« Oublions ce disque chassieux et sinistrement sympa, disque industriel d’algorithme and blues, bon pour acheter des croquettes dans sa supérette, animer des galipettes sur la chaîne Dog TV ou égayer la demi-fi nale de Wouf, le jeu télévisé canin de NRJ 12 » conclut le journaliste de l’Obs Culture Fabrice Pliskin dans sa chronique du nouvel album de la légende californienne. En ce qui me concerne, j’aurai tendance à être beaucoup moins sévère que ce dernier en affirmant d’ailleurs que cet album est l’une des sorties les plus intéressantes en rap US de ce début d’année 2015, tant au niveau de sa musicalité que de son imagerie et plus globalement de son univers.
Cet univers est d’abord introduit par la pochette de l’album, qui se réfère bien entendu au titre de l’album Bush, c’est-à-dire « Buisson », et représente un chien bleu au milieu d’un amas de végétaux qui peuvent rappeler un jardin à la française sur un fond vert uni. Ce jeu de couleurs rend cette pochette particulièrement reposante pour l’oeil, l’album incite à la détente tant visuellement qu’auditivement. Le titre de l’album est quant à lui une référence assez évidente au végétal préféré de Snoop Dogg, qui avait justement défrayé la chronique récemment investissant dans Eaze, une application de livraison d’herbe à domicile… Le premier extrait de l’album, un featuring avec Charlie Wilson intitulé Peaches N Cream, présente un clip très funk et psychédélique qui coïncide à la perfection avec le single. Le second extrait clipé, So Many Pros, joue sur l’esthétique rétro d’affiches de films animées. Le dernier clip, sorti le 20 mai, est celui du premier morceau de l’album, California Roll, qui réunit Snoop, le producteur de l’album Pharrell Williams et la touche discrète de Stevie Wonder. Le clip est encore une fois très réussi et original. Une introduction visuelle nous plonge à Los Angeles à la fin des années 1940, où une salle de spectacle offre une représentation de California Roll, a flight to the future, une projection de ce que pourrait être cette ville dans un futur alternatif. Pharrell et Snoop, debout sur une pyramide dorée et eux-mêmes couverts d’or, nous entrainent dans cette vision de la ville californienne.
Musicalement, l’album s’inscrit à la fois dans la continuité de 7 Days of Funk, la collaboration de Snoop et de Dam-Funk qui avait donné naissance à des morceaux tels que Faden Away, et de précédents featurings de Snoop avec Pharrell, Drop It Like It’s Hot, So Many Pros et Beautiful sortis en 2009. Bien sûr, l’album entièrement produit par N.E.R.D, le duo réunissant Pharrell Williams et le producteur Chad Hugo, n’est pas sans reprendre la teinte musicale des derniers hits de ce dernier, notamment du fameux Happy. Le choix des singles assez judicieux réunit effectivement les deux titres phares du projet: California Roll et Peaches N Cream, deux morceaux remarquables, à la fois doux et entrainants et sublimés par la participation de Charlie Wilson et de Stevie Wonder. Globalement cependant, la qualité de l’album est assez homogène et les morceaux s’enchainent très bien. Au morceau d’ouverture déjà évoqué California Roll succède This City, dont les sonorités ne sont pas sans nous rappeler celles de la talk-box si caractéristique de la funk, puis R U A Freak, un morceau doux et totalement dépourvu de couplet rappé, et Awake dont le refrain entrainant « when you’re awake » et les pré-refrains de Pharell se révèlent très entêtants. So Many Pros, qui avait été sélectionné comme deuxième extrait de l’album, est un morceau plutôt bon et le premier qui fait intervenir des choeurs féminins. Le pré-refrain est encore une fois excellent: « for your own, for your information baby / I’m that winner, you need to go and ask somebody ». Suit le fameux Peaches N Cream, très bon morceau sur lequel on ne peut s’empêcher de chantonner « damn her sas is so big! ». Sur le premier featuring rap de l’album, Edibles, T.I. est efficace sans briller, en revanche le morceau dans son ensemble est très bon, notamment l’instru. I Knew That est plus doux et laisse la place à Run Away avec la chanteuse Gwen Stefani, qui n’apporte malheureusement pas grand chose à l’album, pas plus que le décevant featuring avec Kendrick Lamar et Rick Ross I’m Ya Dogg, qui clôt cependant parfaitement le projet.
Amateurs de rap pur et dur, passez votre chemin, car Bush est aussi funk/pop qu’hip-hop tant dans les sonorités que dans l’atmosphère. Reposant et entrainant, il sort à point juste avant l’été sur un calcul promotionnel très juste. Le court format du projet (10 titres) empêche ce treizième album de Snoop de tourner en rond. Le travail apporté à chaque piste se ressent très bien, l’album n’a que très peu de point faibles et est extrêmement bien fini, ce qui a sans doute donné lieu aux critiques qui le qualifiaient d’album « facile » ou « aseptisé ».
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