L’achat frauduleux de streams est devenu depuis une paire d’années l’une des nouvelles bêtes noires de l’industrie musicale. Il y a quelques jours, le fondateur du label américain Hopeless Records, Louis Posen, déclarait au magazine Rolling Stones que cette nouvelle pratique représenterait déjà 3% à 4% du total des streams globaux, soit une perte nette estimée à 300 millions de dollars pour les labels et artistes. Le 20 juin dernier, les représentants des principaux labels (Warner Music Group, Sony Music Entertainment, Universal Music Group), de certaines plateformes de streaming (Deezer, Spotify, Amazon) et d’organisations comme la Fédération internationale de l’industrie phonographique et la Recording Industry Association of America ont co-signé un code de conduite pour lutter contre l’achat de streams, rédigé en partie à l’initiative de l’International Confederation of Music Publishers. Six des vingt-deux points du code traitent des « mesures pratiques et raisonnables de lutte contre la manipulation des streams » :
1. Les signataires de de Code condamnent la pratique de manipulation des streams et acceptent de mettre en oeuvre au prix d’un effort raisonnable une tolérance zéro pour cette pratique :
a. dans leurs organisations respectives, par exemple au travers de lignes directrices ou de politiques appropriées communiquées aux employés et consultants ;
b. auprès de tierces parties quand cela est nécessaire, incluant les déclarations publiques et autres communications officielles (par exemples sur les sites internet des signataires ou dans des commentaires de presse) sur l’adoption du présent Code. Dans le cas d’ayants droit, la désignation de parties tierces peut s’appliquer aux équipes externes engagées pour le marketing et la promotion, aux labels concernés, aux artistes et à leurs représentants.
2. Les ayants droit s’engagent à :
a. inclure des recherches raisonnables pour identifier les manipulations de streams dans leurs opérations contre le piratage et de protection de contenus ;
b. entreprendre des mesures appropriées et proportionnées quand la manipulation de streams a été démontrée.
3. Les plateformes de streamings acceptent de mettre en place des mesures et contrôlés balancés et commercialement raisonnables en vue de la prévention et/ou de la réduction de la manipulation des streams, incluant la détection et la prise en charge d’activités illégitimes dans la limite du raisonnable d’un point de vue commercial et technologique.
4. En cas de soupçons d’activités illégitimes, les ayants droit devront apporter une aide raisonnable aux recherches des plateformes de streaming, incluant l’accès à toute information disponible et pertinente. Les plateformes de streaming acceptent, dans leur conduite de recherches commercialement et technologiquement raisonnables, de prendre en compte toute information pertinente au regard desdites recherches et disponible au moment de leur conduite et de rendre des conclusions finales fondées sur les principes d’équité, de cohérence et, autant que faire se peut, de transparence.
5. Les signataires se consulteront mutuellement sur une base périodique de manière à être informés des informations et développements relatifs à la manipulation de streams, pour favoriser et échanger les meilleures pratiques et stratégies pour lutter contre cette pratique et pour réviser le présent Code si cela s’avère nécessaire.
6. De temps en temps, les signataires peuvent partager des informations relatives aux parties tierces (influant les sociétés de marketing et de promotion) associées à des pratiques de manipulation de streams sur la base de preuves suffisantes.
➡️ Une solution à l’achat de streams jugée insuffisante par les commentateurs
L’adoption de ce code de conduite a reçu un accueil dubitatif de la part d’un grand nombre de commentateurs spécialisés. En particulier, le portail Music Business Worldwide a souligné le caractère non-contraignant du texte et le fait que la plupart des solutions apportées au problème de l’achat de streams étaient déjà mises en place auparavant. Pour Tim Ingham, fondateur de Music Business Worldwide, la solution consisterait d’une part à empêcher la consommation de musique en streaming par un compte individuel pour des montants supérieurs à celui du prix de son abonnement et d’autre part à adopter un modèle de rémunération basé sur la consommation des utilisateurs individuels (user centric) pour remplacer le modèle actuel qualifié de platform centric consistant à diviser le chiffre d’affaires national amputé de la part de la plateforme entre les ayants droit en fonction des volumes d’écoutes. Quoi qu’il en soit, la réunion de représentants des principaux acteurs de l’industrie musicale est un signe que la question des achats de streams est plus que jamais une préoccupation pour les professionnels.