La culture Hip-Hop est ancrée dans la ville de New-York qui a vu naître, cette dernière décennie, certains des plus grands artistes de la scène rap. La fin des années 90 a été marquée par le rap en provenance de New-York. Le public de la Big Apple est l’un des plus compliqué à satisfaire, ce qui est certainement dû au niveau apporté par les Rois et Reines d’Antan. Il est vrai qu’ils ont mis la barre haut avec de nombreux albums catégorisés comme classiques.
Le talent de la nouvelle génération ce n’est pas ce qui manque à la ville. On peut citer Nicki Minaj, Asap Mob, Joey Badass, French Montana pour exemple (just to name a few). Le seul problème c’est que malgré leurs succès indéniables, aucun d’entre eux n’a su se faire connaitre du grand public tout en conservant l’esthétique et les codes du rap New-Yorkais. On ne va pas se mentir, ses dernières années, plus on grandit dans le rap game, plus on se travestit ; cette nouvelle génération qui est à l’affut de zumba pour être numéro un des charts (Exemple : Nicki Minaj – Anaconda quel désastre musical mais un plaisir des yeux pour certains LOL). Cependant, cela fait deux ans que le rappeur New yorkais, Dave East, fait beaucoup parler de lui et pas que dans sa ville mais dans le rap en général.
Du terrain de basket au studio d’enregistrement
Dave East, 28 ans, originaire d’Harlem n’aurait jamais pensé il y a quelques années devenir rappeur un jour. Il était plus concentré à jouer au Basket, un sport dans lequel il excelle. En effet, il jouait en ligue amateur au côté de Ty Lawson, Kevin Durant et Greivis Vasquez pour ceux qui connaissent. Mais suite à une bagarre, il a été viré de l’université et s’est de nouveau retrouvé dans la street d’Harlem Est. Il faut croire que la NBA ne lui était pas destinée. Ce qui n’est pas si mal pour nos oreilles bien qu’il aurait pu faire comme Damian Lillard, vous savez le basketteur qui rap mieux que vos rappeurs préférés. Il a donc plus de temps pour se consacrer à la musique (que Dieu le bénisse) et fait beaucoup parler de lui dans les rues de New York, ce qui n’échappe pas à l’oreille de la légende du rap Nas. Suite à sa mixtape « Black Roses » qui a connu un énorme succès, Nas décide alors de signer le rappeur sur son label Mass Appeal. Son flow hypnotique, ses textes bruts et son éthique du travail font de Dave East le rookie parfait pour la ville de New York.
On connait Nas pour ses projets travaillés, il ne fait jamais les choses à moitié c’est pour cela qu’il produit la mixtape de Dave Hate me Now en le faisant collaborer avec les grosses têtes du rap tels que Jadakiss, Fabolous, Pusha T, Rico Love ou encore Styles P. Et même au niveau des instrus utilisés, tout est réfléchi par la légende: il fait appel à Jahlil Beats, LV, Squad Beats et pleins d’autres qui collent parfaitement au flow hypnotique de Dave East. Très bon pari de la part de Nas, car toute les radios sont séduites et envoûtées par les morceaux de Mister East, ce qui lui offre une bonne présence médiatique. Il se voit donc propulser de simple rappeur du quartier à un niveau national voir international, et je ne vous apprends rien en vous disant qu’aux Etats-Unis tout peut se passer très vite. Dave East signe en octobre 2016 un contrat chez Def Jam mais reste tout de même fidèle à Nas, qu’il considère comme son grand frère et mentor.
Kairi Chanel, une mise en bouche de l’album
C’est dans la nuit du 30 septembre 2016 aux alentours de minuit que Dave East nous balance, sur Itunes et l’ensemble des plateformes de streaming, son premier album « Kairi Chanel ». Un album qui se compose de 15 titres et qui nous offre variété de rap traditionnel de New York avec un éclat musical qui a hanté le passé de la ville. Le choix du titre de l’album, qui est le prénom de sa fille, n’est pas anodin bien au contraire, où il dit lors de son interview chez Angie Martinez : « [Kairi Chanel] Je sens que c’est mon meilleur travail à ce jour. Je l’ai appelé comme ma fille (sa fille s’appel Kairi Chanel), parce qu’elle est le plus grand et le plus déterminant moment de ma vie. Tout ce que j’ai fait jusqu’à présent m’a amené à elle, donc je traduis cela dans la musique. »
Cet album a été fait pour élargir le champ musical du rappeur et le propulser en dehors de sa ville bien qu’il soit enraciné dans une philosophie traditionnelle qui a défini New York pendant des années. On y retrouve Benie Sigel, Fabolous, Cam’Ron, 2Chainz, Sevyn Streeter en featuring sur ce projet, la crème de la crème pour les fans de rap en provenance de la East Coast. Dave East avait déjà marqué l’année 2016 en faisant parler de lui dans tous les plus grands médias Hip-Hop mais cet album va marquer son année avec plus d’éclat. Il tente de donner à New York et aux fans de Hip-Hop un rap à la fois sensible mais cru tout en défendant ses racines, ce qui est excellent pour la suite de sa carrière.
Mes coups de cœurs
- It was Written: On commence l’album avec le titre « It was Written » qui est l’un de mes favoris où il rend hommage à son mentor Nas qui avait lui-même fait sa propre ascension dans le rap il y a 20 ans déjà. Le morceaux est produit par Mr.Authentic qui nous accroche dès le départ avec des flûtes envoutantes, pour enchainer sur des basses qui donnent de la poigne au morceau avec un jeu de double voix du rappeur. Une combinaison parfaite pour le 1er titre de l’album qui nous met directement dans le bain de ce à quoi va ressembler l’album. Ce morceau est rempli de passages percutants tels que « Tout le monde me dit de faire un son de boîte, que j’arrête de faire des sons de drogués, que j’ai une fille en route, que j’arrête de faire des sons de rues ». A travers ce morceaux, Dave semble rire au sujet des rappeurs qui rappent sur des sujets qu’ils ne connaissent pas comme la rue, or pour le moment c’est tout ce qu’il a. il est donc loin de l’idée de s’inventer une vie pour satisfaire le grand public et il nous fait comprendre au contraire qu’à la différence des autres, il souhaite rester vrai et fidèle à lui-même.
- Can’t Ignore feat. 2Chainz: sur ce morceau 2Chainz a su faire le travail et nous enchaine des rimes plus poignantes les unes que les autres : « Tu peux demander à TMZ, MTV, BET, j’ai plus de diamants que CP3 (Chris Paul joueur NBA connus pour être le meilleur passeur de la ligue) ». On constate ici que 2Chainz a conservé la rythmique du 1er couplet agressif offert par Dave East : « Je suis vrai envers Allah et je ne m’entends pas avec la police, garde moi loin de ces porcs ». L’instru sur le morceau commence doucement pour laisser place au flow de Dave East qui décide de montrer son vrai visage en expliquant que c’est l’une des dernières personnes à rester fidèle à elle-même contrairement au reste qui sont faux (Fake people alert). La collaboration entre 2Chainz et Dave est juste parfaite, ce qui peut seulement satisfaire les fans de rap East Coast.
- From the Heart feat. Sevyn Streeter: Pour les connaisseurs vous avez dû reconnaitre l’utilisation des samples du morceau « Sending my Love » de Zahné et les paroles du refrain qui ont également été reprises par Sevyn Streeter. C’est un morceau dédié aux êtres chers incarcérés qui purgent une peine de prison, c’est une sorte de message de soutien. Au départ il commence par l’audio d’un appel téléphonique entre lui et un ami à ce sujet. Tout au long de la musique il insiste sur le fait que c’est important de se soutenir dans ce genre d’épreuve. Il nous montre également un aspect plus sensible du personnage en nous faisant savoir que son cercle est pour lui ce qu’il considère comme sa famille.
- Keisha : C’est ce qu’on appelle un morceau « Story-telling » (raconte une histoire). Il dessine à travers ses rimes, l’histoire d’une jeune fille des quartiers New-Yorkais en rentrant évidemment dans le cliché. Le thème abordé est donc la femme, plus particulièrement le type de femme que le rappeur a pu rencontrer dans sa vie. La prod est signé M.Authentic qui nous propose un beat simpliste mais parfait pour le story telling. Il a su mettre en avant sa capacité de « story-teller » avec une intrigue cinématographique signée Harlem.
Le projet m’a beaucoup plu dans son ensemble. C’est quelque chose de très travaillé que ce soit au niveau des prods utilisés, des artistes choisis ou même des thèmes abordés. Grâce à cet album, la carrière de Dave East prend un autre tournant car il évite les pièges de l’industrie et se montre authentique et fidèle à ses racines New-yorkaise. Dave semble avoir le potentiel pour rentrer dans le moule des légendes comme 50 cent, Notorious, JayZ, Nas… Ils ont tous connus un départ difficile pour ensuite enchainer sur des classiques du rap prouvant que New York conserve une partie de la richesse du Hip-Hop. Vous allez certainement me dire que c’est un peu trop tôt pour prédire l’avenir de Dave East mais d’un point de vue personnel « Kairi Chane » est une étape très calculée de la part du rappeur et son mentor, ce qui prouve qu’il est sur la bonne voie. « Kairi Chanel » connait un très bon accueil de la part du public Hip-Hop et même les grosses têtes du rap le valident. Started from the bottom… Son prochain album sera produit par Jayz et Nas. Qui aurait cru ça il y a quelques années ? En attendant, ses mixtapes et cet album vont vous mettre plus que d’accord.