Orelsan s’est toujours présenté comme un personnage désinvolte, moqueur et particulièrement triste. Le son auquel il doit sa notoriété originelle et qui l’a rendu « tristement célèbre » est une lettre ouverte à son ex qui l’a trompé. C’est en hommage à cette dernière qu’il baptisera le morceau Sale pute.
C’est en jonglant continuellement entre cynisme et ironie que le rappeur de Caen a créé son personnage. Il signe son arrivée avec Perdu d’avance, persuadé d’être un bon à rien en marge de son époque porté par des morceaux tel que Changement, Différent ou Jimmy Punchline. Le succès du premier opus (disque d’or) lui a permis de gouter à la gloire et d’entendre Le chant des sirènes. Son deuxième album plus introspectif et sûrement plus réussi que le premier le fait sortir de sa zone de confort. Le rappeur prend des risques, avec des morceaux aux sonorités électro, avec de réels singles, et une technique mieux maitrisée. Les deux premiers volets de la trilogie (ainsi que 2 spin-offs avec Gringe) sont parachevés il est temps d’y mettre un point final. Vendredi dernier sortait La fête est finie ; le projet s’est écoulé à plus de 100 000 ventes en première semaine…
💿🇫🇷 L'album d'Orelsan#LaFeteEstFinie est certifié Disque de Platine ! 💿
(100.000 ventes CD + Digital + Streaming) pic.twitter.com/xtVGqYZ68V
— Ventes Rap (@VentesFRap) October 27, 2017
➡️ Un projet en deux parties, qui illustre deux états d’esprit du rappeur
Le titre de l’album annonce un clap de fin, un dernier coup d’éclat d’Orelsan. La fête est finie, c’est L’arme Fatale 4 et Orelsan c’est Robert Murtaugh. Le projet est particulièrement structuré la tracklist est divisé en deux parties pour exprimer deux états d’esprit majeurs. Dans la première partie, Orelsan nous livre sa machinale critique de la société et de lui-même malgré un ton moins agressif que sur Suicide social par exemple. La seconde elle semble être la partie « pot de départ ».
San démontre le nouvel état d’esprit d’Orelsan, chose qui avait déjà été évoqué dans les 2 projets avec les Casseurs Flowters. Il n’est plus temps d’agir comme un adolescent pour lui, plus le temps de mentir ou de se mentir : « Je voulais écrire pour les haineux, mais je vais faire mieux écrire pour ceux qui m’aiment eux ». Orelsan sait pertinemment à qui il s’adresse. L’intro est en plusieurs parties et démontre l’esprit de la suite du projet à l’image d’Humanoïde de Nekfeu dans Cyborg: un morceau-medley.
➡️ Une facette personnelle difficile à endosser pour Orelsan
C’est sur le cinquième morceau qu’Orelsan décide de laver son linge sale en famille, le rappeur est clairement conscient qu’il est devenu un adulte nous explique qu’il est devenu un adulte pas comme « eux ». « Eux », ce sont les membres de sa famille qui le repoussent tour à tour. Orelsan, nouvellement adulte, entretient aussi un nouveau rapport aux enfants : « Si j’ai plus d’trente ans et j’suis toujours assis à la table des enfants / C’est pour leur dire de s’méfier d’Christian quand il a d’l’alcool dans l’sang ». Loin du rôle de mauvais oncle qu’il empruntait dans Un gros poisson dans une petite marre, Orelsan rassure dans Tout va bien. La structure du son rappelle d’ailleurs Papapoutai de Stromaë : « Et si… Et si… »
Dans Notes pour trop tard, il se fait grand frère, rôle qu’il endosse pour la première fois. Il s’adresse un jeune de 16/17 ans qui comme lui pourrait être perdu d’avance : « j’avais ton âge il y a peu près ton âge »… Difficile pour lui s’adresser à des jeunes et très jeunes comme il a pû le faire auparavant de façon intrinsèque. La fête est finie est un album qui s’adresse à un public de plus de 25 ans, Orelsan est donc obligé d’endosser ces rôles pour être crédible.
➡️ Renverser les rôles et pointer du doigt ceux qui pointent du doigt
Le sentiment constant qu’Orelsan coche des cases de sa to do list avec La fête est finie plane sur le projet. Se retrouver avec Maître Gims sur son propre projet, enfin réaliser son feat avec Nekfeu (les deux rappeurs le teasaient depuis si longtemps à leurs fanbases), ramener Dizzee Rascal, l’un de ses rappeurs préférés, et collaborer avec son ami Stromae: mission accomplie.
Il s’agit aussi de finir l’histoire dans l’histoire qu’étaient Changement et Plus rien ne m’étonne avec Basique. Fini de pointer du doigt des comportements lambda qu’il peut observer, ici le rappeur inverse les rôles et pointe du doigt ceux qui passent leur temps à pointer du doigt. Encore une fois, un comportement propre à un trentenaire. Bien qu’il connaisse les défauts de sa société, rabâcher des banalités sur lesquelles ses actions n’auraient aucune influence est inutile. En rire est plus judicieux : « Illuminatis ou pas, qu’est-ce que ça change ? Tu t’fais baiser ».
➡️ Le rapport aux femmes, propos principal de La fête est finie
Un sujet récurrent dans les textes d’Orelsan est devenu propos principal de l’album : son rapport aux femmes. Si on peut relever un défaut notoire du projet c’est son manque de folie, le ton d’Orelsan est très souvent assommant. Lorsque son sujet est sa copine, l’approche est différente, particulièrement dans les morceaux Lumière et Paradis, un lexique qui nous fait penser au divin. Ce champs lexical est une première preuve de l’importance qu’accorde Orelsan à cette dernière, il ne doit pas se rater sur ces morceaux. Le morceau Paradis est surement l’un des plus réussi de l’album, et démontre clairement le poids du travail de NK.F dans La fête est finie tant le mix est carré.
Mais ce n’est pas seulement à sa copine qu’Orelsan a décidé de s’adresser dans son album. En effet, il est inutile de rappeler les démêlés entre qu’il a eu avec certaines associations féministes. Dans Bonne meuf, il semble faire son mea culpa à certaines femmes qu’il aurait pu offenser en se placant dans la peau d’une femme. Le morceau est humoristique, Orelsan regarde en face ces dernières et explique les similitudes entre les difficultés qu’il rencontre et celles qu’elles rencontrent.
➡️ La boucle est bouclée, les trentenaires peuvent rentrer chez eux
Enfin, Orelsan témoigne son amour à sa ville de Caen, d’où il s’est échappé pour vivre ses rêves à Paris, tout comme pour sa moitié. Il parle de sa ville à travers deux morceaux, histoire de faire une piqûre de rappel. Ici la pluie qui était son pire ennemi dans Etoiles invisibles (« et il pleut tout le temps dans cette ville de merde ») devient la raison de sa nostalgie: « Toujours autant d’pluie chez moi / Mais il fait quand même beau, il fait beau » nous dit Stromae qui se fait le porte-parole du rappeur de Caen.
Sa to do list complètement remplie, Orelsan parachève donc la troisième partie de la trilogie. Après avoir réuni ses amis et sa copine autour d’un pot de départ dont la B.O. est un album aux sonorités électro, house et variété (le cocktail parfait pour un album de cet acabit), la boucle est bouclée: la fête est finie, les trentenaires peuvent rentrer chez eux.