Depuis 2015, Hooss semble accumuler les projets réussis et les prestations remarquées, qui lui permettent peu à peu d’infiltrer sa musique hors du sud de la France. Avec Woodstock, son nouvel album sorti le 12 janvier dernier, le rappeur semble décidé à développer son image, accroitre son univers avec une sélection éclectique de pistes et des choix artistiques plus audacieux que sur les projets précédents.
HHR : Hooss, comment ça va?
Hooss : Bien et toi mon zin ?
HHR : Ca va, donc c’est la première fois qu’on se rencontre, et ma première question était de savoir s’il y avait des questions que tu ne supportais qu’on te pose durant la promotion des projets ?
Hooss : Non, j’en ai aucune, je suis ouvert d’esprit.
HHR : Même, il y a jamais eu une seule question que tu n’as pas appréciée durant une interview ?
Hooss : Non, j’en ai aucune, j’aurais dit n’importe quoi, tu l’aurais mis dans le papier (rires).
HHR : Mais non, sinon pour en venir à ta musique, il y a à peu près un an, tu sortais ton premier projet Temps Plein, objectivement, comment tu analyses ce projet avec le recul ?
Hooss : Je l’analyse comme une réussite, je le vois comme un premier tremplin, et une première étape accomplie.
HHR : Mais quels étaient tes objectifs à la sortie du projet ?
Hooss : C’était d’être un peu plus professionnel, c’était un premier album, mais aussi être un peu plus respecté en étant vu plus mature. C’était une première étape réussie.
HHR : On se voit pour la sortie de ton album Woodstock, mais entre ce projet et Temps Plein, t’avais sorti Première Presse, qui était un 8 titres. C’était un format que tu n’avais encore jamais réalisé, t’avais pris plaisir à le faire ?
Hooss : Grave, en plus, je me suis lâché, c’est 6 sons énervés, j’ai fait ce que je voulais faire. J’ai abordé les morceaux comme si c’était des freestyles, avec toutes les phrases et toutes les punchlines recherchées. Parfois, tu sors des sons, quelque temps après t’es dégoûté, tu te dis « j’aurais dû le sortir maintenant, ça aurait eu encore plus de succès ». Vraiment, je suis trop content de Première Presse, c’est la folie, tout le monde l’écoute, mes potes, les femmes aussi, c’est un projet de bandit.
HHR : Tu l’as fait en combien de temps ?
Hooss : Je l’ai écrit sur 5 jours, chaque jour j’écrivais un freestyle pour Skyrock, le jour même, et après je le rappais. Après, j’ai décidé d’enregistrer tout ça en une nuit. Je l’avais annoncé une semaine avant où j’avais dit rendez-vous mardi, je vais faire le projet en une nuit.
HHR : Donc après Première Presse, t’es revenu sur un format plus classique pour ta personne, avec Woodstock, t’as déjà eu des premiers retours?
Hooss : Je suis vraiment content parce que j’ai eu que des bons retours, tu vois. J’ai l’impression que ça pousse encore un peu plus et qu’il va peut-être se passer un truc. Maintenant, j’attends de voir aussi quel morceau plaît le plus. Bonsoir marche vraiment bien, par exemple.
HHR : Est-ce que tu penses qu’on peut prendre en considération ces premiers retours rapides puisque l’album est uniquement disponible depuis 3 jours ? Sachant qu’avoir une véritable vision sur un album, il faut un certain temps.
Hooss : Ouais, sur les premiers jours, tu peux pas parce que c’est tes supporters et tes proches qui le consomment directement. C’est celui qui t’attendait. Sur la longévité, t’envoies d’autres clips, tu fais découvrir à des nouvelles personnes, je sais pas ce qui va se passer pour ce projet. Si ca se trouve, ce sera un échec, je sais pas du tout.
HHR : Par rapport au titre de l’album Woodstock, c’est en rapport avec le festival ?
Hooss : Déjà parce que j’aime beaucoup l’époque hippie de Woodstock, et mêmes les images, j’en balancé beaucoup d’images de cette époque sur Instagram. Mais c’était aussi pour faire une suite de temps plein, pour que mes projets aient une cohérence. Dans le rap, je connaissais que le charbon, j’étais une calculette, il me fallait une suite, donc Woodstock en définition du point de vente.
HHR : A l’écoute du projet, le festival de Woodstock ramenait des artistes de différents horizons musicaux, et sur ton projet, on a l’impression que t’as également essayé de toucher à tout, c’était l’état d’esprit du projet?
Hooss : Vraiment, j’ai fait comme à l’ancienne, c’est un projet, c’est un film, il a une vie. Par la suite, on verra ce que je ferai, mais j’ai vraiment respecté Woodstock du début à la fin.
HHR : On pourrait même dire que tu t’es affirmé en tant qu’artiste plus que rappeur sur ce projet. C’était un de tes objectifs en début de carrière d’être davantage considéré comme artiste que rappeur ?
Hooss : Je l’ai toujours dit, je me vois pas à 35ans ou à l’âge des plus grands, rapper la street, dire que j’y suis encore alors que j’y suis plus. C’est une transition sur des années, et pas uniquement sur un album. Dans mes anciens projets, j’avais des morceaux différents comme Maman dort, A la Gustavo, La Zone avec Jul. Doucement, je montrais que je savais faire des morceaux, maintenant j’ai Dans le Noir et Bonsoir, je pense que j’ai réellement prouvé et que j’ai fait une performance.
HHR : Tu parlais d’un certain âge 35 ans…
Hooss : Ouais, l’âge où sont assis les boss
HHR : C’est ça, mais tu te vois aller aussi loin dans ta carrière parce qu’à 35 ou 40ans, t’es plus forcément dans le coup, tu t’es déjà posé ce genre de question ?
Hooss : Au début, je me suis dit que ça allait durer qu’un an ou deux, mais Dieu merci, ça fait déjà un an ou deux. Donc, je me dis qu’il y a peut-être une chance que je reste encore un peu de temps. Après, j’espère rester jusqu’à ce que j’en ai moi-même marre du rap. Je me vois pas sorti du ring, c’est un truc qui me ferait vraiment chier, comme à plein de rappeurs, ça se joue sur une vie, sur un moral, ça se joue sur tout.
HHR : Et aussi prendre le plus d’argent possible si on est honnêtes…
Hooss : Ouais, j’aime trop l’oseille mais c’est aussi une vraie passion. Comme je le dis, j’ai commencé le rap avant la trap, ça veut dire que dans ma cité, depuis tout petit, j’étais le phénomène de foire, je rappais devant les gens. J’avais commencé, j’avais 12, 13ans. Tu vois, je suis comme les anciens, j’ai pas découvert le rap en même temps que tout le monde. J’aime le rap depuis que je suis tout petit. Je suis un vrai passionné, j’écoute beaucoup de morceaux de gamins qui font des 20 000 vues. Quand tu fais une performance sur ton son, je suis dedans.
HHR : Justement, qu’est-ce que t’écoutais quand tu étais petit ?
Hooss : Le rap marseillais à fond, mais j’avais aussi Booba et Rohff. Tiens en 2002, par exemple, j’ai 10ans, et je voyais déjà Maître Gims. Je les ai pas découverts en 2006, 2007, quand ils ont commencé à percer. Je suis vraiment un fan de rap.
HHR : Pour en revenir au projet, on va parler du morceau « Dans le noir », c’est un morceau qui résume parfaitement ton univers argent/quartier/femmes, t’étais dans quel état d’esprit au moment de la conception du morceau ?
Hooss : Franchement, ça allait trop vite, je l’ia fait en même pas une heure, je l’ai écrit assez vite, je l’ai enregistré assez vite, j’avais déjà la formule avec mon petit yaourt sur la mélodie. Je sais pas trop dans quelle optique j’étais parce que souvent quand j’écris, j’y vais et je me dis « ah putain, j’ai pensé à ça ».
HHR : Parce qu’on a l’impression que tu fais le bilan de ta vie dans ce morceau
Hooss : Carrément, je fais un appel, je lui demande de revenir.
HHR : C’est un morceau que tu comptes exploiter bientôt ?
Hooss : J’espère que ce sera vraiment le single de l’album parce que j’y crois vraiment à son potentiel de single de l’album. Après il y a aussi Bonsoir, je m’y attendais pas mais c’est un morceau réussi donc j’espère que ce seront les singles.
HHR : Peut-être « Répondeur » aussi ?
Hooss : Ouais j’ai vu que les gens le kiffaient, j’ai fait exprès de le mettre au début de l’album, pour que les gens ne le loupent pas.
HHR : Tu penses que ça aide d’avoir Double X pour faire un single ?
Hooss : Grave, mais il y a aussi l’intonation que je prends, ma voix est basse et grave. J’avais la voix cassée, je me souviens, j’avais fait une petite atmosphère, et elle s’y colle parfaitement. On passe de Répondeur à Bonsoir, c’est vraiment deux voix différentes, deux atmosphères différentes, c’est 2 Hooss différents.
HHR : D’ailleurs t’as fait assez peu de promotion avant la sortie du projet, à part les sorties de clip, c’était pour faire parler la musique avant tout ?
Hooss : Je voulais pas trop parler. Carrément, j’avais balancé Money, un bon mois et demi avant la sortie du projet parce qu’après il y avait les fêtes, je voulais pas me louper. Comme j’avais fait un strike, j’avais balancé 3 clips, qui avaient très bien marché et très bien reçus par le public, j’ai préféré attendre pour en envoyer d’autres après la sortie du projet. On attend de voir la réaction du public, maintenant.
HHR : Tu t’impliques dans les à côté musicaux, c’est-à-dire tout ce qui est promotion, stratégie marketing ?
Hooss : Je suis mon propre producteur. Enfin, je suis co-producteur avec Matéo d’Only Pro, donc c’est mon buisness.
HHR : On va repasser sur l’album, et sur le morceau « La Lettre », c’était important de faire ce morceau ?
Hooss : Grave, en plus dans le refrain, je dis que j’en ai mis du temps, j’avais pas le cœur à la fête. Peut-être que maintenant je vais mieux, ce morceau, je l’ai vraiment respecté, en prenant mon temps pour faire cette lettre. J’ai pas loupé une phrase dedans, j’ai dit ce que je voulais dire.
HHR : T’avais déjà essayé de le faire auparavant ?
Hooss : Jamais, mais comme j’en parlais trop dans mes sons, et bien heureusement dans Temps Plein, j’en ai moins parlé. Allez peut-être une phrase dans l’album qui parle de ma darone, donc c’était le moment de faire un vrai morceau. Regarde le morceau de SCH Allo Maman, il est vraiment incroyable, il l’a fait au bon moment, dans une époque où il rentrait plus chez lui, c’était une rockstar. Donc j’attendais aussi le bon moment pour la faire.
HHR : J’ai l’impression que t’es en marge des maisons de disque en voulant conserver ton côté indépendant…
Hooss : (il coupe) Tous les jeunes de ma génération ont compris.
HHR : C’est pas faux, mais tu penses pas que tu peux atteindre un plafond de verre sur les singles. C’est-à-dire qu’en n’était pas en maison de disque, tu as moins de chance de l’exploiter pleinement et du coup de toucher un public plus réduit ?
Hooss : C’est une excuse. Vraiment, c’est des personnes qui se cherchent des excuses, je suis en indépendant, je rappe la rue et je serai jamais joué. On leur laisse cette excuse. Après, je sais que ça peut me limiter mais regarde, il y en a c’est des superstars mondiales, et ils sont encore en indépendant. C’est Dieu qui choisit et c’est la carrière que tu dois avoir, s’il faut je serai encore là dans 10ans ou ça s’arrêtera cette année.
HHR : Après l’indépendance, ça fonctionne pour toi mais il y en a également beaucoup pour qui cela ne fonctionne pas, et pourtant ils envoient du contenu de qualité, sans se chercher d’excuses.
Hooss : Parfois, ça aide d’avoir une équipe, si t’es en indépendant et que t’as un bon manager, il y a déjà une partie du taff qui est faite. Souvent, les rappeurs indépendants n’ont pas de structure derrière, ils ont un pote à eux qui jouent le manager, et là ça devient délicat.
HHR : Sur ta collaboration avec Hornet la Frappe, c’était en mode on fait un freestyle avec un pote ?
Hooss : Ouais, c’est vraiment deux bons potos qui se réunissent, c’est banal, c’est comme si je rappais avec les potes de ma cité. J’avais fait un son avec Rim’K, j’étais choqué dans le studio, toute la journée, je le regardais, j’étais choqué. Je prenais des leçons. Là c’était plus deux collègues qui se retrouvent.
HHR : Est-ce qu’il y a une forme de compétition saine entre vous ? Dans le sens où tu fais un featuring avec un mec, tu te dis, je veux lâcher le meilleur couplet.
Hooss : Oui parce que regarde dans « Double H », j’étais assez costaud. Là, dans Larry Hoover, il est costaud, le monsieur est dangereux.
HHR : Vous en parlez entre vous en disant « Ah fréro, t’as envoyé du lourd sur ce couplet » ?
Hooss : Ouais, je lui dis ça, et après « Attends, je vais changer des phrases à moi ». Je me souviens avoir eu un peu peur à un moment dans le studio.
HHR : Sur les featurings, c’est éclectique parce que tu passes d’Hornet à un DJ Albanais, Ardian Bujupi, et le second invité paraît plus surprenant. Tu l’as invité parce que tu kiffes ce genre de sonorité ou tu l’as croisé à Saint-Tropez au détour d’un set ?
Hooss : Même pas, tu sais quoi, c’est lui qui m’a invité. Il voulait inviter un rappeur français, les albanais sont fans de rap, et je suis pas de Marseille à la base, je connais bien la Côte d’Azur, et lui sa thématique était de faire un morceau qui s’appellerait « Côte d’Azur ». Donc, il allait m’inviter et faire le clip en France. Puis, quand il est monté en Allemagne, il m’a appelé, on l’a rejoint, on a passé un trop bon week-end. L’alchimie a fait que je lui ai naturellement proposé de faire un morceau sur mon album. Je te mens pas, à la base je montais que pour lui, une collaboration avec un étranger et puis il m’a chauffé, on en a fait un deuxième. Mon album est sorti avant le sien, donc son morceau sortira peut-être dans 1 ou 2 mois.
HHR : Même, dans ta vie hors rap, t’as dû croiser beaucoup d’étrangers dans le sud-est, entre les albanais, les tchétchènes, etc…
Hooss : Sur la côte, je viens d’une ville touristique, donc des étrangers, j’en croise souvent.
HHR : C’est quelque chose qui a pu t’influencer dans le rap ?
Hooss : Non, t’as bien vu, sur n’importe quel, je le transforme en son de raï. Alcoolisé c’est un remix de J Balvin, quand tu l’écoutes, on dirait un son du cabaret. Pareil Dans le Noir, on dirait un chanteur de raï qui fait un morceau de variété. On dirait Cheb Khaled qui fait un son pour la France (rires).
HHR : Sur Woodstock, 18 titres, t’as pas peur de lasser dans le sens où en ce moment les cerveaux des auditeurs sont formatés à consommer le plus possible, le plus rapidement…
Hooss : Non, tu sais quoi, il y a le streaming maintenant, donc c’est bien de faire 18 titres. J’avais jamais fait 18, j’avais fait 16, 17, 14, et à 14, les gens m’ont dit « t’en as pas assez fait ». En plus, il y a eu beaucoup de temps entre Première Presse et Woodstock alors qu’entre Temps Plein et Première Presse, c’est allé très vite, il y a eu beaucoup de morceaux enchaînés, beaucoup d’exclus, beaucoup de freestyles, beaucoup de promo. Ensuite, il y a eu les vacances, j’ai laissé beaucoup de temps et je ne pouvais pas revenir qu’avec 14 titres.
HHR : Désormais l’objectif avec « Woodstock », c’est le disque d’or ?
Hooss : J’aimerais bien, pour l’instant j’ai qu’un single d’or A la Gustavo, et j’aimerais bien avoir le disque maintenant. Je pense que c’est le moment, et je suis toujours au début de ma carrière, je suis pas en retard donc j’espère que c’est le moment.
HHR : Ce sera quoi la première chose que tu feras quand tu l’obtiendras ?
Hooss : Je l’accroche au mur (rires). J’en ai déjà accroché un, j’en accrocherai un deuxième.
HHR : Un dernier truc à rajouter ?
Hooss : Je suis trop fier de ce projet, j’ai atteint une maturité dans ma vie, je me sens mature, homme, je sais que cet album ne sera pas une casserolle ou un truc sur lequel je rigolerais plus tard où je me dirais « ah ouais, j’étais jeune ». Je sais que je suis un adulte, j’ai une vie privée, je commence à réussir dans ma vie, et je tenais également à remercier toutes les personnes qui me soutiennent depuis le début ou depuis peu !