Voilà déjà plus d’une semaine que le facteur nous a livré la nouvelle lettre de Kery James. L’ex-membre de la célèbre et regrettée Mafia K’1 Fry en est déjà à son sixième album studio, et ce qui est sûr c’est que le roi de la prise de position chauffe bien son trône. En effet, notre très observateur et engagé rappeur du Val-de-Marne a su faire parler de lui ces derniers temps, notamment à cause de ses propos tenus à l’encontre de la radio Skyrock et tout particulièrement envers Laurent Bouneau lors de ses interviews et dans un de ses morceaux. Ce qui est sûr, c’est que la sortie de cet album ne pouvait pas mieux tomber.
Eh oui, les adeptes de rap « conscient » et les puristes nostalgiques du rap d’antan commençaient à s’impatienter face à cette vague de projets trap et beaucoup trop agressifs pour leurs fragiles tympans. Et voilà, on a maintenant seize titres dénonciateurs ou non à écouter afin de pouvoir nous instruire, nous cultiver et nourrir notre désire de révolte. Parce que oui, notre lyrical-boxer est toujours aussi déterminé qu’avant dans sa lutte contre l’injustice et son combat contre les politiciens. Ça me donne presque envie d’arrêter mes études et devenir auditeur de rap à plein temps, ça me sera peut-être plus bénéfique que d’apprendre la comptabilité. Mais sinon, Kery James ce n’était pas mieux avant ?
C’est du vu et du revu. Pour ma part j’en ai clairement marre d’écouter du Kery James parce que depuis Ma Vérité, rien n’a changé. Déjà lors de la première écoute je savais à quoi m’attendre, donc vous l’aurez compris ça aura été une écoute forcée, volontaire mais forcée. Je n’ai rien contre le rap dénonciateur parce qu’en soit, il l’a toujours été. Chacun défend des opinions, des idées, mène son propre combat, que ce soit face à une personne, un groupe ou une idéologie. Mais le combat de Kery James est resté le même depuis toujours et il nous le fait ressentir à travers certains de ses titres. Le problème c’est qu’à force, ça en devient lourd et lassant, parce que nous au final on veut juste écouter du rap et même lorsqu’il pose en featuring avec deux des meilleurs MC du rap français dans Musique Nègre, il arrive à nous ennuyer avec ses plaintes.
Parfois je me demande si Kery James ne devrait pas plutôt se lancer dans une carrière de chroniqueur TV dans une émission débat, vous savez celles qui passent après minuit et qui traitent des sujets les plus ennuyeux qui puissent exister. Cependant ça ne fait pas de Musique Nègre un mauvais morceau non plus. On peut dire que c’est un feat réussi, car même si leurs manières de poser sont très différentes, leurs styles convergent dans le même sens. Et cerise sur le ghetto, la réalisation du clip a soigneusement été dirigée par Leila Sy. Clip dans lequel apparaissent tous les gros bras du rap français, de quoi faire ravaler sa salive à De Lesquen, bien qu’on aurait pu se passer de l’introduction qui fait très « fausse », car très mal jouée.
Certes on ressent à travers des morceaux comme Racailles ou Musique nègre, le côté hardcore et très engagé de Kery James, mais il arrive tout de même à nous le faire oublier avec des titres plus enjoués tels que Jamais avec Nov en guest ou encore ses featurings avec Cléo, des sons bons pour rider dans ma Seine Saint Denis Side avec les fenêtres ouvertes. Mais bon ce n’est pas vraiment une surprise parce que c’est généralement de cette manière que se composent les albums de Kery James : une lettre ouverte aux politiciens, un feat avec la chanteuse R’n’B du moment et deux trois sons qui enjaillent. En soit ce n’est pas plus mal, ça nous permet faire une pause zumba entre Racailles et Douleur ébène.
Je dois reconnaître que le choix des prods est réussi, mais qu’elles ont par contre très mal été exploitées. En soit, ce n’est pas très dérangeant lorsqu’on écoute les sons calmes de l’album parce que les guest rattrapent la chose et arrivent à nous faire oublier que c’est du Kery. Mais je ne lui pardonne pas le morceau N’importe quoi, parce qu’il a effectivement « touché une prod’ de fêlé » qu’il a gâché par la suite. Comme quoi, la trap c’est pas fait pour tout le monde. On y est habitué maintenant, on sait tous que la vie de Kery James est un combat. Mais il faut avouer que ce dernier combat est assez particulier, parce que cette fois, Kery James se roue lui même de coups, se mouline à coups de crochets tout en gardant bien sa garde.
C’est une belle leçon de vie que s’offre notre MC hardcore à lui-même. Et même si Alix Mathurin n’est pas un héros, Kery James lui est prêt à tout perdre pour défendre ses idées et tenter de sauver ce qu’il reste de notre humanisme. Il nous le fait clairement comprendre, Kery James et Alix Mathurin sont deux personnages différents, à la fois dans ce qu’ils entreprennent et dans leur caractère. Et même si ces deux personnages sont différents, l’un ne va pas sans l’autre car ce qu’Alix pense tout bas, Kery le crie tout haut. La présence de deux personnalités différentes est peut-être la raison pour laquelle tous les albums de Kery sont composés de la même manière : une partie douce et agréable à écouter, ainsi qu’une autre plus hardcore et pleine de vérités. Ce qui est sûr, c’est que tant qu’Alix ne sera pas tranquille, Kery continuera d’exprimer sa rage et sa haine à travers ses morceaux.
Pas de surprise, Mouhammad Alix n’est pas un mauvais album, c’est l’album qu’on attendait. On sait que Kery n’est pas forcément pour le nouveau rap qu’il considère travesti en musique de discothèque. Heureusement pour lui, il a son public et c’est grâce à lui qu’il peut d’ailleurs « remplir un Bercy » et continuer de rapper, car c’est ce public qui lui donne de la force. Ce qui est sûr, c’est que lui ne travestira jamais son rap car sa fierté vaut bien plus à ses yeux qu’un simple Victoire de la musique. Pour conclure : non, Kery James ce n’était pas mieux avant car c’est tout simplement comme avant…