Le Club, c’est ce duo du 93 qui fait parler de lui depuis le clip La magie de Paris, posé sur une face B de No Way de Young Thug. Tayz et La Kanaï envoient ensuite, espacés de plusieurs mois, les clips d’Histoires de dames et Savon. En l’espace de quelques clips, le duo parvient à imposer une image de marque, une identité visuelle et sonore très marquée qui leur permet de fidéliser très vite un public assez large. Sorti en août de l’année dernière, Savon est déjà accueilli comme un morceau idéal pour clôturer l’été puisqu’il cumule plus de 2 500 000 vues sur YouTube. Après Série et Enfumette en novembre et décembre, le duo avait ralenti la cadence, puis depuis peu trois clips, toujours très soignés, ont été postés sur YouTube en l’espace d’à peine deux mois. Il s’agissait de faire monter l’attente pour leur mixtape Série 97 sortie le 26 mai dernier.
➡️ A cheval entre des ambiances mélancoliques et dansantes
La recette gagnante du Club, c’est un savant équilibre entre des ambiances planantes, voire mélancoliques, et des mélodies et sujets plus rafraichissants. La recette n’est pas nouvelle bien sûr, dans un sens elle n’est pas si éloignée de celle qui a fait le succès du dernier album de PNL, pourtant elle fonctionne toujours aussi bien et Série 97 par la diversité de ses ambiances s’adapte parfaitement aux conditions d’écoute. Le Club, c’est aussi une complémentarité entre deux rappeurs aux styles légèrement différents, Tayz plus nerveux à la voix éraillée, et La Kanaï à la voix plus grave et posée. C’est ces complémentarités et ambivalences qui donnent sa couleur musicale au projet, entre soleil et bitume, entre fièvre de vivre et amertume.
➡️ Un projet qui se révèle au fur et à mesure des écoutes
On le remarque plus sur certains morceaux que d’autres, la magie du Club opère sur le long terme, et des fois il faut une dizaine d’écoutes avant d’apprécier pleinement un son. Par exemple, la mélodie de 4 temps et toute l’esthétique du morceau sont difficilement abordables, ce qui lui donne toute sa profondeur. De ce fait, Série 97 ne lasse pas parce que chaque écoute dans un état d’esprit ou une situation différents dévoile une nouvelle facette de la mixtape. Au fur et à mesure des écoutes, en se perdant dans les mélodies, en se concentrant sur les textes, en appréciant les flows et le timbre des voix, on découvre des superpositions de projets différents. Loin de la fast food music, Le Club livre une première mixtape complexe et réfléchie qui ne cesse de surprendre.
➡️ Une tracklist trop égale, au risque d’être jugée plate et diluée
Pourtant, le projet n’est pas dénué de défauts et au nombre de ceux-ci on compte une tracklist qui a tendance à être très égale. Le Club a trouvé la recette, mais n’a pas l’air de vouloir en changer, et la majorité des surprises du projet avait déjà été dévoilées comme extraits (ou bien, les clips ont permis de faire ressortir les spécificités de chaque morceau?). Le résultat, c’est un projet à la couleur musicale très marquée mais qui tend à être plat et redondant, pour une première écoute du moins. La stratégie du groupe de limiter le nombre d’extraits pour insister sur leur qualité les limite aussi dans leur évolution, à tel point que le duo intègre Savon dévoilé quasiment un an avant le reste des extraits sans que cela ne choque particulièrement.
➡️ Une touche rétro dans un univers musical novateur
Derrière la DA très novatrice des deux rappeurs, on ne peut pas passer à côté d’une touche rétro inexplicable, qui renforce l’arrière-goût mélancolique du projet. Bien sûr, cette esthétique se retrouve de manière très évidente dans les décors du dernier extrait du groupe Belle tourné dans un intérieur bourgeois traditionnel, mais aussi de façon générale et parfois inexplicable dans l’ensemble de leurs sons. Qu’il s’agisse des ressemblances, voulues ou non, du clip de 4 temps avec La Haine de Kassovitz, des attitudes de rockstars des deux rappeurs, de touches de jazz ou de discos dans certains sons comme Over, ou du logo en néons clignotants du Club qui renvoie à l’imaginaire de la vie nocturne, on ne peut s’empêcher de ressentir cette touche rétro.
➡️ Série 97, une carte de visite prometteuse pour Le Club
Tayz et La Kanaï ont sur Série 97 la sagesse de ne pas brûler prématurément toutes leurs cartouches et de se ménager une marge de progression et une marge d’évolution qu’on imagine réussie au vu du potentiel dévoilé sur le projet. C’est une stratégie malheureusement insuffisamment envisagée par beaucoup de rappeurs qui après avoir frappé fort au premier projet n’arrivent jamais à s’égaler par la suite, et qui pourtant a fait ses preuves pour concrétiser un buzz qui semblait éphémère en une carrière à priori bien partie pour durer. La mixtape est pour Le Club une vraie carte de visite, la preuve de leur talent et de leur capacité à fournir un produit très abouti et travaillé avec des opportunités commerciales à la clef.