d’une véritable légitimité auprès d’une part des français que les discours des hommes politiques n’atteignent plus : « Imagine que j’prends mon téléphone / Imagine que j’leur donne rendez-vous / À la Bastille, j’unirais des hommes / De tous les quartiers au garde à vous ».
https://www.instagram.com/p/BqSfR8DleHP/
Sur un ton plus à la dérision dont il a pris l’habitude de ponctuer une bonne partie de ses posts Instagram, le sevranais Kaaris a également pris la pose vêtu d’un gilet jaune en référence aux paroles de son couplet de Kalash, sa collaboration avec Booba qui figure encore parmi les morceaux les plus mémorables des carrières respectives des deux artistes malgré le différend qui les oppose.
Graya, rappeur marseillais issu du collectif 13ème Art, nous présente à des gilets jaunes autrement plus vindicatifs puisqu’armés de fusils d’assaut ! Toujours porté par son univers violent et impitoyable, Graya affirme être « déterminé comme les gilets jaunes » dans ce freestyle qui consacre une bonne fois pour toutes la reprise du mouvement par le rap français. Une reprise à prendre avec des pincettes car, comme nous l’avons vus, elle ne concerne qu’une part des artistes et ne s’adresse probablement qu’à une part des gilets jaunes, voire se revendique apolitique et portée par le second degré uniquement.