Tout droit venu de Stains, Mayo a la tête sur les épaules. Bercé par les couplets assassins de Sinik et Booba, il se jette dans le bain à partir de 2014. Après la parution de son titre C’est déjà cuit, il est repéré par La Fouine en personne, qui l’invite à performer à Planète Rap. Une opportunité en or que le jeune rappeur de Seine-Saint-Denis va saisir sans aucune hésitation. Si un passage en prison ralentit sa progression, il n’entache aucunement la motivation de Mayo, qui poursuit le développement de sa personnalité artistique dense. La sortie de son single Marabout fin 2017 fait du bruit dans le rap français, au point que le média Booska-P en fasse un des rappeurs à suivre durant l’année 2018. Il l’a passée à distribuer les inédits comme des doses, ses flows autotunés étant devenus addictifs. Désireux de livrer en plus grosse quantité, il a signé le 11 janvier dernier la mixtape Tout pour nous.
HHR : J’ai appris que c’est Sinik qui t’a donné envie de rapper, tu peux m’en dire plus ?
Mayo : Il ne m’a pas donné envie de rapper, ça a été mal compris. C’était plus dû au fait que j’écoutais son freestyle Assassin et j’aimais bien le rapper. Ça m’avait marqué quand j’étais jeune. J’ai toutefois consommé sa musique dans ma jeunesse : dans ma génération on écoutait grave Sinik, Booba, Rohff…
HHR : Tu es passé par la case prison peu de temps après avoir commencé le rap et pourtant tu en parles très peu. Quel bilan tu fais de cette expérience ?
Mayo : La case prison… C’est arrivé dans ma vie, j’ai fait des conneries et je me suis retrouvé en prison. En fait, ça ne m’a pas marqué. Au début, comme j’étais nouveau, je me disais que ça allait être chaud, qu’il allait y avoir des bagarres alors que pas du tout. Je suis arrivé et je connaissais déjà des gars : j’avais plus l’air d’être en pension qu’autre chose.
HHR : C’est parce que la prison ne t’a pas marqué que tu n’en parles pas alors, je me trompe ?
Mayo : Je ne vais pas glorifier mon expérience en prison. J’ai fait huit mois là-bas, c’était chiant et je ne le souhaite à personne. J’ai juste d’autres aspirations. Je raconte mes ambitions, je raconte mes motivations, je raconte mes faits. Huit mois dans une vie qu’est-ce que c’est ? Tu peux passer toute une vie à aller à l’école, tu peux passer toute une vie à chercher des thunes, tu peux passer toute une vie à monter un business. Je préfère parler de trucs comme ça que de la prison, qui a été une perte de temps plus qu’autre chose.
HHR : Tu faisais partie des 11 rappeurs à suivre en 2018 de Booska-P. Pourtant, quand les autres ont sorti des projets, tu as préféré attendre. Tu ne te sentais pas encore prêt ?
Mayo : Non c’est pas ça… Chez nous on dit : « l’homme propose, Dieu dispose ». Ça veut dire qu’il y a eu quelques imprévus. A la base je voulais sortir un projet pour septembre, après je m’étais dit pour décembre et finalement il est sorti en janvier. Il y a eu quelques imprévus, il y a notamment eu des choses que j’attendais avant de sortir le projet que je n’ai pas eues.
HHR : Tu attendais quoi, des featurings ?
Mayo : Non du tout c’est plus personnel, ça n’a rien à voir avec les gens. Je me disais souvent qu’avant de sortir un projet je voulais être en pleine ascension. Même si là, je suis dans une très bonne ascension, je voulais atteindre un niveau auquel je ne suis pas encore. Mais après, étant donné tous les gens qui soutiennent et qui demandaient le projet, j’étais obligé de le sortir.
HHR : Qu’est-ce que t’as voulu faire avec ce premier projet ?
Mayo : J’ai juste voulu faire une carte de visite. Je n’ai pas cherché à faire des ventes de ouf ni à faire un truc de ouf. Je voulais vraiment faire une carte de visite parce que, depuis Marabout, il s’est écoulé un temps. Puis il y a des gens qui me suivent, qui me soutiennent, il leur fallait ce projet-là. C’est pour cette raison que je l’ai appelé Tout pour nous, c’est vraiment pour nous. Quant à l’objectif, c’était de concrétiser et passer un cap avec un premier projet. Il y a des gens qui parfois sortent des sons qui sont lourds, mais quand ils sortent un projet ça se voit qu’ils ne sont pas prêts. Moi, je voulais voir si j’avais la capacité de faire des projets, de sortir des albums et je vois que c’est plutôt pas mal puisque j’ai des bons retours.
HHR : Comment s’est passé le travail sur la mixtape en elle-même ?
Mayo : Sur Tout pour nous, je suis parti d’une base où j’ai enregistré plein de morceaux. Le dernier a été enregistré au mois d’août donc ça fait un moment que c’est prêt. J’ai sélectionné ceux qui pour moi étaient les meilleurs et j’ai bouclé le projet, tout simplement. J’ai fait tous mes titres assez rapidement, j’aime travailler à l’instinct et je vais en cabine dès que j’ai de l’inspiration sur une prod.
HHR : Tu as finalement peu de featurings pour un si long projet. Outre celui avec Kaaris que l’on connaissait déjà, tu as Alkpote sur Medellin. Comment s’est fait la connexion ?
Mayo : Avec Alk on se connait depuis un bail. Il est proche de Luv Resval et mon cousin est son manager. Comme on est tous les deux dans la musique, mon cousin et moi, on se capte souvent. Bref, Alk m’avait invité dans Les Marches de l’Empereur alors dès que j’ai commencé à taffer sur ma tape je l’ai invité sur un morceau qu’il a grave kiffé ! Il a grave fait ça sale et je kiffe Alk.
HHR : Tu fais finalement peu de trap dans le projet alors que c’est un genre assez prédominant.
Mayo : Chacun interprète la musique comme il le souhaite. Pour moi, faire de la trap ne se résume pas qu’à des gros sons banger type Gucci Mane. Un mec comme Lil Durk par exemple, il fait de la trap. Moi je considère que j’en fais aussi. Après, c’est juste une histoire de couleurs.
HHR : Tu parlais de couleurs, c’est là que je voulais en venir. Avec ce projet, tu esquisses à la fois quelque chose de complet mais très axé sur des titres planants avec Dans ma tête, Sur la route, etc.
Mayo : Quand j’ai commencé à faire du son, vers 2014/2015, il y avait Gradur, Niska… Les mecs, ils criaient, ils faisaient du bruit. Surtout, ils influençaient beaucoup de monde – la toile musicale ressemblait beaucoup à eux. Moi je n’aime pas être un mouton, je n’aime pas faire comme tout le monde et un jour j’ai entendu une phrase à la radio – quelqu’un qui disait « doucement mais salement » (ndlr : il s’agit de Booba sur E.L.E.P.H.A.N.T) – donc j’ai choisi de faire ça calmement et salement.
HHR : Ta musique a beaucoup d’influences américaines selon moi. Qu’est-ce que tu écoutes de là-bas ?
Mayo : En cainry je ne suis pas très spécial. Comme tout le monde j’écoute Lil Baby qui a fait un carton avec son gars Gunna. Ces mecs là je les ai connus récemment : à l’époque j’ai plus saigné Wiz Khalifa, Lil Wayne puis j’ai enchaîné avec Chief Keef, Lil Durk… Aujourd’hui je me plais bien avec ces gars d’Atlanta.
HHR : Tu n’écoutes pas Playboi Carti ?
Mayo : Non, je connais assez mal.
HHR : Vous avez pourtant un gros point commun selon moi. En articulant mal volontairement, vous transformez vos voix en véritables mélodies qui se superposent à celle du beat.
Mayo ; J’avais déjà vu son blase. C’est vrai que ce que tu dis, c’est mon style, je mise plus sur la mélodie. En fait, je préfère ramener un gros flow qu’une grosse punchline. Il y a plusieurs flows à exploiter, il y a plusieurs mélodies à exploiter et c’est ce que j’essaie de faire dans ma musique. Au-dessus de tout ça, je me sers des paroles pour raconter ma vie. Je raconte mes histoires et je fais mes sons, carré.
HHR : Tu as commencé à rapper en 2014 et le grand public te connaît réellement depuis maintenant deux ans. Pourtant, on sait peu de choses sur toi. Tu comptes te livrer plus dans ta musique à l’avenir ?
Mayo : Je veux faire les choses au fur et à mesure. Aujourd’hui j’ai fait un premier projet, j’ai fait un pas de plus dans ce que j’aime faire. C’est normal que je fasse des interviews, que je parle de moi : il y a des gens qui kiffent qui veulent me connaître davantage et je me dois d’apporter un plus. Dans les projets qui arrivent, je risque de parler un peu plus de moi.