Encensé récemment par Hype au micro d’OKLM Radio, invité par S.Pri-Noir à participer à son Planète Rap, Cashmire, jeune rappeur originaire de Marx Dormoy (18ème arrondissement de Paris), a sorti son premier projet POETICGHETTOSOUND le 4 mai dernier. Atypique et pourtant proche de l’auditeur, c’est l’impression que laisse l’artiste après écoute des 12 titres qui composent le projet. Tous ces morceaux sont cohérents mais très différents les uns des autres. La singularité que laisse paraître le rappeur se retrouve aussi dans son attitude, sa manière de s’habiller, sa façon de penser. A la première écoute, les sonorités et les paroles du rappeur lui confèrent une aura de marginal, de jeune pas comme tout le monde. Au fil des écoutes, on se rend compte qu’en fait, Cashmire est loin d’être différent. Des histoires de quartier, de femmes, de jeunesse, drogue, alcool et sexe, un portrait plaisant aux allures d’A$AP Rocky parisien, animé par la voix d’un jeune homme hésitant entre chant et rap, voilà la recette de POETICGHETTOSOUND.
Cashmire : Moi c’est Cashmire 018, j’ai 20 piges, je suis un jeune du 18ème comme il y en a plein. Le premier album c’est POETICGHETTOSOUND, sans S. C’est une carte d’identité, c’est ce que j’avais envie de dire pour l’instant.
HHR : On va commencer par le commencement, qu’est-ce qui t’a donné envie de faire de la musique ?
Cashmire : C’est une bonne question, je sais pas trop. On habite dans des quartiers tu vois, ce qui fait que le rap, la musique, on baigne dedans. La culture, le sport, tout ça, ça nous entoure. Il n’y a rien qui m’a spécialement donné envie de faire de la musique, c’est juste qu’à un moment je me suis mis à écrire, puis je me suis mis à rapper dans ma chambre, mes potes trouvaient ça chanmé, je rappais à l’école et voilà, c’est un engrenage.
HHR : D’ailleurs, en parlant d’école, explique-nous ce parcours scolaire dont tu es triste dans tes morceaux.
Cashmire : J’étais à l’école Evangile puis au collège Hébert, place Hébert. J’ai beaucoup d’amour pour l’éducation mais je pense que tu le sais, les collèges dans ce quartier, et surtout le collège Hébert, c’est la case d’avant la prison. Après, j’ai été renvoyé parce que je faisais des bêtises, et ma mère m’a envoyé à l’internat à Angers. Là-bas j’ai encore fait plus de bêtises que j’en faisais au collège. Après je suis revenu à Paris et je me suis calmé parce que je me suis rendu compte que j’avais un bon cerveau. Je faisais tellement de bonnes bêtises que je me suis dit que je pouvais me servir de mon cerveau autrement (rires). Je suis revenu pour le dernier trimestre, j’ai eu 17 de moyenne. Je suis allé au lycée Racine, en STMG, et, entre parenthèses, force aux STMG parce qu’on nous prend trop pour des imbéciles. Ensuite, j’ai fait une année de fac, mais je faisais beaucoup de rap et très peu de fac en fait.
HHR : A quel moment tu t’es dit : « je vais aller au studio et faire des sons » ?
Cashmire : C’était y a deux ans pour Le Parrain. C’est venu comme ça. On m’a proposé et j’ai dit oui.
HHR : Le Parrain est sorti il y a presque deux ans, Tam-Tam au début de l’année 2017 et POETICGHETTOSOUND est quant à lui sorti le 4 mai 2018. Combien de temps il t’a fallu pour réaliser ce projet de bout en bout ?
Cashmire : Concrètement, très peu de temps. Après, j’ai mis mes premiers morceaux comme Le Parrain et Tam-Tam mais je sais pas si je peux dire que j’ai fait le projet sur un ou deux ans parce qu’à un moment je me suis juste dit « je vais faire un projet » et là j’ai enchaîné les morceaux pour compléter. Donc, en soi, c’est allé assez vite.
HHR : Et comment tu te sentais quand la mixtape est sortie ? Quel effet ça t’a fait ?
Cashmire : A l’aise. Franchement, à l’aise. Je m’attendais à rien du tout. J’avais le confort d’être inattendu. Personne ne m’attendait, mais moi je voulais le faire, et je l’ai fait. Sur le deuxième projet, là, peut-être que je vais me dire que y a une attente. Sur PGS, c’est Cashmire sans stress, sans prise de tête. Peut-être que les gens diront, dans quelques années : « j’aimais trop le Cashmire de PGS », mais je m’en fous parce qu’on change pas, on évolue. Si je te plais plus, c’est simple, tu ne m’écoutes plus.
HHR : Et comment un nouvel artiste fait pour s’insérer dans le milieu de la musique ? Par quels moyens ?
Cashmire : Il y a un truc qu’il faut comprendre, c’est que c’est un domaine où tout le monde doit faire sa place. Faut que je fasse ma place. Je vais faire des trucs qui vont flopper, je vais faire des trucs et on va me dire que c’est de la merde, je vais faire des trucs et on va me dire que c’est bien mais on ne va pas me suivre, c’est ça le truc, il faut que j’insiste. Personne ne va faire ta place pour toi. Et même, le « tu » est impersonnel, ça s’applique à tout le monde. Et tu connais, on fait comme on peu. À force d’insister, on y arrive.
HHR : Comment tu te débrouilles pour financer tout ça ? Tu penses qu’avec plus de moyens tu pourrais produire encore mieux ?
Cashmire : Moi, j’ai la chance d’être très bien entouré. Pour ce qui est de la seconde question, je pense que je ferai continuellement mieux. C’est-à-dire que là, avec rien, je fais du sale. Des morceaux comme Tam-Tam, c’est pas tout le monde qui peut faire ça. Mais bien sûr avec plus de moyens je pourrais faire mieux. A chaque fois qu’on va me faire confiance, les gens vont se rendre compte qu’ils ont eu raison de me faire confiance. A chaque fois qu’on va m’ouvrir une porte, je ferai tout pour que la personne qui m’a ouvert cette porte se dise « j’ai fait le bon choix ». Je me plains pas de ne pas avoir de moyens, c’est une certaine forme de liberté, mais j’ai des rêves, des trucs à accomplir. Et plus j’aurais de moyens, plus je pourrais aller loin, comme tout le monde. Mais les moyens, il faut se donner la peine de les obtenir.
HHR : On te voit très actif sur Instagram, tu partages pas mal de choses très différentes les unes des autres. C’est aussi ce que l’on peut remarquer dans tes morceaux, t’as l’air d’être quelqu’un d’ouvert d’esprit, presque marginal, est-ce voulu ? C’est l’image que tu veux donner ?
Cashmire : C’est vrai qu’à première vue, je peux paraître singulier. Instagram, les réseaux sociaux, l’image. Je peux avoir l’air singulier mais en vrai je suis comme tout le monde. Je suis comme tous les petits qui viennent d’un quartier. Instagram, je m’en bats les couilles en vrai. J’ai toujours plein de trucs en tête, et Instagram c’est l’endroit où je cristallise. C’est un moodboard, si j’ai envie de poster un truc je le poste. Je fais attention à ce que ce soit esthétique, qu’il y ait des bonnes couleurs, de belles photos. Je fais attention à ne pas dire de la merde. Mais sinon je mets à la chaîne les trucs que j’ai en tête.
HHR : Donc ton Instagram c’est juste toi, c’est ça ?
Cashmire : Ouais c’est ça. C’est à prendre ou à laisser. Tu prends ou pas. T’aimes ou pas. Si t’aimes pas, je vais pas changer.
HHR : Et est-ce que tu penses qu’en devenant artiste, on donne une autre dimension à l’utilisation des réseaux sociaux ?
Cashmire : Oui, évidemment. Tu donnes une autre dimension aux réseaux. Si j’étais pas un artiste musicien, Instagram, ça me servirait juste à gérer des meufs (rires). Maintenant, c’est vrai que j’ai un message, j’ai une image, j’ai une pâte. Il y en a qui vont me découvrir par ma musique puis Instagram, y en a qui vont me découvrir d’abord sur Instagram puis par ma musique. Et il faut vivre avec son temps. On vit dans un monde d’images, un monde d’écran, de lumières bleues, un monde tactile, un monde digital et du coup c’est normal, c’est un produit de notre ère et on doit utiliser ça à bon escient.
HHR : Est-ce que tu dirais qu’il y a un Cashmire d’avant PGS et un Cashmire d’après PGS ? Est-ce que ce premier projet t’a changé ?
Cashmire : Je suis la même personne, je suis toujours Arnaud. Mais pour ce qui est de Cashmire, ouais. C’est pas grand-chose mais j’ai ressenti une différence. À la limite, c’est pas la mixtape qui m’a fait le plus d’effet. C’est le deuxième Cashmire Show, ici même, au Kube Hôtel, le 18 mai. On est dans une ville où les gens veulent voir peut-être même plus qu’entendre, et ça m’a permis de leur montrer que j’étais sérieux.
HHR : T’as d’autres trucs de prévus, j’ai par exemple vu que t’étais à République pour la fête de la musique ?
Cashmire : Ouais c’était lourd. D’ailleurs gros big up à Mélange Paris, big up à Rinse, big up à Carhartt, big up à Paperboy, force à Yann et Kelly de Mélange Paris. À la fête de la musique j’ai fait deux concert et je me suis vraiment bien amusé, les gens étaient fous. On espère faire plein de shows, je joue le 30 juin à La Chapelle en Scène, sur l’esplanade Nathalie Sarraute, et j’aurai surement d’autres dates en juillet, mais là je suis plus concentré sur les prochains projets.
HHR : T’es passé dans le Planète Rap de S.Pri-Noir, qu’est-ce que tu peux dire dessus ?
Cashmire : Ouais et, d’ailleurs, gros gros big up à S.Pri-Noir, Masque Blanc, on est fort ensemble ! Pour la petite histoire, moi j’ai reçu un message la veille. S.Pri a contacté un de mes grands fères et il m’a dit qu’il m’invitait à son Planète Rap. On s’était déjà rencontrés parce qu’on allait dans un même studio. Des morceaux comme Geisha, S.Pri les connaît depuis les premiers enregistrements. Donc il m’a proposé et moi, j’ai sauté sur l’opportunité, on y est allé avec mon grand frère Jackmaboy. C’est à lui que le message avait été envoyé.
HHR : Et lorsque Hype a parlé de toi dans la Sauce sur OKLM Radio, t’as kiffé ?
Cashmire : Écoute la petite histoire ici aussi. Je sors de boite à 5h du matin et je reçois un lien Deezer. Il est 5 heures du matin et on m’envoie un lien Deezer, c’est pas normal. Donc je me creuse la tête, ça m’intrigue, je me demande ce que c’est. J’écoute. C’était Hype qui parlait de moi dans La Sauce. Il a fait une chronique avec plein de belles choses sur moi. C’est le premier acte de reconnaissance d’un média, ça fait trop plaisir. OKLM Radio c’est un projet de boss, « pour nous, par nous », c’est un truc trop fort, mais au-delà du nom, de la marque, de l’industrie, ce qu’il a fait c’est incroyable. Il m’a pas dit « je vais parler de toi », il m’a pas dit « viens faire un freestyle ». C’est le sens même d’un journaliste. Il a juste parlé de moi parce qu’il a kiffé. « Lui il est fort, je te fais découvrir », c’est l’essence même du journalisme. Je vais pas faire une satire du journalisme mais maintenant ça s’est limite transformé en industrie genre « qu’est-ce que ça va m’apporter de parler de lui ? ». Hype c’est un journaliste un vrai, force à Hype.
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HHR : Dans Trésor freestyle, tu dis « Tous les petits négros veulent un trésor », qu’est-ce que cette phrase veut dire concrètement, qu’est-ce qu’elle représente ?
Cashmire : J’aime bien cette question. Elle veut tout dire cette phrase. Il y a un trésor, je le sais, sur ma vie, il y a un trésor ! Le délire, c’est qu’on veut tous ce putain de trésor. « Négro », ca veut dire « être humain ». On veut le trésor. Comme les pirates. C’est vrai que des fois, les pirates, ils dépouillent des mecs, ils font des trucs de ouf. Mais dans le fond, ils veulent juste le trésor, comme tout le monde. C’est une image. Si tu me comprends je sais que tu l’as comprise.
HHR : On sait que chaque rappeur construit ses morceaux de manière différente, toi comment tu fais ? Est-ce que tu écris d’abord avant de chercher une instru, est-ce que tu cherches d’abord une instru, est-ce que tu fais les deux en même temps ?
Cashmire : Bah, par exemple, j’ai vu qu’MHD écrivait d’abord sur une instru trap, ce qui lui permet d’être brutal, et après, il pose ça sur de l’afro. Je sais pas pourquoi j’en parle mais ça m’avait choqué. Par exemple la dernière fois j’écoutais Ric Flair de Tory Lanez et j’ai commencé à écrire sur son son. Parfois je suis en club, l’instru de Teki Latex est trop dar, j’écris. Parfois j’écris sur une instru, comme tout le monde. Parfois j’écris sans instru. J’écris beaucoup en fait. Parfois j’ai des phrases qui me viennent, je les note. Même là si ça se trouve tu vas dire un truc, je vais le ressortir dans un morceau. Par exemple là le barman ne nous a pas reconnu tout de suite, je peux lâcher un truc du genre « Le barman me reconnaît pas, il veut que je consomme, il veut que je me casse ; Ah, là tu me reconnais, t’étais dans mon clip, super est l’occas’ », c’est comme ça que ça vient. C’est la vie, tu vois. Et contrairement à plein d’artistes, je fais attention à ne pas voler. Je ne fais pas de la pure innovation parce que rien ne se crée, mais je fais attention à ne pas voler, je respecte beaucoup le travail des autres. On peut avoir une inspiration proche, mais c’est important de ne pas voler.
HHR : Dans l’album, tu varies beaucoup entre chant et rap, au point d’être presque toujours à la limite entre les deux. C’est bien harmonisé, t’as trouvé le juste milieu. Comment ça se passe au studio, tu fais ça au feeling ?
Cashmire : J’ai pas encore trouvé le juste milieu. Mais ouais, ça vient comme ça. C’est ce que ca veut dire POETICGHETTOSOUND; c’est pour ça qu’il y a pas de S à Sound. C’est une ambivalence, « POETIC » et « GHETTO ». Là, j’ai envie de faire un son comme on écoute (un morceau type années 80 passait), des fois j’ai envie de faire du sale, de découper une instru. Le projet, je l’ai fait comme ça. J’ai mis des chansons où j’aime bien être mignon, parler d’amour ; je parle un peu toujours d’amour, même dans la violence, mais y a une partie un peu plus douce et y a une partie un peu plus rappée. Sur le premier projet, c’est comme ça que j’ai traité ma musique. Peut-être que sur les projets à venir, ma musique va être mélangée d’un coup. Il y a des morceaux soft et des morceaux hot. Tam-Tam c’est soft, Trésor c’est hot. C’est ça POETICGHETTOSOUND. Et puis même, tu ne peux pas tout dire sur un seul morceaux. Il y a des thèmes, on peut parler de tout et moi j’ai beaucoup de choses à dire. Moi aussi je me pose une question. Le rap c’est vraiment devenu une industrie, une machine à biff, une machine tout court. Et je me demande, comme à l’époque de Temps Mort ou même maintenant avec Dosseh et Habitué, est-ce que les rappeurs ont encore le besoin de rapper pour dire des choses ? C’est une question que je me pose.
HHR : Dans Bankroll, tu te dis « Rockstar ». Je sais pas si t’as écouté le dernier album de Sfera Ebbasta qui s’appelle justement Rockstar, mais je trouve que vous entretenez tous deux un personnage de Rockstar, tant dans la forme que dans le fond. Et est-ce que tu as adopté le personnage ?
Cashmire : Ouais, c’est trop tard. C’est déjà comme ça dans ma tête. Après, je le suis pas dans mon compte en banque, je le suis pas dans plein de trucs. Mais j’aime vraiment le délire. Tu vois comment Playboi Carti il fait le truc ? Comme Skepta ? Tout ça, ça me plaît. Après, « Rockstar », ça dépend, tu vois, je dis pas que j’ai envie d’être Lil Uzi Vert en France, j’ai envie d’être Cashmire. Le rap c’est tout un truc, y a des Rakim, y a des Puff Daddy, y’a des RUN-DMC. C’est être le mec trop cool qui arrive dans une soirée avec un tas de chaînes en or, un gros bonnet Kangol et qui lâche un « One, Two, Three, Six, Seven, Eight ». MC ça veut dire Maître de Cérémonie et en soi ça implique une attitude de Rockstar. Le rap a énormément changé, mais moi j’ai un côté très essence et culture, je suis attaché à cette idée du MC qui met le feu partout où il passe, comme une Rockstar en somme. En l’occurrence, être frais, être présentable, avoir une certaine forme d’assurance sans que ce soit déplacé dans de l’arrogance ou de la condescendance, c’est aussi ça qui fait le MC.
HHR : T’as l’air de beaucoup apprécier l’art et la mode, c’est quelque chose qui t’inspire dans ton rap ou même au quotidien, dans la vie réelle ?
Cashmire : Ouais, de ouf. C’est clairement dans la vie réelle. La vie est un cycle, tous les arts sont les mêmes, tous les arts sont liés. Un truc que je ne vais pas forcément comprendre dans le hip-hop, qui est quand même mon premier médium, et bah peut-être que je vais le comprendre dans la mode ou dans la littérature parce que j’ai un peu plus de recul, ou au contraire, moins de connaissances dans ces arts-là. Peut-être un peu plus de je-m’en-foutisme. Tous les arts sont des passerelles. Les autres arts que le rap, ça m’inspire, évidemment. J’adore la littérature. J’aime bien lire, je vais pas m’en cacher. Je ne dis pas que je suis un rat de bibliothèque, mais je l’ai été, vers mes treize quatorze ans, j’allais au foot et à la bibliothèque. J’avais un prof de français, M. Drogi, qui m’a transmis cet amour pour la littérature. C’est bon pour le cerveau, c’est inspirant, c’est enrichissant. Après tu peux lire des trucs qui vont te dégoûter. Y a quelques semaines je lisais un livre très sombre, je vais pas plus en parler parce que je veux pas en faire la promotion, mais il m’a tellement dégoûté que je suis allé au Canal Saint-Martin, j’ai brûlé le livre, j’ai fait un autodafé dans Paris (rires). C’est sérieux.
HHR : Et dans ton entourage ?
Cashmire : Je fais partie d’un groupe d’artistes qui s’appelle le RCHAOS. C’est dans mon entourage qu’il y a vraiment de l’art à profusion. Là je porte un pantalon d’un de mes gars. C’est mon pote qui est trop frais, qui a fait un truc frais et qui m’a dit « Tiens, mets-le, toi ! ». Même mes chaussures, on me les a offertes. Je suis pas tout seul, y a tout un groupe d’artistes, des grands frères du quartier, de Barbès, de partout. Je suis fait de plein de choses et je pense que l’art résonne d’abord par mon entourage.
HHR : Dans La R, tu dis « Doc Gynéco du block ». Est-ce que tu peux expliquer cette comparaison ?
Cashmire : En vrai, je ne me compare pas du tout à ce mec. Ce monsieur là et moi, on ne se ressemble pas du tout. On n’a pas les mêmes convictions, ni éthiques ni politiques. Mais, tu vois, quand Doc Gynéco était frais, quand il habitait au quartier, qu’il avait 20 ans, qu’il faisait des disques d’or en indépendant et qu’il gérait toutes les meufs, et bah c’est un peu ça pour moi en ce moment… Mais du block ! C’est Doc, mais du block, il y aussi un côté un peu plus rugueux. Un côté plus straight. Je me souhaite d’avoir le même succès que lui, voire plus avec le stream, mais je me souhaite pas d’avoir les mêmes convictions que lui. C’est tout.
HHR : A quelle étape est-ce que tu te situes ? Est-ce que PGS constitue pour toi la première marche d’un grand escalier ?
Cashmire : Je vois pas du tout ça comme ça, mais je comprends qu’on puisse. Après, vu que je suis l’acteur et le metteur en scène, pour moi, ça marque un chapitre que j’appellerais « Reconstruction ». Avant PGS, clairement, j’ai vu les enfers, j’ai vu des trucs pas cool, j’ai vécu des trucs pas drôles. PGS c’est la fin de toute cette période et la reconstruction pour amener le début d’une autre. Je me reconstruis, je recommence à sourire, à me dire que la vie est belle, à rire tous les jours. Mais c’est pas pour autant qu’il faut oublier le passé. Au contraire. Pour prendre l’exemple de Damso, lui, c’était littéralement Batterie Faible. Il était dans une mauvaise passe. C’est la fin du chapitre triste, c’est la fin de dormir sous les ponts, c’est la fin des meufs qui te toisent parce que t’as pas d’argent alors que toi t’as juste le but d’être le mec le plus chaud de la planète terre ! Et comme t’es seul à être conscient de ton potentiel, t’es fou ! T’en deviens fou, mais c’est à toi de voir comment tu gères ta folie. Pour moi tous les artistes sont un peu fous. Mais je pense qu’on est obligé de passer par des moments difficiles, parce qu’on a rien sans rien, c’est comme ça que ça fonctionne.
HHR : Ton album est sorti uniquement en digital, tu trouves que ça aurait été inutile de le presser sous format physique ?
Cashmire : Ouais, clairement. On est au XXIème siècle, on est dans l’ère du digital. Moi, je suis personne, j’ai jamais fait de clip, j’ai jamais fait de scène, personne me connaît, avec quelle légitimité je vais dire « va acheter mon CD ? ». Et je vais pas non plus vendre mes disques à la sauvette. Je le mets sur des plateformes digitales, si t’es un bon, t’écoutes, si t’es un bon, tu kiffes. Tu veux que je m’endette ? (rires)
HHR : C’est une mixtape ou un album, quelle différence fais-tu entre les deux ?
Cashmire : C’est une mixtape. Après, moi-même, je dis album. Je sais ce que c’est au niveau des droits, de la législation et de comment tu vois le projet mais, moi je suis un artiste, je parle avec le cœur, POETICGHETTOSOUND, je l’ai traité et je l’ai fait comme un album, je connais la puissance de mon master, je connais la puissance de mes morceaux. C’est mon premier album, mais c’est une mixtape.
HHR : On sent quelque chose d’innovant, de spécial, auquel le rap français n’est pas habitué, quand j’ai écouté PGS, à aucun moment je ne me suis dit, ce son-là c’est la deuxième fois que je l’entends dans cet album. Est-ce que c’est une volonté de pas justement faire « juste du rap » ?
Cashmire : Je fais pas exprès, je fais ça au feeling. J’ai envie de faire plein de choses différentes, chaque morceau je le vois comme une ère pour faire un nouveau truc. Une ère qui s’achève à la fin du morceau.
HHR : T’as quelque chose à rajouter ?
Cashmire : Force à toi, force à Hip-Hop Reverse, force au 17ème, 18ème, 19ème, 20ème. J’ai envie de dédicacer mes écoles mais j’ai pas un très bon rapport avec l’éducation, donc je vais juste dire que, vous voyez, on est devenus de grands garçons. 018 018.