Après le succès inattendu mais incontestable de Rilès, la scène rouennaise s’active plus que jamais auparavant et fait émerger des talents insoupçonnés qui pourraient bien s’imposer à leur tour à l’échelle nationale. C’est notamment le cas de Leone, dernière signature en date du label RILESUNDAYZ qui avait déjà fait parler de lui début 2019 en revendiquant la paternité d’un des plus gros hits de l’année, médicament de Booba et Niska, dont la mélodie et le refrain étaient inspirés de son propre single Plein les poches. Mélodiste accompli, rappeur talentueux, Leone dévoile en janvier un premier projet intitulé Pourquoi nous dans lequel il lève le voile sur un univers atypique de mieux en mieux amené. De quoi retenir l’attention des auditeurs en l’espace de quelques morceaux et se constituer une carte de visite solide. Entre la scène d’Atlanta qui lui transmet son amour des sonorités éthérées et son identité ancrée dans l’authenticité d’un quotidien pas toujours très reluisant, Leone se présente d’emblée comme un artiste complet mais au potentiel encore largement inexploité à surveiller de près…Interview exclusive avec l’un des nouveaux visages de la nouvelle génération de rappeurs de Rouen.
REVRSE : Tu viens de sortir ton premier projet Pourquoi nous, est ce que t’as commencé à avoir des retours ?
Leone : J’ai eu pas mal de retours positifs de gens qui me connaissaient, depuis à peu près un an j’avais une communauté qui augmentait et qui attendait un projet, mais aussi de gens qui m’ont découvert avec ce projet, sachant qu’il a été pas mal relayé via des playlists, des médias… Ça m’a permis de gagner en influence, donc c’est bon pour moi.
REVRSE : Ça correspond à peu près aux objectifs que tu t’étais fixé ?
Leone : Pour être honnête, je m’attendais même pas à autant. Je connaissais déjà ma communauté, mais je pensais pas forcément que ça irait beaucoup plus loin. Là, beaucoup de médias ont joué le jeu et la plupart des gens qui ont écouté ont apprécié donc on est vraiment contents.
REVRSE : Est-ce que tu peux m’expliquer d’où vient le titre ?
Leone : Il y a deux significations. Dans mon entourage, on a connu trop de choses extraordinaires, que ça soit positif ou négatif. « Pourquoi nous », ça raconte notre histoire à tous. Le deuxième aspect, c’est que quand tu vois ma cover tu comprends qu’il y a plusieurs Lionels, ou plutôt que c’est une opposition entre Lionel et Leone. Dans le projet, tu vas retrouver un côté Leone assez méchant, cru et égocentrique, alors que Lionel parle de ses sentiments, ses souffrances…
REVRSE : C’est un premier projet produit par RILESUNDAYZ, le label de Rilès. Vous êtes tous les deux originaires de Rouen, c’est de là que vient votre proximité ?
Leone : On vient tous les deux de la banlieue rouennaise et on allait au lycée ensemble, au centre-ville. On se connaissait déjà plus ou moins parce que notre secteur est pas si grand, et on s’est retrouvés là-bas. Lui a commencé la musique en quatrième, moi en seconde ou en première. C’est là qu’on a commencé à faire des petits trucs ensemble. C’était le seul à avoir un home studio dans le coin et à être mon gars. Aller dans un vrai studio, c’était pas une option parce qu’on avait pas d’argent et qu’il fallait monter sur paris, donc c’est lui qui a enregistré mon premier son Cramé au quartier. Ça a vraiment marché sur le modèle de l’entraide, et quand il a monté son label il s’est dit qu’il allait mettre en avant ceux qui étaient avec lui depuis le début, moi et Younès.
REVRSE : Il y a un an, t’as sorti un single intitulé Plein les poches qui a été repris par Booba et Niska dans Médicament. J’ai l’impression qu’au final, cette affaire s’est réglée de manière assez positive et t’a même bénéficié dans un sens puisque certains ont pris conscience de ton potentiel mélodique…
Leone : On va être honnêtes, je cherchais pas à créer une guerre médiatique. Je sortais du sous-sol, et je me suis dit que j’allais prendre tout le positif. On a arrangé ça à l’amiable, en trouvant un compromis en interne et je suis content que ça se soit bien passé. C’est là aussi où les gens réalisent qu’il y a un potentiel et se disent que je suis un nom à suivre. Ça m’a aussi permis de rester en bon contact avec Niska, on s’échange des mails de temps en temps et il avait notamment bien aimé Pourquoi nous quand je lui ai envoyé. Il faut savoir que j’étais dans une période où la musique, ça devenait compliqué et où j’avais quasiment décidé de tout mettre de côté. C’était comme un signe. Au final, j’ai gagné en expérience et en contacts, c’est ce dont on manquait parce qu’à Rouen on a vraiment aucun contacts.
REVRSE : Au Havre, le label Din Records fonctionne déjà très bien depuis quelques années. C’est un peu un modèle dans le développement de la structure RILESUNDAYZ ?
Leone : Totalement, dans mon quartier on écoute Médine depuis petits. Pour nous, c’est un modèle de réussite, et on a toujours admiré leur modèle de fonctionnement avec l’émergence d’artistes comme Alivor et Tiers-Monde. C’est quelque chose qu’on a suivi. D’un point de vue personnel, on a jamais eu de contacts avec eux mais quand quelque chose se passe au Have je suis au courant, le 76 est petit, donc je pense que de leur côté c’est aussi le cas.
REVRSE : Malgré votre promité, on ressent une vraie différence en termes de musicalité entre toi et Rilès…
Leone : C’est vrai, pour autant si t’écoutes le projet j’ai demandé de l’aide à Rilès sur des toplines. Et ça se ressent Par exemple sur Démoniaque, je sentais qu’il fallait que ce soit lui qui insuffle la vibe au morceau. Je lui ai dit de prendre le micro et de me faire une mélo, et je me suis inspiré de sa première prise. Il a su me guider, on était pas toujours en accord mais on débattait de chaque choix et si le projet est aussi carré que beaucoup le disent c’est en grande partie grâce à ça.
REVRSE : En revanche, l’un de tes points communs avec lui au niveau de l’importance que tu accordes au visuel, en particulier depuis le clip de Binks.
Leone : C’est vrai. Pour te dire, on est d’une zone où la musique est pas forcément quelque chose de phare, chacun a tendance à rester dans sa zone. C’est pour ça qu’on s’est dit qu’il fallait être précis sur tout ce qu’on faisait, si on accorde beaucoup d’importance aux clips en plus de la musique on va parvenir à sortir du lot et à s’imposer même à Paris. C’est ce qui explique qu’on y accorde autant d’importance, et ça c’est Rilès qui nous l’a beaucoup appris.
REVRSE : D’ailleurs, je me demandais pourquoi avoir choisi ne de pas cliper Pourquoi nous, qui est pourtant le plus gros single du projet ?
Leone : On savait qu’on ne pouvait pas tout cliper, on savait aussi qu’il faudrait cliper Binks pour que les gens comprennent l’univers du morceau. On avait aussi posté un extrait de Pourquoi nous sur les réseaux, et on a mesure l’impact que ça avait eu sans clip. La mélodie est tellement forte qu’il n’y a pas vraiment besoin d’un visuel pour que le morceau ressorte de l’album de lui-même. Maintenant que le projet est sorti, on réfléchit à faire quelque chose pour le pousser encore plus loin.
REVRSE : Au travers de tes clips et de tes titres, tu commences à développer une identité à part entière. Je retrouve un peu un ADN street mais soigné à la A$AP Mob aux Etats-Unis par exemple.
Leone : Exactement, on travaille tout le temps en équipe avec les mêmes stylistes et les mêmes réalisateurs ce qui fait qu’au final on se trouve une identité propre qu’on va mettre en avant dans nos sons et nos clips. C’est marrant que tu dises ça pour A$AP Mob, c’est pas forcément un groupe que j’écoute mais un grand de chez moi m’a dit quelque chose de similaire et en écoutant je me suis rendu compte qu’effectivement les univers se ressemblaient.