Même pour une nouvelle génération d’artistes habituée à des retournements de carrières de plus en plus rapides, Dinor Rdt fait figure de phénomène. En l’espace de sept mois, l’artiste originaire du 14ème arrondissement de Paris a su créer un véritable buzz autour de sa personne à grand renfort de freestyles rapidement devenus viraux sur Instagram. Maîtrisant parfaitement les codes propres à sa génération, Dinor a tapé dans l’œil de plusieurs maisons de disques avant que Columbia France, label de Sony ayant récemment entamé un virage vers l’urbain, ne raffle la mise. Dans les trois mois qui ont suivi, Dinor a dû créer un projet solide avec l’ambition de marquer le public sur la durée selon ses dires. En effet, le rappeur parisien lorgnait en parallèle sur le monde du football, avec à la clé une signature au FC Sochaux-Montbéliard. Ses engagements contractuels avec le club de Ligue 2 l’ont poussé à sortir Lunettes 2 Ski le 12 juillet dernier. Dinor Rdt nous a parlé de ce premier album dans une interview exclusive…
REVRSE : Dans un premier temps, j’aurais aimé connaître la première chose qui t’a fait basculer dans le rap ?
Dinor : Je suis tombé dedans à cause des grands de mon quartier qui rappaient, et dès que je les ai vu j’avais envie de faire pareil. Directement, je me suis dit que ça devait être cool la vie d’artiste. Pour le moment c’est plutôt cool, mais quand je me suis lancé c’était ‘ça passe ou ça casse’.
REVRSE : Disons que tu t’es réellement lancé dans la musique, il y a moins d’un an, j’imagine que tu ne te voyais pas forcément arriver dans le milieu aussi rapidement ?
Dinor : Evidemment, je ne m’y attendais absolument pas. J’ai fait un freestyle Guette l’Ascension, et la personne qui tenait cette page m’a directement soutenu, je voyais que ça évoluait. Chaque jour, je prenais des abonnés, et j’ai commencé à me poser des questions, et je me suis dit et si ça le faisait finalement.
REVRSE : Que retiens-tu de cette expérience au sein de Guette l’Ascension ?
Dinor : A la base, c’est parti d’un freestyle, on s’est vus, on a voulu travailler ensemble, on a trouvé un accord et ça a commencé à travailler sur des clips. Après, je surfais un peu sur le buzz, et c’est cet élément qui m’a permis de décoller.
REVRSE : Entre les freestyles Gilet Jaune et Octogone, tu n’avais pas peur de te coller l’image d’un rappeur cherchant uniquement le buzz ?
Dinor : Tout le monde cherche le buzz, et encore plus les rappeurs. Avant de faire cela, je me suis dit qu’il ne fallait pas que je regarde les commentaires, sinon ça allait être la fin. Les gens sont trop méchants. Après je me dis que ceux qui commentent regardent mes freestyles alors que je ne les connais pas, je les ai jamais calculés, je n’ai jamais regardé leurs profils. Ce qui veut dire qu’au fond d’eux, ils aiment. En vrai, j’aime pas regarder les commentaires, je suis sensible et ça peut rapidement me toucher.
REVRSE : Est-ce qu’on peut dire que ta carrière a vraiment pris une autre dimension à partir du Freestyle Octogone ?
Dinor : J’ai senti l’évolution à partir du Freestyle Octogone, pourtant juste avant le Freestyle Gilet Jaune avait fait le million de vues mais ça ne s’était pas véritablement lancé. Pour Ocotogone, dès que Booba m’a partagé ça a donné une force de fou, et immédiatement je me suis dit ‘allez c’est l’heure’.
REVRSE : Et la cadence de tes freestyles sur Instagram t’a aussi permis de t’imposer plus rapidement…
Dinor : C’est simple, toutes les deux semaines, je balançais un freestyle mais c’est plus possible de les voir désormais parce que je me suis fait pirater mon compte. Après je continue, l’histoire s’est réglée et ça ne m’a pas stoppé dans ma course.
REVRSE : Comment ça se passe dans la tête d’un jeune de 17 ans quand il fait des millions de vues et que toutes les maisons de disques commencent à s’intéresser à lui ?
Dinor : Ça te rend heureux avant tout, surtout que j’ai un passé qui était compliqué. Tu peux demander à mes potes, je mangeais vraiment dans leurs assiettes au grec, j’étais spectateur. J’avais rien dans les poches, tout le monde mangeait, je regardais, j’attendais qu’ils finissent. J’ai signé avec Sony désormais, et ça me fait plaisir de fou et un bout de ma vie a changé désormais.
REVRSE : J’imagine que Sony et Columbia, n’étaient pas les seuls intéressés par ton profil, qu’est-ce qui t’a séduit dans leurs discours ?
Dinor : Je me suis immédiatement super bien entendu avec Mouss Parash, il m’a proposé un contrat qui était idéal pour moi, et prenant en compte le fait que je parte dans le football. C’était le parfait compromis entre faire de la musique et ensuite me consacrer au foot.
REVRSE : Je voulais également revenir sur la laverie, comment cela t’est venu l’idée de freestyler dedans ?
Dinor : Il y a deux ans, j’avais fait un freestyle avec mes potes à la laverie parce que je me suis dit que personne ne l’avait encore fait. Mais la laverie avant, quand ils faisait froid, je me posais dedans et je me suis dit pourquoi ne pas faire un freestyle là-bas au final. Je rappais pas encore sérieusement mais déjà je ne voulais pas faire de choses trop banales, et surtout si t’es pas original ça peut ressembler à un copié-collé sans le vouloir, j’aime pas ça.
REVRSE : Le titre de l’album est Lunettes 2 Ski… Pour toi, c’était essentiel que l’album porte ce nom faisant référence à l’un des objets phares de ton univers ?
Dinor : Ca me définit, si j’enlève les lunettes, les gens ne me reconnaissent pas. Après, certains me reconnaissent mais c’est plus rare. Sans lunette, je marche dehors, on me calcule pas alors qu’avec les lunettes, les gens me reconnaissent immédiatement. Par rapport à ça, j’étais obligé d’appeler mon album Lunettes 2 Ski.
REVRSE : Sur le projet, en l’écoutant, la première chose qui m’a frappé, c’est la diversité des ambiances musicales…
Dinor : J’ai essayé de faire de tout parce que mes grands-frères m’ont dit que je faisais trop de rap et qu’il fallait faire plaisir à tout le monde. C’est avant tout à mon public que je veux faire plaisir, mais à un moment je faisais trop un rap de petit donc il fallait que mon écriture évolue, pour toucher encore plus de monde.
REVRSE : Charbonner est un potentiel tube, le titre avec Sadek également. Auparavant, tu ne semblais pas avoir ce sens pour la mélodie et des singles, comment ce savoir-faire est-il venu ?
Dinor : Ça se voit pas forcément mais j’aime trop chanter et dans cet album, je me suis dit que j’allais faire un son totalement chanté, ça a donné Charbonner. En plus, je me suis vraiment pris la tête sur l’écriture de ce morceau. Dès que j’ai entendu la prod, j’étais sous ma douche, j’ai immédiatement gratté dessus, tout en cherchant une bonne mélodie. Pour moi, c’est l’un des meilleurs titres de l’album.
REVRSE : Finalement, ce sera ton premier et dernier projet, t’étais dans quelle mentalité quand tu l’as créé ?
Dinor : Je ne voulais pas me louper, donc on a eu des galères de fou mais heureusement mon chef de projet m’a sauvé la vie par moments. Je suis content parce qu’on ressort avec un bon album, qui marquera l’histoire, j’espère.
REVRSE : Et en termes de producteurs, t’as bossé avec qui ?
Dinor : Yann Dakta, Rednose, Ayrton, l’ensemble de leur équipe en fait. J’ai bien travaillé avec Yann et il m’a beaucoup aidé sur certains aspects qui m’ont vraiment permis de progresser de proposer le meilleur album possible.
REVRSE : Lunettes 2 Ski sera ton dernier projet, comment comptes-tu le défendre en tenant compte du début de ton engagement contractuel avec Sochaux le 15 juillet ?
Dinor : Je sais même pas, j’ai aucune idée, mais il y a toujours une solution à tout, on va bien trouver un moyen.
REVRSE : Parmi les invités, on retrouve Black M, un rappeur parisien comme toi qui était au sommet lorsque t’étais un peu plus jeune…
Dinor : J’étais obligé, je kiffais de fou et j’aime encore ce qu’il fait sur les sons récents. Je voulais ramener une personne comme lui, on s’entendait bien, on a parlé ensemble et c’est un mec qui a du cœur donc je me suis dit pourquoi pas le ramener sur le projet. Sur le morceau, il m’a vraiment respecté en plus.
REVRSE : Sadek a aussi répondu à l’appel, tu as été convaincu par ses précédentes performances en featuring ?
Dinor : De base, j’aime trop ce que Sadek fait, même sur son dernier album il est parti sur des sonorités brésiliennes et je trouve qu’il a super bien géré ça. J’étais obligé de le ramener, je me suis dit que ça pouvait et ça devait faire une bonne connexion.
REVRSE : Mister V est également présent dans ton album, c’était pas forcément un choix de featuring évident mais au final, ça se rejoint beaucoup sur le second degré propre à chacun de vos univers.
Dinor : J’ai directement pensé à l’inviter parce que beaucoup de personnes m’ont parlé de lui, dans mes DM Instagram. J’ai fait des freestyles drôles sur Instagram, et beaucoup de personnes ont fait le rapprochement entre lui et moi. Du coup, je lui ai envoyé un message, il a été très poli, très gentil et on a fait ça bien.
REVRSE : On est d’accord pour dire que l’invité le plus inattendu du projet reste Roméo Elvis ?
Dinor : A la base, Roméo Elvis, je l’ai connu par rapport à sa sœur, Angèle, sur leur morceau ensemble. Je voulais aussi m’appuyer sur un public comme le sien et on m’a proposé plusieurs rappeurs mais c’est lui que je voulais parce que j’aime beaucoup ce qu’il fait. Il m’a directement répondu, c’était une très bonne connexion, on a fait ça rapidement et efficacement. Le son déchire.
REVRSE : Et il y a PLK pour représenter le secteur !
Dinor : Ouais c’est le quartier, c’est l’un des gars que j’aime le plus dans le rap. Le premier Planète Rap dans lequel j’étais invité, c’était le sien. Même avant que ça pète, il y a deux ans, je faisais des petits freestyles dans mon coin, PLK partageait systématiquement et ça me faisait plaisir de fou.
REVRSE : Tu penses qu’avec vos succès respectifs, ça peut donner une autre dimension au rap du 14ème arrondissement ?
Dinor : Bien sûr, on est en train de représenter le secteur dans le son parce qu’on parle pas assez de notre zone. Enfin, PLK le représente très très bien, et il faut qu’on le représente au max comme le font les artistes du 91 ou du 93.
REVRSE : Au final, quels sont tes objectifs avec ce projet sachant que ce sera difficile de le défendre ?
Dinor : C’est qu’il existe déjà et qu’ensuite, il sorte bien, et pourquoi pas un disque d’or. Si on arrive à le faire, on aura tout gagné.
REVRSE : Désormais, tu passes du côté football et tu intègres le centre de formation de Sochaux le 15 juillet, c’est une nouvelle prise de risque d’abandonner une carrière déjà sur les rails ?
Dinor : C’est une grosse prise de risque même parce que le football n’est pas encore assuré, j’ai pas encore signé de contrat professionnel. Je vais vraiment me mettre à fond dans le football, et après on verra ce que ça va donner. Actuellement dans la musique, ça marche plutôt bien, surtout si l’album fonctionne donc cela peut s’avérer risqué.