Croyez le ou non, il y avait une époque où le monde du hip-hop ne détestait pas Tyga et n’avait aucune envie de le voir mettre un terme à sa carrière, bien au contraire. Ces dernières années l’image de Tyga a connu un changement radical en passant du prince de Californie au dindon de la farce de la scène hip-hop. Sa relation avec la star de télé-réalité Kylie Jenner, âgée de 17 ans à l’époque, n’a fait que ternir son image auprès du public. Lui qui pensait certainement plus vendre en étant accompagné de la starlette la plus « bankable » de cette génération, a vu le contraire se produire. Il se voit faire face à de nouveaux médias people qui répandent d’innombrables accusations sur lui au sujet de ses finances, le faisant passer pour le michto de service. Internet ne va pas non plus y aller de main morte, en jouant sur ces différentes rumeurs ce qui ne va pas aider le rappeur. On ne va même pas parler du quatuor amoureux entre lui, sa baby mama, sa petit amie et son frère…
➡️ De YMCMB à Last King, Tyga est le roi de son propre royaume
Peu importe ce que Tyga tente de faire croire à travers son rap, il est loin d’être le gangster qu’il prétend. Ayant grandi dans une famille aisée vivant loin de Compton et ses quartiers sombres, sa pauvreté et ses gangs, il ne connaît rien de tout ça sauf à travers ses rappeurs préférés de l’époque. Il a commencé la musique relativement jeune, en participant à une émission sur MTV dans laquelle on le fait passer pour le bouffon de service, une sorte de petit gosse de riche qui prétend rapper. Il poursuit sa musique en formant un groupe de rap avec ses amis et tentant de faire écouter ses sons à qui voulait l’entendre. Quelques années plus tard, Tyga rencontre son cousin Travis Mccoy dans un sneakers shop, et contrairement à tout le monde celui-ci accroche à son rap et décide de l’emmener avec lui et les Fall Out Boy en tournée. Il se fait par la suite connaître du grand public grâce à une de leurs collaboration Coconut Juice qui va rencontrer un certain succès à cette époque.
Par la suite Tyga enchaine en signant sur le label YMCMB et en intégrant directement le collectif Young Money fondé par Lil Wayne. Et là, c’est carton plein: ils sortent un album et enchainent sur une tournée qui permettra à chacun d’entre eux de lancer sa carrière solo. C’est en collaborant avec le chanteur/rappeur Chris Brown sur leur mixtape Fan of a Fan que Tyga est à l’apogée de sa carrière. Le rappeur en devient intriguant, très attendu en solo, il va enchainer les gros hits tels que Make it Nasty, Rack City, Lap Dance, Do My Dance ou encore Faded… C’est une renaissance de Tyga, ses musiques rentrent totalement dans l’ère que connaît le hip-hop à ce moment: l’ère des strip clubs à son apogée. Tout sourit à Tyga mais il faut se méfier de l’eau qui dort, le succès s’entretien et sans talent la longévité est compliquée.
Dans le courant de son buzz, son premier album sous le label YMCMB se vend comme des petits pains, à 340 000 exemplaires, pour être exact. C’est le rappeur du moment, qui enchaîne les bangers. Loin du Tyga de ses débuts le second album, lui, connaît un échec et enregistre 84 000 ventes. Il est bon de savoir que ce qui est plus important que le talent aux Etats-Unis c’est l’image, et celle du rappeur se dégrade de jour en jour… De plus il rencontre quelques problèmes avec Birdman, CEO de Cash Money Records, ce qui le bloque du côté artistique. Il affirme que le label refuse de sortir ses meilleurs sons. Cet enchaînement de petits problèmes va avoir un impact fort sur sa carrière: alors que son album The Gold Album : 18TH Dynasty est produit par l’un des plus grands producteurs, Kanye West, il rencontre un échec qui se chiffre à 5000 ventes. Même le rappeur du coin fait mieux en commercialisant sa mixtape dans la rue.
➡️ Bitch I’m the Shit 2, l’album aux couleurs de mixtape
Même si sa carrière n’a pas connu que des beaux jours, on peut tout de même avouer que T-Raw a toujours su s’imposer et faire adopter sa musique à des moments donnés. Il est bon dans ce qu’on lui demande d’être, c’est à dire pas un Kendrick ni un J.Cole mais simplement un Tyga. Ses morceaux en featuring sont souvent meilleurs que ses solos, ça passe plutôt bien en été ou en soirée et c’est facile à écouter. Depuis peu libéré de son label Cash Money Records, en rachetant son contrat 1 ou 2 millions de dollars, Tyga nous offre un album Bitch I’m The Shit 2 qui ressemble beaucoup aux projets de ses débuts. Cet album pourrait être la dernière chance du rappeur pour redorer son blason, et regagner l’élan de sa carrière qu’il aurait pu avoir au temps de Rack City en 2011. Une chose que Tyga a fait de bien sur cet album c’est de rester fidèle à lui même, il ne s’écarte pas de ce qu’il sait faire de mieux, ne prend aucun risque.
Je me suis toujours dit que Tyga avait beaucoup plus de capacités qu’il ne le montrait. Il a réussit sur ce projet à modifier les thèmes des chansons pour qu’elles se ressemblent le moins possible, ce qui était son plus gros défaut dans ses précédents projets. Les featuring de l’album sont à la hauteur de ce que l’on attend, il n’a pas trop donné de lui même mais s’est plutôt adapté aux autres. Il a laissé la liberté à ses invités de s’imposer et de les suivre au niveau du flow. Pusha-T, Vince Staples, Young Thug, Quavo, Chief Kieff, Kanye West et Ty Dolla Sign sont les grands invités de Tyga. Il voit grand pour son « come back » et c’est plutôt judicieux. Il s’offre un featuring avec son artiste Honey Cocaine, qu’il avait délaissé depuis un moment. C’est un moyen de revenir sur les devants auprès du public et désormais de faire parler de lui pour sa musique et non pour ses divers problèmes.
Mais comme prévu, ce projet est très limité au niveau de l’écriture de Tyga ce qui n’est pas étonnant, c’est plus un rappeur d’ambiance qu’un rappeur réfléchi. Cependant, on rencontre une nouvelle facette de T-Raw sur ce projet lorsqu’il ne parle pas de ses voitures, ses diamants et villas de luxes. Il est à son meilleur lorsqu’il baisse sa garde et retire la casquette du rappeur luxueux qu’il arbore ces dernières années.
➡️ Coups de cœur
- Playboy (featuring Vince Staples) [prod. Crakwav] : Pour les fans de hip-hop c’est l’une des collaborations les moins attendues, mais la plus appréciable. Qu’on aime ou pas Tyga, on peut affirmer que le rappeur a toujours su amener des Hits sur ses projets. C’est le meilleur morceau du projet où Tyga rappe sur ce sombre battement qui nous rappelle des sonorités du Wu-Tang Clan de l’époque. C’est un Tyga en toute confiance que l’on retrouve, et ça se ressent sur ses couplets. Le couplet de Vince Staples est juste parfait à tous les niveaux, il nous distribue des punchlines comme ci c’était gratuit. Il s’est adapté à Tyga sur ce morceau, pour changer du reste.
- 1 of 1 [prod. Boi-1da] : À contrario de ce qui s’est passé au niveau du public, au départ je n’étais pas fan du tout de ce morceau. C’était une version cheap de Controlla, mais à force de l’écouter en soirée j’ai réussi à l’apprécier. J’aime les sonorités reggae du morceau qui rentrent dans l’ère du temps. C’est la track qui donne envie de se rendre en vacances sur une île accompagnée de bae. De plus, le refrain rentre très facilement dans la tête, on se retrouve à le fredonner même sous la douche.
- Feel Me (featuring Kanye West) [prod. Kanye West & Sound M.O.B.] : La prod me lance directement, et me met dans le bain de ce que va être le morceau, et la petite phrase de Kanye « Usher Raymond chain, it’s too chilly » me fait kiffer. Ne me demandez pas pourquoi, je ne saurai pas vous répondre. Sur ce morceau on a vraiment l’impression que Tyga et Kanye sont deux potes qui nous balancent des couplets sans réfléchir, et c’est ce qui fait que c’est bon. Le couplet de Kanye West est correct et reste dans le ton de l’album c’est à dire « on vous en donne mais pas trop »…
Tyga tente donc de revenir sur les devants de la scène hip-hop et de relancer sa carrière qui est clairement au niveau zéro. Ce n’est bien évidemment pas l’un de ses meilleurs projets mais c’est bien mieux que ce qu’on a pu entendre ces dernières années hors bangers. L’album s’écoute facilement et il y a quelques sons que l’on peut garder pour ses soirées ou ses barbecue d’été. Le chemin vers la réussite est encore long pour T-Raw mais tout est faisable aux US. Tyga est loin d’être bête, il a certes effectué de mauvais choix personnels qui ont impactés sa carrière mais il n’est pas à bout de souffle pour autant. Le rappeur est désormais libre, que ce soit au niveau contractuel ou sentimental ce qui lui donne un nouveau souffle. Je n’attends clairement rien de Tyga si ce n’est quelques bons sons à gauche ou à droite mais un come back est toujours appréciable. D’un point de vue personnel, je pense qu’il peut encore nous procurer quelques bons projets, étant jeune et ambitieux mais que malgré son tweet suite au morceau Control de Kendrick, Tyga ne sera jamais le meilleur rappeur que le hip-hop ait connu.