(La Juge ): Accusé, levez-vous.
Monsieur Damso Dems dit Damso, né dans le rap français le 4 Décembre en 2015, votre casier judiciaire porte mention de deux condamnations: vulgarité persicopisée et gente féminine instrumentalisée. Vous êtes renvoyé devant la Cour d’assises pour avoir tenté de voler la batterie du rap français. Lors de l’instruction vous avez nié les faits, expliquez vous aujourd’hui sur ce qui vous est reproché.
(Damso): Damso.
(Frags/Tarek ): Veuillez nous excuser du retard votre honneur, nous revenons du turfu et le périph était bouché. Maître Frags et Maître Tarek: ceci est le procès de notre client, malheureusement celui-ci souffre d’amnésie il ne sait plus rien dire hormis son nom tel un Pokémon. Nous disposons donc d’une procuration pour parler à sa place.
(La Juge): Très bien commençons donc le procès, nous vous écoutons.
(Maître Tarek): Tout d’abord, permettez-moi d’excuser mon client qui ne pourra donc pas s’exprimer avec lucidité, mais mon collègue et moi allons tenter de le faire pour lui et avec de l’autotune ça passera peut être mieux, du moins nous l’espérons. Dans les accusations nombreuses, honteuses que nous constatons dans notre dossier, il en revient une qui lui fait mal mesdames et messieurs, il en souffre. Certains osent le soupçonner de vouloir juste « buzzer », c’est un scandale je suis outré que l’on puisse tenir de tel propos. Tout d’abord le but de tout artiste est de vivre de sa passion, créer l’engouement autour de lui et s’il signe en maison de disques c’est bien pour cela, avoir du succès et donc oui, faire du « buzz ». Mais oubliez vous donc que c’est un jeune homme d’une vingtaine d’années et que donc forcément, il est assez présent sur les réseaux sociaux et donc de l’actualité qui comme nous tous , le touche de près ou de loin. D’ailleurs dîtes moi quel est le plus inquiétant, un jeune artiste qui relaye l’actualité et sa façon de la voir ? Ou un jeune homme qui prétend faire du rap sans prendre position?
(La Juge): Oui j’entends bien maître Tarek, mais de là à se vanter d’être à l’origine du suicide d’une jeune fille de 13 ans comme si il n’accordait pas de respect à la famille ? Et de plus, comme si cela ne suffisait pas, être fier du sale commis sur Périscope qu’il a même Sergeaurié ?
(Maître Frags): Madame la Juge, permettez moi de vous rappeler que le but de tout MC est avant tout de décrire sa vie, son quotidien, les choses qu’il a sur le cœur. Pensez vous vraiment que Damso se vanterait d’un suicide provoqué ? Vous trouvez ça logique ? Il cherche simplement à vider son cœur d’un poids qui lui pèse, et je pense que si la défense et vous même aviez regardé l’interview pour Rapelite vous auriez vu à quel point il est gêné par cette histoire. De plus, j’ajouterai que le morceau a surement très mal été compris : une fois de plus les accusations sont portées sur la surface, et non le message du morceau. Damso essaye de nous montrer les conséquences que peuvent avoir les mots, et je pense que les puristes dans l’audience devraient être satisfaits d’avoir pour une fois un morceau avec un réel message de fond. Ne voyons donc dans ce morceau aucun manque de respect pour la famille, à qui nous envoyons d’ailleurs toutes nos condoléances, mais simplement le travail d’un artiste: livrer au public un morceau avec un contenu très fort, un poids qui pèse sur son cœur. Pour clôturer cette futile accusation, j’aimerai terminer un point, on sent bien dans le morceau Amnésie une amertume et une légère volonté de vouloir retourner en arrière. Damso aimerait pouvoir contrôler le temps, les graines du sablier comme le dit dans le track éponyme sur une fabuleuse prod de Monsieur SoulaymanBeats. En effet, n’oublions pas qu’il a vécu une enfance difficile (punchline préféré des avocats), lorsque dans sa jeunesse il a assisté aux pillages et grandit au milieu des tirs des Kalash dans sa ville natale. De plus, sa mère étant malade, on sent bien sur tout l’album que traîne une note d’amertume et parfois de regret, et qu’il aimerai pouvoir exercer certains retours en arrière, certaines pauses dans le temps.
(Maître Tarek): D’ailleurs permettez moi d’ajouter votre honneur, notre client comme on l’a précédemment dit a des idéaux, il ne sait pas que parler de sexe et faire des allusions misogynes comme j’ai pu entendre dans la salle. Comme tout jeune il a des idéaux, il voudrait avoir un MONDE avec Que De La Vie (Prod by Dolfa) et nous prouve son honnêteté lorsqu’il dit « j’dis des saloperies pendant le doggy, ce sera la seule fois où je parle dans ton dos ». Il est également préoccupé à ne pas vouloir brusquer le sexe opposé puisqu’il refuse de les insulter et cherche toujours à attirer leurs faveurs avec le plus de politesse et d’autotune possible, même s’il est vrai qu’il ne s’agit là que de quelque chose de temporaire à chaque fois.
(Avocat de la défense): Monsieur Damso a tout de même volé la batterie du rap français pour la remplacer par une autre !
(Maître Frags): C’est la que vous vous fourvoyez Maître ! Notre client n’a absolument pas volé les batteries du rap français : il les a rechargé ! Cet album amène une petite fraîcheur premièrement pour une raison principale, il nous vient tout droit du pays de la frite. Il a forcément un vécu et des influences différentes d’un album venu de l’hexagone. Ajoutons à ceci l’originalité personnelle de Damso : un morceau comme Beautiful où se succèdent de nombreux flows différents, des morceaux comme Amnésie (Prod by Jowell) ou Graine De Sablier plein de contenu et diffusant un vrai message ou encore des morceaux comme Périscope, Débrouillard (Prod by mjNichols) ou Bruxelles Vie (Prod by Blackstarz) qui sont purement égotrip et juste d’une atrocité délicieuse. Cet album est très diversifié, et réellement complet. On constate une dualité constante de la première à la dernière track, que ce soit au niveau des textes ou juste simplement des titres. Damso possède sa part d’ombre (Éxutoire, Quotidien De Baisé, Sombre, Amnésie, etc) et sa part de #Vie (Débrouillard, Bruxelles Vie, Que De La Vie, etc). Cette dualité se termine sur le morceau Monde, dernier morceau de l’album, comme si Damso cherchait a nous montrer que c’est le propre de tout humain et même du monde entier d’être tiraillé entre sa part d’ombre et de lumière. Vous constaterez donc par vous même, Maître, que vos accusations sont infondées et par conséquent fausses.
(La Juge): Mais cet album est tout de même assez sombre, avec plus de vulgarité que de contenu, violant ainsi la loi sur les gros mots dans le rap français … Et il dénigre la femme bordel ! Il nous rabaisse !
(Maître Tarek): Il est vrai que la vulgarité est assez présente mais elle reflète tout simplement la société dans laquelle on vit, cruelle et brutale, le rap ne fait donc que la retranscrire et il n’y fera pas exception puisque dans Iscariote (Prod by 1712 Beatz) il nous dit lui-même « t’arrêtes pas de chialer depuis que la old school a disparu, n’est pas MC qui ne sait pas s’adapter », et puis un rappeur devenu célèbre notamment grâce à une punchline à propos d’une femme voilée et signé au 92i, qui ici s’attendait à écouter un album qui prône la paix dans le monde ? D’ailleurs lui même le dit « t’es le seul partisan de la paix ici, ce qu’on aime dans la guerre c’est qu’elle paye aussi ». Concernant les femmes, c’est un débat sans fin mais bien que le sexe soit énormément présent dans son album, à aucun moment il ne cherche à rabaisser, d’ailleurs généralement bien qu’il ne leur paye pas le resto, il n’hésite pas à leur donner 40€. Et puis pourquoi quand Damso parle de sexe, des femmes, fait preuve de vulgarité, cela dérange lorsque Kaaris ou encore AlkPote sont encensés pour les mêmes raisons ? J’ai l’impression que certains reprochent des choses aux rappeurs tandis qu’ils en adulent d’autres pour exactement les mêmes. Et puis cet album n’est pas forcément sombre, je dirai plutôt qu’il a deux parties. Comme la grande majorité du rap c’est effectivement un MC égotrip, certes, mais dans son album on peut voir que c’est plus mitigé que ça avec des sons égotrip comportant des punchlines assez conscientes et vice versa. Ce qui lui fait dailleurs un point commun avec Monsieur le DUC de Boulogne fondateur du 92i à qui il n’hésite d’ailleurs pas à rendre hommage «y’a pas d’meilleur appui qu’un feat légendaire » dans Graine de sablier, « il n’en restera qu’un , Yeurmé m’a désigné » dans Jean Reno, « 92i Big Up à Kopp » dans Periscope (Prod by Myth Syzer)
(La défense): Mais justement, il est bien que votre client lui rende hommage bien sûr, mais justement l’une des choses que nous lui reprochons est de faire du « sous-Booba ».
(Maître Frags): Nous pensons sincèrement que cet argument est juste bon pour une poubelle mais surement pas pour le tribunal du rap français madame la Juge. Certes, on peut souligner une certaine inspiration sur Périscope par rapport à Walabok (les 2 morceaux sont en intro, sensiblement le même flow). On peut également ajouter une certaine ressemblance dans la manière d’écrire : du texte cru, imagé, un certain goût pour la violence verbale ou encore un plaisir à rappeler à la population qu’une pute est une pute. Mais n’est ce pas la un constat réducteur ? Je vous le demande mesdames et messieurs les jurés. Car force est de constater qu’au délà de ces points commums (qui sont d’ailleurs surement la raison de la signature de Damso chez le 92i, Booba à peut etre vu en Damso la receptable idéal qu’Orochimaru avait vu en Sasuke), les thèmes abordés, le vécu, la vision de certaines choses du monde, l’utilisation beaucoup plus légère de l’autotune, la ville d’origine ou bien même le pays, l’équipe proche (OPG Gang pour Damso), sont des points qui séparent Damso et Booba plus qu’ils ne les rapprochent. Je pense qu’il faut arrêter de toujours vouloir tout comparer, surtout les rappeurs entre eux : chacun à son vécu, sa manière de penser, et sa manière d’écrire pour raconter. De plus, nous pensons que notre client possède réellement une identité qui lui est propre, encore faut-il bien vouloir écouter son disque dans le fond et non se contenter que de la forme.
(La Juge): Vous nous dites donc qu’il y a pas en fait que peu de ressemblance avec Booba, je suppose que vous allez nier celles avec Kaaris également ?
(Maître Tarek): Madame la juge du rap français, je vous ai connu moins prévisible. Évidemment comme lui-même l’a déclaré en interview, on peut effectivement trouver beaucoup de similarités dans leurs parcours respectifs. Mais certaines choses les séparent. Tout dabord, Damso utilise beaucoup voire systématiquement l’autotune, bien que ce soit assez léger comme l’a dit mon collègue, tandis que Kaaris l’utilise sur un ou deux sons par projet. Dans Batterie Faible elle est omniprésente, comme sur Quotidien de baisé dans lequel il nous raconte entre autre son quotidien loin de vendre du rêve comme lorsqu’il dit « j’suis ce gars suspect que la police contrôle dans le quartier», il est d’ailleurs chercheur puisque dans Autotune (Prod by Twinsmatic) il tente où il de faire comprendre à une femme qu’il ne veut d’elle que pour une histoire d’une nuit sans la blesser et qu’elle l’envoie se faire voir, en utilisant l’autotune ! Reconnaissez que c’est un génie ! Dans Monde, il nous permet d’entrer dans sa tête, entendre ses pensées les plus sombres et imaginer ce qu’il nous décrit comme si nous étions ses yeux. Autre différence : Kaaris est un artiste connu pour avoir un flow à l’image de ses lyrics, violent, puissant et cru. Et c’est là que nous comprenons que si avec les femmes l’autotune passera peut-être mieux, en musique c’est sûr et certain ! Comme dans Beautiful où tout en chantant sur un beat super entraînant il parle de sa relation avec le sexe féminin « j’ai tendance à confondre toutes les femmes à celles du trottoir » puis nous rappelle son enfance difficile au bled… Euh dans son pays natal pardon « j’ai trop vu la mort de près, elles s’plaignent que j’tire une tête d’enterrement ». La différence est également au niveau des prods, bien que dans le prochain de K2A où retrouvera une nouvelle palette de beatmakers (dont Mr Punisher), on est habitué à entendre le Sevrannais sur des prods assez violentes à base de grosses basses et 808 tandis que le bruxellois est d’une autre école, ses prods sont généralement plus « mélodieuses » , produites par de nombreux beatmakers et lui-même (Beautiful, Quotidien De Baisé, Exutoire, Monde), et bien qu’il excelle dans la trap qui n’est pas moins que le domaine de prédilection de son confrère, vous remarquerez votre honneur qu’il n’hésite pas à également poser sur des instru faite avec des samples de musique plus « anciennes », comme dans Exutoire où il nous raconte sa vie avant de signer en maison de disque, et dailleurs ce genre d’influence se ressent aussi dans les sons comme dans le début du refrain de Autotune où l’on croirait entendre du Aznavour.
(Juge): Bien , fin du procès. Nous allons donc réunir les jurés et leur demander de procéder au vote puis nous reviendrons vous donner le verdict.
(Damso): Damso.