S’il a rencontré le succès commercial tardivement, Kaaris est néanmoins un rappeur à la discographie bien fournie. Après l’inaperçu 43ème BIMA, la révélation Z.E.R.O, le classique Or noir, Le bruit de mon âme marquant le nouveau départ de Kaaris après le clash avec Booba, le décevant Double Fuck, et la révolution musicale Okou Gnakouri, Kaaris revient avec Dozo. Au vu de ces multiples évolution dans les influences musicales, nous sommes curieux de voir ce que le rappeur nous réserve avec ce nouvel album dont le nom et la cover sous-entendraient des sonorités afro plus assumées.
➡️ Malgré la rupture musicale, des vestiges d’Or Noir
Si Kaaris semble être un rappeur en proie à de multiples évolutions musicales, il ne se départit pas totalement de ce qui a constitué l’ADN de ses premiers succès. En effet, dans l’extrait Kébra (Prod. Double X), on retrouve un refrain plein d’énergie, qui réussit à rendre le morceau percutant, au milieu de deux couplets autotunés. On remarque également qu’il parvient toujours à placer des phrases dignes de ses premiers projets (« J’ai rendez-vous avec la NASA, pour mesurer la taille de mes couilles« ), même si ces dernières se font moins nombreuses que par le passé.
Nous pourrons également citer Dozo (Prod. Guilty), qui en dépit de 2 ponts autotunés franchement dispensables, continent deux couplets dans la veine de ce qu’il sait faire de mieux. Végéta (prod. Guilty), fera le bonheur de ses fans de la première heure, et Kaaris ne manque pas d’insister sur son influence sur le rap d’aujourd’hui (« J’ai ramené la trap avec Zoo »). Cependant, les gimmicks qui faisaient sa force à l’époque de Z.E.R.O et d’Or Noir perdent en spontanéité, et ne subliment pas les sons (nous penserons notamment au « Pute Pute Pute Pute »), à l’heure ou un Niska par exemple parvient constamment à innover et à faire mouche.
➡️ Un album plus ouvert musicalement de la part de Zango
Puisque nous vivons à une époque ou MHD connait un succès resplendissant, il n’est pas étonnant de voir des influences afro se glisser peu à peu dans les albums de rap, celui-ci ne faisant pas exception. Kaaris avait décidé de miser sur Je suis Gninnin, Je suis Bien, pour promouvoir l’album, qui n’avait pas réellement rencontré de succès auprès du public, comme en atteste le faible nombre de streams. En effet que ce soit au refrain ou dans les couplets, le son semble assez vide et alors que l’on commence à se lasser de l’afrotrap, il en faut plus pour retenir l’attention.
Le 6ème son, Feghouli (Prod. Double X), use encre une fois des sonorités africaines, et cette fois-ci Kaaris traite de ses premières difficultés (« J’ai trimé, j’ai dû dealer / La beuh dans mon narguilé pour oublier« ), son succès et ses ambitions (« Comme Jérome Cahuzac, je veux un compte en Suisse »), de manière plutôt superficielle. Sur cet album, le thème de l’amour semble plus important que par le passé. Etre deux, est un morceau complètement dédié à ce sujet, ou il parle de femmes d’un autre point de vue, abordant les questions de fiançailles.
➡️ Entre réussites relatives et succès modérés
Le morceau Diarabi est efficace. Ici, Kaaris a décidé de reprendre le gimmick de Man’s Not Hot de Big Shaq à l’intro d’un son ou le thème de l’amour s’entremêle dans l’univers sombre qui caractérise K2A. Ce son, qui laisse la part belle au refrain parvient à ambiancer, même s’il n’y a rien de mémorable sur les paroles.
Bling Bling est un réel OVNI sur Dozo. En effet, lorsqu’on se rappelle d’Arrêt du Coeur, on pouvait aisément s’attendre à un banger. Au lieu de ça, nous nous retrouvons face à un son traitant en partie d’amour et d’ambitions, sur une instrumentale incitant plus à s’ambiancer qu’à s’énerver. Malgré quelques phases plutôt solides (« Tant mieux si t’as un trop gros boule, j’ai le permis camion / Elle a cent millilitres de liquide dans la culotte, elle peut même plus prendre l’avion« ), le morceau ne convainc pas, même s’il est agréable à l’écoute.
➡️ Qu’attendre de Kaaris à l’avenir?
Kaaris a récemment annoncé qu’il arrêterait de faire des freestyle, ce qui confirme qu’il capitalise moins sur ce qui a fait ses premiers succès. De plus on est passé d’une omniprésence de Therapy dans ses premiers projets à une distribution plus hétérogène des beatmakers, avec néanmoins Double X à la réalisation de 9 des 16 titres de l’album. Cette collaboration musicale qu’il entretient depuis un an avec le duo de compositeurs semble annoncer une production plus éclectique qu’avant. En effet, à l’opposé d’un Therapy, le duo Double X ne n’est pas spécialisé dans un registre et dispose d’une palette musicale élargie, en atteste son travail sur les projets de Kekra, Lacrim ou encore Sadek.
Si l’album contient des bons morceaux et n’est pas mauvais dans son ensemble, il déçoit puisqu’on n’y retrouve pas, ou pas assez, ce que l’on attend de Kaaris, à savoir une maîtrise inégalée des codes de la trap et un sens de la punchline qui le hisse parmi les meilleurs dans ce domaine. Il semble néanmoins mieux maîtrisé que son prédécesseur, notamment en ce qui concerne les ouvertures musicales. Cet album semble entériner la fin de la collaboration avec Therapy puisqu’il ne contient aucune instrumentale signée par ses anciens producteurs.