Tout le monde connait Jul, et une rétrospective de sa jeune mais déjà impressionnante carrière n’est pas forcément nécessaire. En revanche, certains chiffres donnent mal à la tête: depuis 2014 le rappeur marseillais a sorti 12 projets dont quatre albums gratuit, une mixtape, sept albums studio ; près de 2 millions d’albums vendus dont un disque de diamant ; une chaîne YouTube à plus d’1 milliard de vues ainsi qu’une tournée qui lui a permis de remplir le Dôme de Marseille et le Zénith de Paris. Et tout cela en 3 ans seulement. Impossible de nier que Jul est un personnage incontournable du paysage rap français. Son dernier album Je ne me vois pas briller vient d’être certifié disque d’or en à peine plus d’une semaine… Il est légitime de se demander pourquoi Jul est aussi peu chroniqué, et pourquoi si peu de journalistes rap s’osent à une analyse de sa musique ?
On peut trouver plusieurs explications: la fanbase de Jul n’est pas réellement de ceux qui lisent les chroniques, sa musique n’est pas vraiment prise au sérieux par une partie des média rap, ses albums relèvent d’une simplicité telle qu’une analyse « intellectualisée » s’apparenterait plus à de la « masturbation intellectuelle » de la part de son auteur qu’à autre chose. Cependant, son dernier opus donne de la matière pour ouvrir un débat. A son arrivée, il est clair que son succès d’estime était quasi-inexistant. Son succès commercial grandissant beaucoup de curieux (souvent ancien détracteurs) s’y sont essayés et se sont vus apprécier la musique de Julien Marie. Encore aujourd’hui la démocratisation de sa musique n’est pas parachevée mais la tête de proue du rap marseillais peut se vanter de rallier un nombre grandissant de partisans à sa cause.
➡️ Je ne me vois pas briller, un album différent ?
A première vue Jul n’a rien changé à la recette habituelle de ses albums: Ma Jolie vient prendre la suite de titres comme Senora ou Tchikita, Je ne me vois pas briller semble être le remake de l’ensemble de ses gros hits tel qu’Emotion… La redondance de sa musique est surement son plus gros défaut. Mais Jul semble avoir appris de ses derniers exercices, en effet par peur d’un ralentissement de l’engouement créé par sa musique, ce dernier à utilisé Facebook pour connaitre les le point de vue de ses fans sur sa musique. Il semble qu’entre trois « shange rien le saaang tié parfé » Jul ait enregistré l’envie d’une partie de sa fanbase d’être plus servie en « kikcage ». L’Ovni, son album précédent, en manquait et contenait énormément de morceaux chantés à la qualité parfois douteuse.
➡️ Et si Jul était en passe de réaliser un exploit musical ?
C’est pas ma faute, c’est pas ma faute ! / Si ta meuf kiffe, si ta mère chante sur « Elle et l’autre » / Moi j’décris que la life de cette putain d’époque / Ils s’ressentent dans c’que j’dis j’crois bien que ça les choque
Sur le plan musical, Je ne me vois pas briller est assez proche de ses premiers opus plus rappés, et au niveau de l’écriture le MC assume un peu mieux sa place en tant qu’icone et se joue désormais de ses haters. D’ailleurs ses haters l’ont souvent dépeint comme simplet et c’est très intelligemment que Jul a transformé ce qui pouvait sembler maladroit ou de mauvais goût dans les clips de On m’appelle l’Ovni ou My World pour donner naissance à Beely, qui met Jul en position de maître du second degré du clip jusqu’aux paroles. Le projet à un coté plus professionnel, plus travaillé, et Jul ambitionnerait les meilleurs mix possibles pour son album de fin d’année, qu’il envisage d’envoyer à un ingénieur du son aux USA d’après les paroles du Freestyle Booska Crizeotiek. Pour ce qui est des featurings, lui qui avait promis des invités de choix nous offre de bonnes combinaisons avec Le Rat Luciano et Kalash Criminel, et le passage d’Hors-Ligne sur La Zone est une très bonne surprise. On déplorera l’absence du Ghetto Phénomène, qui réalise de bonnes combinaisons avec Jul en temps normal.
➡️ Malgré tout, rien ne semble acquis pour Jul
S’il y a des choses à redire sur cet album, c’est que Jul ne veut toujours pas abandonner les longs formats qui présentent un risque de lassitude pour l’auditeur, surtout quand on propose une musique assez redondante. C’est cette habitude qui nous pousse à nous retrouver avec des sons franchement dispensables. Jul devrait également apprendre à déléguer son travail ses talents de beatmaker ne se rapportent pas à ses capacités techniques et la musique s’en trouve parfois asymétrique à l’image de son choix de prendre de meilleur ingénieur du son pour sa musique, le phocéen devrait plus souvent rapper sur des instrus qui ne sont pas de lui, comme lors de ce freestyle Skyrock où il s’illustre avec brio sur une instru de Cash Money AP…
L’album est dans l’ensemble une réussite ; Jul semble pointer du doigt son objectif. Il serai tôt pour parler de « meilleur album de sa carrière » tant My World (Tout fraîchement diamant) semble indétrônable et sa marge de progression encore grande. De nombreuses prises de risques sont attendus, et pourquoi pas la présence de beatmakers en vogue tel que Label Double X ainsi que des featurings toujours plus efficaces. Pour finir, la réduction du nombre de titre vers un format plus concis et plus efficace semble être une nécessité à ce jour. Cependant Jul est en train d’évoluer pour réaliser la meilleure musique de sa carrière, alors oui les haters, il n’est plus temps de le négliger.