Fruit de la connexion entre Jack the Plug, gérant d’une chaîne de coffee shops à succès à Amsterdam et Barcelone, et Sean D., ingénieur du son émérite ayant collaboré avec de nombreux artistes tels que Skepta, Giggs, Young Dolph ou Lil Baby, la compilation Plug Talk se fixe pour objectif de créer un lien entre les scènes trap américaine et britannique avec une ouverture plus large à l’international. De la même façon que les new-yorkais ont dominé le rap et que des auditeurs ont longtemps ignoré la richesse des scènes locales sudistes, la scène britannique reste très implantée localement et a du mal à s’exporter outre-Atlantique. Les données Nielsen/Billboard indiquent d’ailleurs que la part de marché des artistes britanniques aux Etats-Unis est sur la pente descendante depuis une paire d’années. Plug Talk a l’avantage de placer un roster d’artistes britanniques en collaboration avec certains des plus gros noms de la scène américaine, parmi lesquels les incontournables Offset, Lil Baby et Gunna, mais également des artistes plus confidentiels comme Young Dolph, qui a récemment sorti l’excellent Dum and Dummer avec Key Glock, ou Lil Bibby, que les amateurs de drill ne manqueront pas d’apprécier.
➡️ Des prestations britanniques globalement plus convaincantes
La compilation commence par une intro de Kenny Allstar, DJ Londonien et membre important de la scène underground locale ayant contribué par le biais de sa chaîne YouTube Mixtape Madness, à mettre en avant de nombreux artistes. En parfait radio host, il nous vend « le seul album qui a du sens », voire « un des meilleurs albums », une vantardise un peu exagérée mais qui nous met dans le bain de la meilleure des façons. Une chose est sûre, il s’agit clairement d’un des projets les plus intéressants et riches de cet été, parfait pour internationaliser et agrémenter vos playlists de nouveaux bangers. Loin de vouloir amener les artistes sur des terrains inconnus, l’album déroule un tapis rouge en traversant les continents. Chaque invité Américain trouve un homologue de l’autre côté de l’Atlantique. Les rythmiques trap mélodieuses d’un Tory Lanez, notamment, rencontrent un refrain ultra efficace signé Dappy. Ce morceau est symptomatique de l’intérêt et des limites du projet, car si sur le papier on nous promet une véritable alchimie, on se rend vite compte que les plus gros noms de la tracklist ne sont presque que des clickbait… À l’image de la cover, représentant une cabine téléphonique londonienne débarquant à Hollywood, les anglais brillent en terrain étasunien et offrent globalement des prestations supérieures qui portent le projet. Parmi les prestations les plus convaincantes, le récent XXL Freshman Roddy Ricch connecte avec Chip et Yxng Bane, habitués des ambiances R&B. Le tout donne certainement le titre le plus efficace de la compilation qui, s’il passait par des réseaux ayant une plus grande exposition, aurait réellement pu devenir un tube international.
➡️ La réussite de Plug Talk, unir la cannabis culture et un ingé son de renom
Parmi les sons plus bruts du projet et ouvrant des portes d’une école florissante dans la scène rap londonienne, on notera la connexion entre Young Dolph et Blade Brown, vétéran dont la nonchalance brutale rappelle les héros du début de la scène trap d’Atlanta Jeezy et Gucci Mane. Il nous avait déjà offert cet été Bags and Boxes 4, nouvel opus de sa série de mixtapes aujourd’hui devenue culte. On retiendra aussi les drillers de 67, parmi les plus beaux représentants de la scène anglaise. La violence de certains quartiers londoniens a résonné avec celle de Chicago et a fait de la ville une véritable extension musicale de Chiraq, terre-mère du genre. Ils nous offrent avec Lil Bibby un morceau hommage à la série Power ; Tommy and Ghost nous donnerait presque envie de continuer à nous y intéresser, ce qui en dit beaucoup sur la qualité du morceau. Porte d’entrée parfaite pour tout auditeur de rap américain qui souhaiterait avoir un petit aperçu de ce qui se passe ailleurs, sans pour autant être dépaysé, Plug Talk est assurément un des projets les plus intéressants de cet été. Pour créer un résultat final solide unissant deux scènes importantes, il semble que la recette d’un plug réussi aura été d’unir la cannabis culture et un ingénieur au bras long.