Le 22 septembre dernier, L-Kaïss mettait en ligne sa première mixtape intitulée Razzia. Après des années de travail, et très exactement quatre ans après les freestyles L’étoile montante qui l’ont fait connaitre, le rappeur livre un projet convainquant et beaucoup plus riche qu’il n’y paraît à la première écoute. En musique ou en interview, L-Kaïss livre au travers des mots le portrait complexe d’un artiste partagé entre des influences bien distinctes, qu’il parvient à concilier en faisant de chaque morceau un pont entre deux générations.
➡️ Une stratégie alliant à l’instinct artistique un long travail de conception
« Tel ma plume je suis indécis », c’est l’une des premières phrases de Razzia, qui ouvre le titre V.T.C. Pourtant, on ressent à l’écoute de la mixtape l’impression inverse d’une plume résolue et surtout d’une grande cohérence musicale. « Malgré les divergences entre les morceaux, tu peux trouver une cohérence en termes d’écriture, en termes d’énergie, en termes d’émotions », a admis l’artiste. On remarque ainsi qu’à l’exception des surprenants Sarazin et Sale caractère, la quasi-totalité des morceaux exploitent des beats au BPM bas. « La conception est venue quasiment à la fin, au début on a beaucoup travaillé au feeling, et à la fin on est arrivés à avoir une espèce de palette de morceaux. On a fait une espèce de playlist que je trouve assez homogène. » L’ambiance générale du projet est sombre, sans tomber dans la caricature puisqu’on y retrouve des sonorités chantées qui surprennent de la part du rappeur, plus connu pour ses capacités techniques… Capacités dont le projet offre justement un éventail complet, faisant preuve de la facilité de L-Kaïss quand il s’agit de maîtriser une ambiance, notamment en recourant à des variations de flow impressionnantes.
➡️ La technique de l’ancienne école, les influences de la nouvelle
Les nombreux points communs de L-Kaïss et Rohff ont souvent suscité des commentaires. Le rappeur réagit avec philosophie: « A partir du moment où tu suscites de l’intérêt, on est toujours obligé de t’assimiler à quelqu’un. » Il l’admet bien volontiers, il est de l’école de Rohff, et Rohff le lui rend bien puisqu’ils ont collaboré sur son album Rohff Game et lors de sa tournée des Zenith… Difficile de ne pas ressentir ces influences, pourtant la musicalité bien particulière de nombreux morceaux suinte des influences plus modernes. « Je suis très axé sur la musique, c’est-à-dire le mélange de styles. Je viens d’une génération qui a été exposée à tous les genres musicaux, et on est un peu des éponges donc on a aspiré l’énergie de ces influences. » Des placements à la modulation de la voix, tout chez L-Kaïss est caractéristique l’un amateur de rap baigné dans les classiques des années 2000. Les beats aux influences afro-caribéennes, britanniques et américaines devraient contraster avec cette technique, pourtant le drancéen semble réussir à créer une alchimie entre les deux. Sur Razzia, L-Kaïss crée une émulsion d’influences tellement contradictoires qu’elles offrent au projet tout son intérêt, une performance prometteuse pour la suite de sa carrière.
➡️ Marketing direct et proximité avec le public, la recette L-Kaïss
« Je trouve que c’est assez intéressant de partir à la rencontre de mon public sachant que je suis au tout début, je suis un artiste en développement. Peut-être que dans 5 ans je pourrai plus le faire et que ça sera plus compliqué. » C’est en tous cas ce qui sous-tend la stratégie promotionnelle du rappeur, qui a entamé sur YouTube une série de freestyles promotionnels intitulée C’Direct. « J’aime beaucoup ce format là, parce que c’est le format qui a permis de me faire connaître. Aujourd’hui, on est beaucoup dans l’ère du live. J’ai trouvé l’idée intéressante: des freestyles d’une minute dans une voiture, pas de montage. » D’un autre côté, le rappeur semble maîtriser les codes d’internet, il cumule notamment plus de deux millions de vues sur le clip T.Y.G.A. « Je pars du principe où quand le clip est sur YouTube, aujourd’hui s’il est à 25 000 dans un an il peut être à 4 millions de vues. Ca monte, ça descend selon les actualités, selon le buzz, selon la stratégie marketing que t’utilise, selon les horaires auxquels tu sors ton morceau… » Une fois encore, L-Kaïss semble jouer un rôle charnière entre deux traditions différentes de marketing…
Que ce soit musicalement ou en termes promotionnels, les efforts du drancéen semblent avoir porté leurs fruits puisqu’il est projeté au top 10 iTunes France et classé en Belgique et en Suisse. Si ces chiffres sont encourageants, le rappeur souhaite mettre l’accent sur un autre point: « Ca me tient à cœur de contribuer aux aides aux devoirs de l’association Drancy Nouvelle Génération. Si je peux apporter au moins ça avec ce que je fais, ça sera déjà une victoire pour moi. »