Mets ton plus beau jogging au dessus de ton plus beau short à fleurs et sors vite pour te rendre à la Fnac la plus proche te procurer Agartha, la mégadose du jeune rappeur aulnaysien est enfin dans les bacs. Voilà plus d’un an que le public se demande si Vald est un fou ou bien un génie. Eh bien, je suis heureux de t’annoncer qu’un an après… Nous n’avons toujours pas de réponse. Ce gars là est un réel OVNI, une expérience foireuse qui a su trouver sa place dans ce vaste milieu qu’est le rap jeu. Loin des modes et du banal, c’est le mec qui à la question « pilule bleue ou rouge ? » aurait choisi la pilule de contraception.
Il a réussi à allier folie et gros bordel pour en faire sa propre musique. Pour faire simple, cet artiste est unique, il n’y en a pas deux comme lui dans ce rap game bien que son style soit parfois associé à celui de son confrère Biffty ou à son mentor qui n’est autre que l’Empereur de la crasserie — qui est également le maître de tes rappeurs préférés. Et je prends le risque de me faire insulter par les pseudo-puristes qui te servent de potes ou de cousins en disant que ce gars-là est le Eminem du rap français si ont met de côté les I’m not afraid et Love the Way you Zumba. C’est le rappeur white trash dont on avait besoin pour donner plus de patate au « rap de blanc », et j’en profite aussi pour te dire à toi cher lecteur que oui le rap de blanc existe, n’en déplaise aux fans du fennec.
VALD fait ce qu’on reproche à d’autres de ne pas faire, c’est-à-dire se créer un personnage, un style, propres à sa musique. Tiens, on va prendre le temps de répondre à Weedim, le DJ de l’année: étions-nous prêts pour Agartha? Pour te donner un petit avant goût de l’album, voilà les trois phases qui m’ont le plus marqué :
- Nique ta madré si ton seul combat, c’est ta couleur de peau
- Pour la hagra pas de weekend / La guerre pour la paix? Yes we can / Les larmes et le sang essuyés, le chemin du McDo indiqué
- J’passe le relais j’dis à mon fils de pas pleurer, de regarder l’sheitan ouvrer, d’apprendre à manoeuvrer
Pour annoncer l’album, VALD a choisi de nous lâcher le premier extrait qui était Eurotrap. Sur les 17 morceaux qui composent Agartha, Eurotrap est pour moi le meilleur des pires. Je trouve ce son carrément inaudible, pour ne pas dire dégueulasse, et c’est sûrement à cause de la prod un peu trop proche de la musique électro. Cet épisode d’Agartha reste tout de même, à l’image de Vald, complètement fou et osé. Trois mois après, le clip sur fond vert a atteint les 5 millions de vues et ça ce n’est pas donné à tout le monde. Vous l’aurez compris, à l’écoute d’Eurotrap je n’étais pas vraiment emballé même si après quelques écoutes on arrive presque à supporter le morceau. Heureusement pour moi, quelques mois après sortait Mégadose. Ce clip n’était qu’une manière parmi tant d’autres d’imager un viol sans gravier.
Entre bouchée de frites trempées dans du Coca (Pepsi, Red Bull, Oasis, Orangina & Lipton, pour le CSA) et grosses poitrines, VALD dénonce la surconsommation sur une prod de Seezy et quand il parle de drogue il ne fait pas référence au shit et à la shnouff (« Pour la dose qui te dresse, tu connais l’adresse / C’est pas le 93 ! »). C’est aussi ce côté dénonciateur subtile que j’apprécie chez lui, cette façon d’accuser cette société en se prenant d’abord comme exemple. C’est ce que certains rappeurs dits « engagés » oublient souvent de faire. J’ai également relevé une trentaine de messages subliminaux dans Mégadose me permettant d’affirmer que oui, VALD n’est autre qu’un soldat du sheitan, mais ça sera pour un prochain article. Dix-sept titres, mais j’ai quand même pu en réaliser un top 3 :
- Mégadose
- Je t’aime
- Vitrine
Et bien sûr, il ne serait jamais parvenu à réaliser tout cela s’il n’était pas parvenu à perfectionner son style d’écriture. Il suffit de comparer le Vald de Journal Perso (qui est le premier son qu’il a posté sur Youtube, issu de la mixtape NQNTMQMQMB) au Vald d’aujourd’hui. Quelques pépites, comme Guedin, étaient présentes sur cette mixtape, on sent clairement la différence entre le jeune rappeur étudiant qu’il était et le lyriciste prodigieux qu’il est devenu. Certains associeront ses textes à ceux d’Alkpote, et ce n’est pas réprimendable étant donné que Vald a toujours affirmé avoir pris l’Empereur comme exemple musical. C’est vrai que cette amélioration s’est aussi faite ressentir depuis sa rencontre avec ce dernier. Son apparition dans les différents freestyle d’Alkpote pour les Marches de l’Empereur ou encore sur l’Orgasmixtape ont contribué, je pense, à sa prise de notoriété. Je n’ai pas peur de dire que Vald est un descendant d’Alkpote !
En tout cas le rappeur Aulnaysien a réussi à convertir une grande partie des auditeurs de rap au « rap de blanc » avec Agartha. Mais aujourd’hui tout le monde ne peut être que friand de ce genre de textes pleins d’assonances et autres figures de styles qui ne peuvent que caresser nos tympans.
Et puisque ça serait grossier de parler rap sans parler de l’énorme boulot réalisé par les beatmakers, je me dois de leur consacrer un petit paragraphe – bien que Weedim mériterait au moins une statue à son effigie. Comme d’habitude , Seezy l’ami de longue date de VALD, l’accompagne sur l’album. Accompagner est un bien petit mot quand on sait qu’il est à l’origine de la plupart des instrus présentes sur Agartha, dont celle de Mégadose qui est pour moi la prod la plus travaillée de l’album avec celle de Kid Cudi, qui a elle été produite par Weedim. Seezy a également participé au morceau Vitrine en featuring avec l’étoile montante du 92i, on y retrouve une ambiance glauque et lente sur laquelle on l’habitude d’entendre Damso poser ses textes qui traitent de putes, d’alcool et de suicide – quel cocktail explosif. Je vous avoue que je n’m’y attendais pas du tout avant de découvrir la tracklist sur Apple Music et je vous avoue également que j’étais impatient de voir ce que ça donnerait. Aucune déception sur ce coup là, c’était un sans faute de la part de notre duo de soldats du sheitan – c’est Killuminaty qui l’a dit.
Etant donné que nous sommes dans le registre des featurings, j’aimerais dire à Suikon Blaz AD qu’il serait temps de se sortir les méga doigts du cul et de commencer à exploiter son putain de potentiel. J’ai aussi découvert Suikon en écoutant VALD, parce que oui y’a toujours un mec qu’on entend pour la première fois pendant une session freestyle sur Planète Rap, qui nous choque et qu’on cherche à connaître. Ce qui est globalement le seul intérêt de cette émission. Je l’ai entendu pour la première fois sur Skyrock, la semaine de la sortie de NQNT2 et ce que j’en ai déduit, c’est qu’accompagné de Valentin qu’il arrive à exploiter à fond son potentiel, et il suffit d’écouter Infanticide ou Blanc d’Agartha pour s’en rendre compte. Dans Blanc, ils associent le blanc à certains clichés « bresom » et c’est le cas de le dire étant donné qu’ils cherchent à dénoncer la victimisation de ces rappeurs qui utilisent leur couleur de peau comme prétexte à la discrimination. D’ailleurs on ne peut pas être plus clair que VALD : « Nique ta madre/Si ton seul combat c’est ta couleur de peau/ PUTE » (je n’étais pas obligé de rajouter le « pute » mais je trouvais que ça faisait plus joli). Enfin, vous prêterez attention aux « Okéoké » de Booba à la fin du morceau qui viendront confirmer mes dires.
On commence à avoir l’habitude de ce genre de texte avec VALD, on connaît son style et surtout son personnage, c’est le Je-m’en-foutiste par excellence. Il a une aisance magnifique à traiter des sujets les plus tabous (Kid Cudi, Vitrine, Blanc) aux plus sérieux (Mégadose, Je t’aime) en passant par les plus bidons. Et puisque Valentin a compris que ses auditeurs aimaient ses storytellings dans le style de Bonjour (le morceau avec lequel la plupart l’ont connu), il a décidé de remettre ça avec Strip où il raconte son aventure au sein d’un club de strip-tease. Une fois encore, il dresse un portrait caricatural, celui de l’ambiance malsaine qui rôde dans ces lieux où le sex, l’alcool et la défonce sont permis (« Quoi ? Quoi ? Vingt € chacun pour ton canapé de merde ?!/Tes pétasses de merde, qui dansent comme des merdes?/Sur un podium de merde? »). Agartha est réellement bien construit, tous les morceaux sont liés, il ne s’agit pas d’une suite de sons sans logique. C’est le même thème qui est abordé dans chacun des 17 titres, une critique indirecte de notre société actuelle.
Il n’y a pas à dire, son premier album est un énorme succès d’un point de vue artistique. On ressent que les textes on été travaillés et que la collaboration avec des beatmakers de talents comme Weedim et Seezy n’ait pu être que bénéfique à la réalisation d’Agartha. On connaissait VALD et il n’a pas changé depuis, donc pour répondre à Weedim, nous n’étions qu’à moitié prêts pour cet album. Le personnage est le même, l’écriture est la même, mais il a quand même décidé de jouer la carte de la prise de risque et je pense que c’est ce qui a fait qu’Agartha ait fait l’unanimité auprès du public. VALD pourrait être assimilé à ces rappeurs dits « engagés », mais il est loin devant ces derniers, parce que son combat il le mène seul et contre lui-même.