Contrairement à la France, où les producteurs sont souvent oubliés et très peu mis en avant par rapport aux artistes, aux Etats-Unis, ces derniers sont respectés et adulés comme des artistes a part entière. Que ce soit Alchemist, Lex Luger, Statik Selektah, 9th Wonder ou encore Harry Fraud, tous se sont pris au jeu de faire un projet… Un projet solo? Pas que: depuis plusieurs années fleurissent une multitude de projets en commun avec en tête de liste le producteur et DJ d’Eminem en personne, Alchemist. Skyzoo et Apollo Brown sont coutumiers du fait. Pour Skyzoo on peut noter Cloud 9: The 3 Day High avec 9th Wonder, Live from the Tape Deck avec !llmind ou encore, Barrel Brothers avec son collègue Torae. Pour Apollo Brown, sa discographie est un peu plus étoffée, et on peut parler de Trophies avec O.C., Dice Game avec Guilty Simpson ou encore Blasphemy avec Rass Kass. En bref, ils sont coutumiers du fait et n’hésiterons sûrement pas a réitérer ce genre de folies à l’avenir.
La simple vérité en quelques paragraphes
Une question de synergie, de cohésion. C’est sûrement les mots qui correspondent le mieux à un projet en commun, et dans la majorité des cas une règle respectée. On ne le répètera jamais assez, Curren$y ne sera jamais aussi performant que sur des prods d’Alchemist, aussi vrai qu’un Young Thug le sera sur une prod de LondonOnThaTrack, ou Kaaris sur du Therapy. Et ce n’est pas ces deux là qui vont me contredire, les deux se complètent, L’un par ses prods a base de samples soignés et carrés, l’autre par un flow et des textes affûtés. Mais comme si ça n’était pas suffisant, les deux compères ont décidé de s’accompagner d’artistes de talent dans leur route, parmi lesquels on peut retrouver la chanteuse Patty Crash, l’abatteur très sous-estimé Joell Ortiz, les rookies WestSideGunn et Conway, et mon rappeur préféré de chez Maybach Music, Stalley.
Un style plus sombre, plus triste
Dès l’intro, les deux artistes nous font rentrer dans leur univers, leur rap, leur style. Loin des 808, des gestuelles virales et autres folies commerciales, les deux artistes nous amènent dans un style plus sombre, plus triste, un métro, une petite ruelle non rénovée, une gare abandonnée, en résumé l’autre côté de la vie. Du sample et du storytelling, voila où vous mettez les pieds, un style vieux mais qui perdure. Et ce n’est pas leur premier single, One in the same, qui va me faire mentir: un sample, un breakbeat, une chanteuse au refrain et la magie est créée, vous voici dans leur monde. Évidemment, qui dit univers triste et sombre, dit aussi nostalgie, c’est le mot qui pourrait être choisi pour A Couple Dollars ou Skyzoo & Joell Ortiz racontent leurs souvenirs d’enfances.
Puis vient l’inconnu, la folie pure, la violence, puisque Skyzoo et son compère adorent cracher ce feu légendaire, autant le faire entre amis non ? Et qui de mieux que Conway et WestSideGunn pour alimenter cet incendie ? Évidemment, les deux compères de Griselda honorent l’invitation dans Basquiat on the Draw et propagent cette flamme de manière exceptionnelle. Si je devais décrire l’album de manière visuelle, je parlerais sûrement d’une longue rue commerçante entrecoupée de petites ruelles non rénovées que l’on traverse petit a petit en plein soleil au mois de décembre, seul ou entre amis. C’est en tout cas le ressentit que j’ai alors que j’aborde le milieu de l’album. They Parked a Bentley On The Corner est l’un des morceaux les mieux travaillés de ce projet, les deux artistes sont à l’apogée de leur art et offrent un morceau de haut vol, on se croirait presque dans les yeux de Mr Taylor, vivant et décrivant a l’instant même ce moment.
Le clou du spectacle
L’album et l’histoire suivent leur cours, je continue d’apprécier ma randonnée dans ce monde musical en prenant le temps de bien m’arrêter régulièrement sans pour autant entrevoir la fin. The Flyest Essence exprime ce ressenti, à l’écoute de ce morceau, j’ai l’impression que le temps s’arrête pendant 2min40 pour me laisser aimer ce qui m’entoure me poser en soupirant que la vie est effectivement un très long fleuve tranquille. En tout cas, c’est ce que mon subconscient essaye de me décrire alors qu’on est à 3 morceaux de la fin. Et cerise sur le gâteau, le clou du spectacle, un joyau tout droit venu de Detroit, Brooklyn et de Massillon, Payout en collaboration avec Stalley pour terminer ce voyage. Comme a son habitude le rappeur de chez MMG ne déçoit pas en s’adaptant excellemment bien et rivalise avec les deux troubadours.
Nous terminons donc le projet comme nous l’avons commencé, tout en simplicité. Simplicité, nostalgie et synergie sont les maîtres mots de l’album et de l’univers musical des deux artistes en général, bien loin des célébrités, de la starification et des paillettes. Apollo Brown et Skyzoo nous relatent la vie ordinaire, avec ses hauts, ses bas, ses moments de nostalgies comme ses moments de folies. Ce ne sera pas l’album qui vous fera pas forcément rêver d’argent, de villa au bord de la mer et de femmes dénudées qui se dandinent sur de la musique approchant parfois l’électro, mais qui vous fera rêver d’une vie simple, de virée seul, avec votre bien aimée ou vos amis en pleine nuit. Ce genre d’album qui peut s’écouter partout, à tout moment. Un bijou agrémenté de 15 émeraudes tout aussi précieuses les unes que les autres…