Le 20 avril dernier, J.Cole sortait son album-évènement KOD et remportait le titre de projet le plus écouté en l’espace de 24h sur Spotify et Apple Music aux Etats-Unis. Plus précisément, KOD récoltait dans le même laps de temps 37 millions de streams sur Spotify et 64,5 millions sur Apple Music. Mieux, Apple Music affirme être à l’origine de 60% des écoutes mondiales en streaming de l’album de J.Cole au cours de sa première journée d’exploitation. Pourtant, les deux sociétés sont actuellement au coude-à-coude sur le marché américain avec 22 millions d’utilisateurs payants pour Spotify et 21,5 millions pour Apple Music. Et si la marque à la pomme est sur le point de prendre les rennes aux Etats-Unis (selon le Financial Times, elle devrait dépasser Spotify d’ici la fin du mois de juillet et prendre une avance de 3 millions d’utilisateurs payants avant la fin de l’année), Spotify reste de loin le leader mondial avec 170 millions d’utilisateurs actifs dont 75 millions de comptes payants contre Apple Music et ses 45 millions d’utilisateurs payants. Pourtant, la sortie de l’album de Drake le 29 juin donne lieu à un scénario similaire avec 573 millions d’écoutes mondiales en première semaine sur Spotify contre 486 millions pour Apple Music, un écart loin d’être proportionnel à la différence d’utilisateurs des deux plateformes. Aux Etats-Unis, l’album cumule 321 millions de streams en première semaine sur Spotify contre 401 pour Apple Music qui encore une fois prend le dessus. A noter que les 401 millions de streams représentent 82,5% du total des écoutes sur Apple Music en première semaine. Ces chiffres révèlent une bonne fois pour toute la double faiblesse de Spotify. La première faiblesse est évidente, il s’agit du marché américain sur lequel la plateforme suédoise progresse moins rapidement que son concurrent. La seconde est probablement l’une des causes de la première, Apple Music semble s’imposer comme la plateforme de référence en matière de musiques urbaines (une catégorie qui représente plus du tiers des écoutes aux Etats-Unis selon Nielsen Music).
Drake, une ombre sur le succès commercial de son album « Scorpion »
Il semblerait d’ailleurs que Spotify lorgne sur Carl Chery, actuellement Directeur de la Curation d’Artistes pour la programmation urbaine chez Apple Music et connu pour avoir obtenu l’exclusivité en streaming de la mixtape de Chance the Rapper Coloring Book pour ses deux premières semaines d’exploitation. Plus généralement, la stratégie de Spotify consistant à augmenter sa base d’utilisateurs gratuits (financée par la publicité, mais manifestement loin d’être rentable) grâce à une offre plus étendue que celles de ses concurrents pour les convertir progressivement en utilisateurs payants semble générer des taux d’engagement largement inférieurs à ceux d’Apple Music, qui mise en n’acceptant que les abonnements payants sur la tranche des mélomanes. Pour autant, cette faiblesse de Spotify pointée du doigt par la plupart des médias spécialisés pourrait bien être sa plus grande force. On a pu le constater, la base d’utilisateurs d’Apple Music est largement concentrée aux Etats-Unis, et pour cause : les iPhones y sont encore en 2017 les téléphones les plus utilisés, alors que dans un pays comme la France, les quatre téléphones les plus vendus la même année sont des Samsung Galaxy ! Sur des marchés émergents comme l’Asie, l’Amérique Latine ou l’Afrique, il est évident que les téléphones majoritairement utilisés sont fabriqués par des alternatives locales et se situent sur des créneaux de prix beaucoup plus bas que ceux de l’iPhone. Sur ce terrain, Spotify est gagnant puisque la plateforme est l’un des rares pure players du secteur et a donc adapté son interface à tous les systèmes d’exploitation. Là où Apple Music recueille des avis mitigés sur Google Play, Spotify figure parmi les applications les mieux notées de l’Apple Store. C’est cette capacité d’adaptation qui promet de porter la plateforme sur des marchés représentant des centaines de millions d’utilisateurs potentiels, notamment l’Inde où la plateforme semble prête à prendre pied dans les semaines à venir ; autre point fort, la version Lite de l’application permet d’écouter de la musique en consommant moins de données et en occupant moins de mémoire, un avantage non-négligeable pour des pays à la couverture réseau encore incertaine.