Ces derniers temps, l’Essonne n’a de cesse de fournir à la francophonie de nombreux rappeurs qui écrivent le présent et l’avenir de notre musique. Le dernier en date, Mous-K, fait ses armes sur la toile depuis deux ans. Après s’être emparé de la chaîne YouTube de Daymolition pour une série de freestyles qui a su illustrer ses talents de kickeur, le jeune rappeur originaire de Corbeil-Essonnes a décroché un contrat bien mérité chez RCA (Sony Music France). C’est grâce à cette étape décisive qu’il a pu publier son tout premier projet le 27 septembre à seulement 19 ans. Baptisé La Quicka en référence à la série Narcos, il est le produit d’un jeune artiste bien plus mature que le reste de sa promotion. Au-delà de son univers simple mais bien développé, sa musicalité et ses capacités de kickers ont fait de lui l’un des nouveaux artistes préférés de la nouvelle génération d’auditeurs… À tel point que La Quicka finit à sa sortie parmi les meilleurs démarrages urbains de la semaine, aux côtés d’Ikaz Boi, Benab et Anas. Une concrétisation de plus pour un artiste ambitieux mais réaliste ! Pour l’occasion, Mous-K se livre sur la conception et l’univers du projet dans une interview inédite.
REVRSE : Le projet est enfin sorti ! Tu as eu des retours ?
Mous-K : J’ai eu de très bons retours pour l’instant. Après, c’est les avis des gens qui me soutiennent depuis bien longtemps… Quand la mixtape se sera bien propagée, on aura de vrais retours.
REVRSE : Ça fait combien de temps que tu es dessus ?
Mous-K : Le projet on l’a fait en 3-4 mois. On l’a bossé… C’était chaud un peu (rires) ! Que des séances de studio de dix heures et pas de repos. En fait, avant de sortir le projet il faut que les gens sachent qu’il y a au moins cinquante morceaux qui ont été enregistrés. On a dû sélectionner.
REVRSE : Est-ce qu’il y a eu des crève-coeur au moment de composer la tracklist ?
Mous-K : Bien sûr ! Au moins cinq ou six. Il y a des musiques qui sont dans le projet, au bout d’un moment je me prenais trop la tête. En vrai, un ou deux mois avant de rendre le projet à la maison de disques on était confrontés à un problème. Je voulais mettre douze sons ; je viens d’arriver, je me disais que personne n’allait écouter plus. Finalement, je me suis dit que ce n’était pas si grave et on s’est fait plaisir en mettant dix-sept titres.
REVRSE : Les morceaux qui ne sont pas sur le projet, les entendra-t-on un jour ?
Mous-K : Non je ne pense pas. Je vais les garder pour moi, je les écouterai seul chez moi.
REVRSE : Pourquoi avoir appelé le projet La Quicka ?
Mous-K : La Quicka c’est un personnage dans la série Narcos. C’est l’homme de main de Pablo Emilio Escobar Gaviria (rires). J’ai fait des recherches et j’ai appris qu’il existait vraiment, d’ailleurs big up à lui parce qu’il est en train de tourner au hebs. Vu qu’il était jeune, plein d’ambition et qu’à la fin du film il voulait zeub tout le monde, je me suis inspiré de lui.
REVRSE : Le thème principal du projet c’est bien évidemment le deal. A l’inverse de certaisn de tes homologues qui le glorifient, tu le montres sous un jour bien moins glamour.
Mous-K : Dans un son, Ma vie, premier couplet, je dis « J’ai pas vendu pour faire le beau / Je veux plaire à personne à la tess ». En gros, on a fait ça par nécessité, on ne veut pas plaire à quelqu’un ou quoi. J’ai jamais dit qu’on était fiers de ce qu’on était.
REVRSE : La manière dont tu parles de ton quartier rentre quasiment dans la sociologie. Est-ce que tu t’es rendu compte de cette dimension ?
Mous-K : Je m’en rendais pas vraiment compte mais je commence à le remarquer petit à petit puisque depuis que la mixtape est sortie on ne cesse de me le répéter. En fait c’est un peu une carte de visite du quartier pour savoir comment se passe la vie chez nous. Après, si les gens le prennent comme tu dis, c’est positif parce qu’il y en a qui sont jamais allés dans un quartier et qui ont besoin de cet aspect descriptif pour rentrer dans l’univers.
REVRSE : De ce fait, La Quicka serait plus une carte de visite de ton quartier que de toi en tant que rappeur ?
Mous-K : Presque. Quand je dis que La Quicka est une carte de visite du quartier je ne le fais pas exprès. Moi je rappe ce que je vis : j’ai rappé ce que j’ai vécu dans le projet et en coïncidence ça a fait une carte de visite pour la cité. Moi, quand je fais ce projet, j’ai envie de montrer à tous ceux qui m’écoutent et tous ceux qui m’écouteront que je sais faire plusieurs choses. Je sais rapper, je sais kicker, je sais faire des mélodies mélancoliques… Je suis un tout-terrain en fait. Je pense que les gens ont dû le remarquer.
REVRSE : Tu penses que c’est un atout d’être polyvalent à ce point ?
Mous-K : Bien sûr. Moi personnellement, si j’écoute un rappeur qui fait tout le temps la même chose, j’arrête de l’écouter. Il faut savoir innover, évoluer.
REVRSE : Laquelle de tes facettes tu préfères ?
Mous-K : Kicker. J’ai commencé comme ça, je ne sais pas si je finirai comme ça mais c’est ce que j’aime faire le plus. Et c’est ce que je sais faire de mieux.
REVRSE : Si c’est ce que tu préfères, pourquoi avoir fait le choix d’altérer cette facette avec celle de ta mélancolie dès le début du projet ?
Mous-K : Le premier titre du projet s’appelle J’voulais. Si tu écoutes bien le morceau tu te rends compte que je dis tout ce que j’aurais voulu faire dans ma vie avant d’expliquer pourquoi je n’ai pas pu. D’entrée je t’explique un peu pourquoi – je complète avec les autres morceaux, Nécessité, etc. C’est très très technique. Je ne demande pas aux gens de comprendre ça. Dans J’voulais je rappe, puis je commence à mettre un peu d’autotune dans le son petit à petit. Après y’a A qui la faute qui suit. Ouais, c’est vrai que c’est kické mais c’est modernisé.
REVRSE : Ce n’est pas kické comme d’autres titres comme Donne la caisse…
Mous-K : Voilà, ça n’a rien à voir ! Moi je sens qu’il y a une évolution. Je fais un son de cité et j’arrive à ajouter cette petite touche qui fera que tout le monde l’écoutera. Un son comme Donne la caisse c’est pas tout le monde qui va l’écouter ; un son comme Nécessité, même s’il est violent tu peux l’écouter avec tout le monde.
REVRSE : Ton objectif c’est de faire écouter des sons de cité à des gens qui n’en viennent pas ?
Mous-K : En gros, je sais que dans mon quartier ça m’écoute, que dans ma ville ça m’écoute. Maintenant que ça c’est acquis, il faut élargir le public. Faut aller le chercher. La musique n’a pas de limite, pas de frontière.
REVRSE : Tu as une écriture très dense pour un rappeur de ton âge. Comment est-ce que tu écris ?
Mous-K : J’écris pas du tout quand je suis chez moi. Je n’aime pas du tout écrire et ça, mes potes le savent et mon manager aussi. Je suis un très très gros flemmard, ça veut dire que tout se passe au studio. Et il est même possible que je rentre dans la cabine sans avoir de texte. Tout part en one shot, soit ça passe soit ça casse.
REVRSE : Comment tu te débrouilles quand tu n’as pas de texte ?
Mous-K : J’improvise. Parfois c’est bien, parfois c’est nul à chier. Le plus souvent c’est bien mais ça arrive que ce soit très très nul. C’est à partir de là que je commence à me dire qu’il faut que j’écrive.
REVRSE : Tu ne penses pas que si tu écrivais en amont tu pourrais être plus fort ?
Mous-K : En fait, à chaque séance de studio, quand je fais un son, que j’écris sur place ou que j’ai commencé à faire de l’improvisation, je me dis qu’il faut que j’arrête de faire ça. Je ne vais pas faire ça toute ma vie… Ça fait un an que je me dis ça donc il serait temps que je m’y mette. Il faudrait que je me mette à écrire un peu à la maison. Attention quand même : j’écris parfois quelques phrases avant d’aller au studio mais c’est rare.
REVRSE : Quelles sont tes références en matière d’écriture ? Des personnes dont tu salues le travail ?
Mous-K : Il faut savoir que malgré le fait que j’aie arrêté l’école, j’aime beaucoup l’histoire. Je m’inspire de bonnes personnes qui ont laissé une bonne image comme Aimé Césaire, Malcolm X. Ce sont eux mes références. Je m’inspire de mecs vraiment recherchés, pas vraiment connu comme Elijah Muhammad, un homme qui a notamment été en prison avec Malcolm X. Après dans la musique je penche plus vers Kendrick Lamar, j’aime bien comment il écrit. En rap français, je n’ai pas de référence.
REVRSE : A la base, tu es un kickeur. Pourtant, il y a beaucoup d’autotune sur ton projet. Comment tu as introduit ça dans ta musique ?
Mous-K : C’est grâce à mon équipe ça. En fait, quand je vais au studio j’y vais avec plusieurs mecs qui m’entourent. Chacun d’entre eux rajoute son grain de sel. Du coup, soit le plat est trop salé, soit il est parfaitement assaisonné. Là, la manière dont je maîtrise l’autotune aujourd’hui, j’en aurais été incapable il y a deux ans.
REVRSE : Tu bosses avec des topliners ?
Mous-K : Pas du tout. C’est pas mon délire ça. J’ai jamais bossé avec des topliners et je ne bosserai jamais de ma vie avec des topliners. Ca ne m’intéresse pas. Je trouve que ça gâche la musique. On est tous des artistes, on a tous des voix, on a tous des cerveaux.
REVRSE : Pour toi il faut que ce travail soit perso ?
Mous-K : Bien sûr ! C’est comme si j’écrivais un texte et qu’on m’aidait à l’écrire, ou comme si je prenais les paroles de quelqu’un. Je trouve que c’est de la triche, c’est pas intéressant.
REVRSE : T’es un mec du 91, le département est sous le feu des projecteurs grâce à plein de rappeurs. Comment tu vois ça ?
Mous-K : Je pense que dans le 91 ça fait déjà très longtemps que ça rappe. Je ne dirais pas que c’est normal mais ENFIN. Avant il y a eu Diam’s et Sinik puis pendant longtemps il n’y a plus eu personne. Ça remonte, la lumière vient sur nous.
REVRSE : Est-ce que tu considères faire partie de la nouvelle génération de rappeurs du 91 ? Est-ce que tu te sens appartenir à un mouvement ?
Mous-K : 91 c’est le département, je représente. Après, il faut savoir que c’est un département où on est tous en guerre. Même s’il n’y a plus de guerres, c’est chacun son quartier, chacun de son côté. Si ça pète pour tout le monde tant mieux, mais chacun fait son truc dans son coin.
REVRSE : J’ai l’impression que tu es un peu casanier du côté de featurings…
Mous-K : J’aurais pu faire des feats, je m’entends avec beaucoup d’artistes. Après c’est ma mixtape, c’est ma carte de visite, il fallait que je montre tout ce que j’étais capable de faire, c’est pour ça qu’il n’y a presque pas de feats (ndlr, Elams et FSK). Il y a des projets maintenant avec au moins cinq ou six feats et seulement cinq solos du gars, c’est pas intéressant… je voulais montrer ce que je savais faire tout seul. Après, on verra pour l’album.