Récemment mis en ligne sur la chaîne YouTube du rappeur marseillais SCH, son nouveau clip A7 est une véritable perle, tout comme le morceau qu’il illustre. Les deux éléments se complètent sans se refléter à l’exacte, se répondent sans se répéter, constituent un ensemble riche en symbolique et musicalement très fort.
L’équilibre entre autotune et voix nue
Après un tâtonnement entre les deux extrêmes qu’étaient La Mallette et Gomorra, le S a finit par trouver la recette du succès, le juste équilibre entre le tout autotune et sa voix très particulière. On sent clairement le travail réalisé par le rappeur à ce niveau, pour arriver à un juste dosage qui laisse transparaitre le vocodeur en trame de fond sans masquer pour autant son timbre. Puis au milieu du premier couplet, le modèle est inversé. Les backs sous autotune, les phases à voix nue. Le résultat est plutôt concluant.
Le producteur Guilty fait le choix de s’appuyer sur un sample tiré de chants traditionnels bulgares qui confère une musicalité très particulière au morceau, d’autant plus qu’il est gabilement conservé au second plan. Les bruits d’instrument à corde au refrain sont ceux d’une gadulka, instrument folklorique bulgare. SCH n’est pas le premier rappeur à utiliser des instrumentales traditionnelles, par exemple la Sexion d’Assaut avait déjà samplé un morceau du groupe finlandais Värttinä.
Un texte fourni en références et assonances
Je recherche mes limites, la gegor du rap sous mon Gillette
Personne te sauvera, carre toi dans le cul ton amulette
A l’image de l’ensemble du morceau, SCH entame son premier couplet avec arrogance, insolence, avec une écriture violente et imagée qui s’appuie sur l’usage d’un vocabulaire riche et varié. Chaque nouveau morceau constitue un nouveau défi adressé à tout le rap, ou au monde entier. Chaque phrase installe plus l’atmosphère du morceau, un mélange entre l’écoeurement et le défi, entre le go fast et la buvette.
Brume épaisse, ruse maligne
Armes, crimes, botanique
Anarchie les mineurs zonent ivres
Aux frais d’père et mère insolvables
Le refrain est particulièrement réussi, à la fois simple et pourtant très évocateur. Bien sûr, SCH n’est pas le premier rappeur à utiliser l’énumération de termes, et d’autant moins dans un refrain. Et pourtant, par la richesse de son vocabulaire et ses assemblages pleins de sens il arrive à mettre en place un texte très pictural. Si les couplets sont essentiellement rédigés en egotrip, le refrain constitue un tableau, une fenêtre ouverte sur l’univers du rappeur. L’écriture est appuyée par la maîtrise vocale lorsqu’il abandonne son ton mordant pour adopter le temps d’une phase une voix plus posée, à la limite du chant. Bien sûr, l’évocation de l’oeuvre d’un certain Guy Ritchie n’est pas pour nuire au morceau…
Charcle s’il fait l’homme, tâche son Paul & Shark, mathafack
J’veux d’lor en chaine, d’l’or en barre, d’l’or en bague
J’fume l’Orange Bud, j’dors en loge
Ils dorment en GAV
En rap comme de manière générale, une bonne écriture ne s’est jamais limitée au fond évoqué ni à la richesse du vocabulaire. Lorsqu’il est question de musique, il parait logique que les mots viennent à l’appui de la mélodie pour emporter l’auditeur, et c’est le cas dans ce passage. Des rimes internes aux assonances développées sur pas moins de trois lignes successives, SCH montre l’ampleur de sa maîtrise de l’écriture.
Le clip, la clef de voute du morceau
Réalisé par Beat Bounce, dont on avait déjà pu observer le travail derrière la caméra pour Alonzo ou Jul, le clip est clairement la valeur ajoutée qui porte le morceau. Au niveau des couleurs, des prises de vue, de la balance des tons, on retrouve une qualité très égale de bout en bout qui lui confère une présence visuelle frappante. La vidéo est principalement partagée en trois plans, deux plans fixes et un plan scénarisé. Le premier plan fixe est très théâtral, le rappeur est assis sur une banquette dont deux jets de flammes forment l’arrière plan, un serpent enroulé autour du cou. Le thème du feu est repris sur le deuxième plan fixe, où trois flammes ornent la veste du marseillais.
Enfin, le troisième plan figure l’histoire d’une transaction qui dégénère et qui aboutit à un règlement de comptes. Dans le clip, SCH joue le rôle du diable, de nombreux indices nous le rappellent, à commencer par le serpent biblique et les flammes. A la manière d’Al Pacino dans L’avocat du diable, il se transpose constamment aux personnages de l’intrigue pour nous rappeler que le diable est présent derrière chaque mauvaise action, et que l’écouter ne mène qu’à la perdition et à la mort.