Ce classement des meilleurs clips de 2019 est l’occasion de revenir sur un ensemble de professions créatives encore sous-exposées dans le rap, ou plutôt mal connues à la fois des auditeurs et des médias, celles liées au domaine de l’audiovisuel. Depuis des années pourtant, l’aspect visuel de l’univers d’un artiste s’est imposé comme une étape nécessaire de son développement et de la construction de son univers. Le réalisateur, la société de production, le directeur de la photographie et bien d’autres se sont ainsi intégrés de manière durable au monde du rap, sans que leurs noms ne ressortent pourtant auprès du public. Ce classement est l’occasion de parler de ces professions de l’ombre, ou plutôt de la lumière, qui méritent plus que jamais une véritable reconnaissance. Les critères pris en compte sont strictement visuels, ainsi les interprètes sont mentionnés pour le projet artistique et l’univers qu’ils portent mais la qualité des morceaux n’est pas prise en compte… On constate cette année que les principales têtes d’affiches françaises sont absentes du classement, là où des artistes à l’ampleur plus restreinte semblent effectuer un travail plus approfondi sur cet aspect.
20. Swing – N (Maky Margaridis & Louis Lekien)
Avec son seul clip de l’année, Swing a mis d’accord l’intégralité de ses auditeurs. Nommé N en référence au n-word, le morceau aborde de manière très touchante le racisme qu’a subi et que subit encore le jeune artiste originaire de Belgique. Pour rendre son message encore plus frappant, il s’est entouré d’une belle équipe. À la réalisation, on retrouve Maky Margaridis et Louis Lekien. Tous les deux oeuvrent pour la boîte de production Bleu Nuit qui a déjà travaillé cette année avec des artistes de tous les horizons, de Dadju à Tawsen en passant par 7 Jaws. Pour cette réalisation avec Swing, les deux hommes ont misé sur des tableaux allégoriques très pertinents et sur un rythme lent qui permet aux images de frapper la rétine du spectateur. Le clip alterne entre des plans sur l’artiste qui exprime sa rage par tous les moyens possibles et d’autres sur un enfant innocent qui court inlassablement sur un chemin désert, à la poursuite d’une justice qui ne lui sera jamais rendue. La poésie qui se dégage de la réalisation ne donne que plus d’impact au texte très personnel de Swing, rendant le clip incontournable pour tous les adeptes du format.
19. Nadjee – Pas là bas (Osakah)
Cette année, Booba a multiplié les signatures sur ses labels, aussi bien sur celui consacré au rap (92i) que celui dédié aux artistes de variété. Parmi les nouveaux qui ont su tirer leur épingle du jeu figure Nadjee. Nouvellement intégré chez 7 Corp, il a publié son premier titre en major en fin d’année avec Pas là-bas. Pour mettre ce premier essai en images, l’artiste a fait appel au talent d’OSAKAH et à la boîte de production Pelican Paris. C’est notamment à cette dernière que l’on doit le visuel chaud et coloré de Sale mood, un énorme tube de Bramsito, le collègue de Nadjee. La boîte a également travaillé pour de nombreux autres artistes de tous les horizons du rap notamment pour Luidji, Kobo, Gringe ou encore Cheu-B. Pour ce single de Nadjee, la réalisation s’est axée autour d’une dystopie illustrée par une esthétique futuriste qui rappelle les mondes de Ghost in the Shell ou encore Akira. Toutefois, les références aux univers cyberpunk devient évidente lorsque l’artiste est plongé dans un sommeil profond et qu’il parcourt son subconscient : ce scénario rappelle celui sur lequel repose Paprika, un film d’animation japonais paru en 2006. Dans le clip, on appréciera autant les inspirations que les images fluides et épurées qui contribuent à une immersion totale.
18. Laylow & Madd – Visa (Osman Mercan)
Comme à chaque fois, Laylow a su impressionner sa fan base toujours croissante grâce à son univers complexe et difficile d’accès mais également grâce à son sens du détail, surtout lorsqu’il s’agit de visuel. Il l’a encore prouvé dès le début de l’année 2019 lorsqu’il a mis en ligne le clip de VISA en featuring avec Madd, un rappeur marocain. Les deux hommes se sont donnés rendez-vous en Mauritanie pour un clip réalisé par Osman Mercan et produit par sa boîte de production TBMA. Créée en 2016, elle compte un répertoire de clients plutôt impressionnants puisque Nekfeu (Martin Eden), Georgio (Héra), la MZ (Les Princes, 3.5.7) ou encore Hamza ont déjà fait appel à ses services. Quant à l’association entre Laylow et TBMA, elle ne date pas d’hier puisqu’ils travaillent ensemble depuis les débuts de la boîte, à l’époque de Mercy. Pour VISA, la réalisation s’est axée sur l’opposition entre le somptueux désert de la Mauritanie et l’univers très futuriste de Laylow. A double tranchant, le clip bénéficie notamment d’effets visuels impressionnants comme l’intégration de voitures volantes.
17. DTF & N.O.S – Dans la ville (QLF)
La sortie du clip maintes fois repoussée laissait présager de très belles choses pour Dans la ville, gros single du dernier album de DTF en featuring avec N.O.S, la moitié du groupe de rap le plus prestigieux du moment, PNL. Le public n’a pas été déçu : le résultat est tout simplement somptueux. Les trois hommes arpentent le quartier de Youri Gagarine, à Ivry-sur-Seine, démoli dans le courant de l’année . Plutôt que de fuir ce qu’ils aiment, ils parcourent le monde entier jusqu’à se retrouver dans une forêt luxuriante au milieu de laquelle trône le quartier dans lequel ils ont grandi. Le récit vidéo de leur vagabondage est rythmé à la perfection et permet une immersion totale. Parce que la galaxie PNL aime fonctionner uniquement avec sa garde rapprochée, le clip est produit et réalisé par QLF Records. En premier assistant réalisateur on retrouve Driss Lumbroso qui a déjà oeuvré sur les trois derniers clips de PNL, à savoir Au DD, Deux frères et Blanka tandis que David Moerman a assuré en tant que directeur de la photographie, fonction qu’il occupait également pour les clips Veni Qui de DTF mais aussi Pas là-bas de Nadjee, présent dans notre top des meilleurs clips. L’excellent travail paie toujours.
16. Vald – Journal Perso 2 (Kub & Cristo)
Le retour de Vald était très attendu. Il s’est fait à travers Journal Perso 2, le premier single de son huitième projet solo Ce monde est cruel. Alors que ses fans attendaient plutôt un banger fort qui aurait fait office de single locomotive, le rappeur d’Aulnay-sous-Bois a préféré signer un morceau fleuve dans lequel aucun refrain ne vient troubler sa plume loquace. Toutefois, pour que pareil titre ait un impact maximal, Vald a misé sur un clip très fort. Pour ce faire, il a fait appel à la boîte de production Suther Kane Films, collaboratrice de longue date de l’artiste. La réalisation a été confiée à Kub & Cristo, un duo de réalisateurs et d’auteurs à qui l’on doit notamment la fiction incarnée par Vald qu’est JE T’AIM3 – La Trilogie de l’Amour. Le tandem a illustré Journal Perso 2 en se basant sur les affres des textes du rappeur. Dans le clip, ce dernier incarne son propre personnage qui, après avoir été reconnu par des fans insistants pète un câble et les abat méthodiquement. Les quelques plans sur le personnage principal avant qu’il ne commette son crime permettent d’indiquer à quel point il est déjà éreinté mentalement. Le noir, couleur prédominante du clip qui règne partout achève de plonger cette oeuvre dans l’obscurité la plus totale que même Astrid Nelsia n’a su fendre.
15. Kobo – Nostalgie x Succès (Antoine Besse)
Après avoir passé trop de temps dans l’ombre de la scène bruxelloise, Kobo a enfin tenté sa chance en publiant son tout premier projet nommé Période d’essai. Pour le teaser, il a choisi de balancer non pas un mais deux singles fusionnés en un double clip à l’esthétique impressionnante. De cette initiative est né Nostalgie x Succès, une narration qui se décompose en deux temps. Tout d’abord, le clip raconte une histoire d’amour entre Kobo et une femme qui n’est désormais plus à ses côtés. A l’image, le réalisateur Antoine Besse mêle flashs subreptices comme des souvenirs communs d’une relation appartenant au passé – avec d’autres tableaux plus allégoriques qui dépeignent les différentes émotions qui découlent d’une rupture. Puis, lorsque le deuxième morceau débute, l’atmosphère bascule : Kobo est derrière un micro et célèbre son succès avant que les inlassables flashbacks de sa relation passée ne viennent parasiter la fin du clip. Le travail colossal effectué par Antoine Besse pour la boîte de production Big Productions permet aux titres du Belge de prendre une toute autre dimension. Derrière la caméra, l’homme a également mis en images Sous les nuages de Nekfeu, le clip qui a annoncé la deuxième partie de l’album Les Etoiles vagabondes.
14. OrelSan – Dis moi (OrelSan & Anitha Athma)
Le rappeur originaire de Caen est sans aucun doute une des têtes d’affiche les plus soucieuses de l’univers visuel qu’il produit. L’année dernière, il s’était déjà frayé une bonne place dans notre classement des meilleurs clips de l’année grâce à Rêves bizarres en featuring avec Damso réalisé par Adrien Lagier & Ousmane Ly. Cette année, c’est dans un tout autre style qu’il s’est démarqué. Il s’est servi de Dis moi, un morceau extrait de la réédition de son album La fête est finie, pour dérouler une esthétique largement inspirée de la culture indienne et plus particulièrement de Bollywood. Largement basé sur les relations amoureuses, le cinéma en Inde trouve un écho dans le titre d’Orelsan qui aborde cette thématique. Entre hommage à une culture encore méconnue dans nos contrées et humour décalé, le rappeur réussit son pari dans un clip fou qu’il a coréalisé avec Anitha Athma.
13. Luidji – Système (Lokmane)
Cette année, Luidji a fait forte impression auprès de ses fans. Après les avoir fait patienter pendant de longues années, il a profité de l’année 2019 pour enfin publier son tout premier album studio Tristesse Business : Saison 1. Il a largement respecté la thématique indiquée par le titre, notamment au travers du morceau Système qui a bénéficié d’un clip à la réalisation léchée. Ce dernier sert de suite à la narration de Néons rouges / Belles chansons sorti un an plus tôt. Il dépeint la fin tragique d’une relation amoureuse entre le rappeur et sa compagne. Cette dernière, prise d’insomnie, sombrait petit à petit dans la paranoïa… Derrière la caméra, Lokmane – qui a écrit et réalisé la vidéo -, illustre brillamment les cauchemars de la femme et maîtrise à la perfection l’art de l’allégorie. Sa capsule qui illustre les cinq étapes du deuil incrustée et qui emprunte le style d’une cage d’ascenseur qui gravit les étages est sans doute le moment le plus marquant du visuel : en quelques secondes, le réalisateur vole la vedette à Luidji et lui permet de signer un des clips incontournables de 2019.
12. Rilès – Myself N The Sea (Rilès & Jeremie Levypon)
Sans faire énormément de bruit dans les différents médias culturels et avec un rap exclusivement en anglais, Rilès s’est construit une large fan base qui lui a permis de remplir le Zénith de Rouen, sa ville. Ce succès, il le doit notamment à sa grande application lorsqu’il s’agit de mettre en images des morceaux. Cette année encore, il a frappé fort avec le clip de Myself N The Sea extrait de son premier album Welcome To The Jungle. Le morceau aborde le thème du suicide : le clip fait donc de même. Prêt à sombrer dans la mer, Rilès se retrouve propulsé dans une grande pool party. Complètement désorienté, il fait le tour du propriétaire et les tableaux techniques à l’esthétique irréprochable se succèdent et font grandement écho à la vie de Rilès… Cette réalisation a nécessité pas moins de trois jours de travail. Le vidéaste Hardisk a assisté au tournage et sa vidéo qui fait office de making-of raconte les ficelles des plans les plus marquants. Rappeur, producteur, Rilès est aussi réalisateur de ses clips. Pour celui-ci, il s’est entouré d’une belle équipe et a coréalisé avec Jérémie Levypon, également crédité en tant que tel sur le clip Demain de Bigflo & Oli.
11. Gims – Le prix à payer (Matthieu Allard)
Pas forcément le plus attendu dans le domaine des visuels, Gims a fait une très forte impression en cette fin d’année 2019 en publiant en grande pompe le clip du titre Le prix à payer. Sur la toile, de nombreux internautes se sont offusqués quant à l’esthétique véhiculée par la vidéo. En effet, elle raconte le parcours sinueux de la popstar francophone dans la musique et très vite, l’occulte fait son apparition. Pacte de sang et triangles maçonniques se succèdent, semant le doute sur l’intégrité de Gims. Toutefois, ses détracteurs ont sans doute mal perçu le message qu’il a véritablement voulu véhiculer. Il se décompose en deux temps. Dans un premier temps, il aborde son combat intérieur entre sa passion – la musique – et sa foi – il est de confession musulmane. A travers sa discographie, il a déjà narré en musique ce tiraillement à plusieurs reprises. Dans un second temps, il évoque de manière allégorique l’aliénation aux maisons de disques qui peut être dangereuse pour un artiste. A la réalisation du clip, on trouve Matthieu Allard de la boîte de production IdzProd. L’homme, qui a abattu un sacré travail d’image, a déjà occupé cette fonction pour Amel Bent ou encore Dadju.
10. Soso Maness – TP (Snooz)
Pour appuyer la sortie de son projet Rescapé, Soso Maness a été amené à développer un univers visuel autour de sa musique. C’est ainsi que les auditeurs du rappeur marseillais ont pu découvrir il y à quelques mois un court-métrage intitulé Le temps tourne, qui revient sur les conflits liés au trafic de drogue dans la cité de Font Vert. Véritable point d’orgue de cette démarche, le clip de TP brille par son originalité malgré une réalisation assez sobre et un budget limité… preuve que bien souvent, c’est l’idée qui fait l’image au-delà des moyens financiers. Dans cette vidéo signée Snooz, on découvre le quotidien d’un vendeur au détail au travers d’une caméra go-pro fixée au front de Soso. De dix heures à minuit, les clients défilent avec leur lot d’anecdotes : celui qui paye en pièces, celle qui refuse de donner son Snapchat… véritable illustration des propos du morceau en temps réel, TP offre une plongée ultra-réaliste dans un quotidien pas si reluisant. Après une journée passée dans un hall et un proverbial doigt d’honneur au gérant, c’est finalement l’heure du repos et Soso Maness s’étire avant de partir se coucher…
9. Laylow – Megatron (Osman Mercan)
À l’instar de Kekra, Laylow fait partie d’une nouvelle génération d’artistes rap qui amènent leurs univers visuels et musicaux à la frontière de la réalité et de la fiction, sur un modèle quasi-cinématrographique. À la différence de Kekra, l’univers futuriste de Laylow est très charnel. Le rappeur lui-même emploi le terme bionique, c’est-à-dire entre biologie et électronique. C’est ainsi qu’on le retrouve en cette fin d’année à califourchon sur un deux-roues avec les yeux cousus, ou au beau milieu d’un tribunal avec la bouche parcourue de chaînes. Peu à peu, le clip laisse deviner un scénario construit autour d’un rôle de super-vilain joué par Laylow en personne, le tout entrecoupé de scènes de danse, de violence… Tout est mouvement dans cette nouvelle réalisation d’Osman Mercan, habitué au travail avec le jeune rappeur, pour TBMA. Malgré sa sortie tardive, Megatron s’impose sans peine parmi les clips les plus marquants de l’année. Une habitude pour Laylow, qui avait déjà frappé fort avec Maladresse en 2018. Un enchaînement de réussites, pour un artiste qui parvient année après année à marquer le rap français de sa griffe inhabituelle…
8. Lomepal – Trop beau (Dario Fau)
Habitué des belles réalisations, Lomepal figurait déjà dans notre classement de 2018 avec l’excellent clip de 1000°. De retour avec un nouvel extrait de Jeannine, le rappeur et chanteur parisien fait appel aux services du réalisateur Dario Fau pour Glitch Paris. L’alchimie entre Lomepal et Dario Fau est perceptible, les deux artistes sont habitués à collaborer depuis leur première rencontre sur Palpal et ont enchaîné les succès : Yeux disent, Club, La vérité, Regarde-moi… Mis en avant par cet travail de fond avec l’un des plus gros vendeurs de l’hexagone, le réalisateur ne tarde pas à travailler avec de nouveaux visages, Caballero & JeanJass, mais aussi avec des marques et en particulier la chaîne d’hôtels IBIS. Sa touche réside dans sa volonté de transmettre des émotions, et c’est d’ailleurs cette volonté qui donne toute sa force à l’excellent clip de Trop Beau. Dans un paysage balayé par le vent, Lomepal et sa compagne laissent éclater leur rage avant de célébrer leurs retrouvailles par une étreinte passionnée. Côté productions, la société Glitch Paris est habituée à travailler avec des artistes urbains de tous horizons, de Chilla à Niska et Ninho en passant par Benash.
7. Kekra – CLS (Kekra)
Parmi les artistes français les plus novateurs sur le plan de l’image et de l’univers ces dernières années, Kekra figure incontestablement à une place de choix. Le rappeur originaire de Courbevoie a développé au fil des projets un univers futuriste, voire carrément dystopique, largement inspiré par la pop culture japonaise. C’est ainsi qu’en 2018, il avait déjà fait appel à Adrien Lagier & Ousmane Ly pour figurer un trip halluciné. La même année, il donnait une nouvelle dimension à son esthétique avec le clip en noir et blanc de 10 Balles, représentant une jungle urbaine envahie par des émeutiers. On retrouvera une ambiance similaire dans son featuring avec Niska sur Vréalité, mais aussi dans le clip de CLS qui porte l’aspect science-fonction de son ADN artistique à son paroxysme. On y retrouve un paysage post-apocalyptique dans lequel les humains vendent à des robots amochés des composants électroniques aux effets étrangement similaires à ceux des drogues. Pour réaliser ce visuel incroyable, Kekra fait appel à VFX Nickels, une société spécialisée dans les effets spéciaux, et à la société de production Optix Dubaï. Une véritable bombe visuelle inspirée de l’univers d’I, Robot à ne manquer sous aucun prétexte…
6. OrelSan – Discipline (Adrien Lagier & Ousmane Ly)
Après le succès de Rêves Bizarres fin 2018, OrelSan a de nouveau fait appel aux services d’Adrien Lagier & Ousmane Ly pour le clip de Discipline. Le résultat, produit par L’Ordre Collectif, s’impose d’emblée comme l’un des plus captivants de l’année, ne serait-ce que pour la quantité de travail fournie. Un peu à la manière de Ma Story, le clip-concept de Caballero, JeanJass et Angèle sorti en 2017, Discipline commence par un défilement de posts Instagram et Twitter dans lesquels sont insérés les visuels d’OrelSan. Très vite cependant, le rappeur se retrouve plongé dans une spirale psychédélique, entre l’univers de Mario envahi par une flopée de pop-ups pornographiques et un terrain de basket dans lequel les balles sont remplacées par des likes. Ce défilement de plans qui ne tarde pas à sombrer dans l’absurde colle parfaitement à l’instru de Skread et ne se prive pas, au passage, d’illustrer quelques phases du morceau. Bientôt, OrelSan envahit d’autres applications : Vinted, Spotify… Mais aussi la réalité, qui se déforme et se distend pour finir par être comprimée à l’intérieur d’un écran de téléphone. Quand humour et talent se rencontrent…
5. Lefa & Vald – Bitch (Akim Laouar Aronsen)
Baignée dans la pénombre, une femme torse nu pointe une arme sur le mur. Alors que la caméra recule, on remarque un jeune enfant à ses côtés, en train de jouer. C’est sur ce plan choc que s’ouvre l’incroyable clip de Bitch, qui met en scène le cruel destin d’un dealer et d’un toxicomane au bras vengeur. Jeux de lumières, de textures, le réalisateur Akim Laouar Aronsen met tout en oeuvre pour donner vie au scénario. Eclectique, ce rouennais d’origine norvégienne et algérienne collabore coup sur coup avec des artistes aussi divers que Foé, Petit Biscuit et Lefa avec autant de succès. Il est assisté dans cet exercice de la société de production SoLab, habituée au travail avec des artistes urbains comme A$AP Rocky et Skepta, mais aussi Kobo et Josman. C’est Adolpho Veloso, directeur de la photographie déjà reconnu pour son travail avec Ateph Elidja ou Labrinth, qui se change de la prise de vue. Le résultat et mémorable avec notamment une alternance de plans fixes et mobiles pour accentuer la différence entre le dealer, qui s’est mis au vert avec sa famille, et le toxicomane pris dans une course effrénée contre la montre.
4. PNL – Deux Frères (QLF)
Après le coup de force d’Au DD, PNL se devait de maintenir le niveau avec le second extrait de son troisième album studio, Deux Frères. Une fois encore, la production exécutive du clip est confiée à l’équipe de Big Productions sur une idée originale du duo. Une fois encore, la réalisation et la production sont inscrites au nom de QLF pour QLF Records. Arthur Catton, qui avait déjà travaillé sur le premier extrait magistral de l’album, fait cette fois appel à son binôme depuis dix ans Nizar El Tayeb. Le duo avait déjà travaillé auparavant sur plusieurs campagnes publicitaires (SFR, Diesel), mais aussi sur des clip d’artistes comme Angèle et Kekra. Moins spectaculaire, plus personnel qu’Au DD, Deux Frères se plonge dans le passé du duo des Tarterêts avec une finesse et une justesse frappantes. Au sujet du travail avec PNL, Arthur Catton confie à Hypebeast : « C’est plaisant de travailler avec des artistes ambitieux et surtout qui s’impliquent dans leur projet. Souvent, quand on travaille avec des maisons de disque, les artistes arrivent le jour du tournage sans trop savoir ce qui se passe. » Une alchimie qui se ressent à l’image et permet aux deux rappeurs de développer leur univers avec minutie…
3. SCH – R.A.C. (PANAMÆRA)
Après JVLIVS, un album-concept à l’ambiance mafieuse, SCH décide de tout miser sur la rupture avec ROOFTOP. Pour annoncer ce nouveau projet plus ouvert musicalement et à l’univers très différent de son prédécesseur, le rappeur d’Aubagne met au point une communication millimétrée au travers du premier extrait du projet, R.A.C. Après avoir entraperçu une main reconnaissable entre mille appuyer sur le bouton du dix-neuvième étage d’un ascenseur, on retrouve SCH en train de gravir les niveaux d’un immeuble jusqu’à arriver au ROOFTOP ! Cette fois encore, le rappeur brille par sa capacité à s’entourer d’une équipe solide, de manière à constituer un univers cohérent. C’est le studio créatif PANAMÆRA (également représenté par Big Productions) qui réalise R.A.C., premier extrait qui fait également office d’annonce de sortie du projet. Si on a pu retrouver ce nom associé aux réalisations des artistes électro Petit Biscuit et The Avener ou de grandes marques comme Vogue x Balmain ou Lacôme, il n’est pas totalement inconnu des amateurs d’urbain pour autant puisque l’équipe PANAMÆRA a notamment été sollicitée par Kendrick Lamar, Ab Soul, Kalash et Youssoupha ! Le résultat, à la fois dynamique et brutal, colle parfaitement aux rythmes cassants du morceau…
2. Rilès – Against The Clock (Jérémie Levypon x Rilès)
À l’occasion de la sortie de son premier album studio Welcome To The Jungle, le rappeur rouennais Rilès a mis le paquet sur les visuels. Against The Clock, premier extrait à être dévoilé, représente avec panache la course contre le temps et donc la mort d’une victime d’accident dans une autre réalité, un monde onirique en constant bouleversement. Pour réaliser ce projet ambitieux, Rilès fait appel à Jérémie Levypon, jeune réalisateur qui enchaîne les collaborations avec des artistes comme Petit Biscuit ou encore Bigflo & Oli après avoir fait ses débuts aux côtés de Stomy Bugsy, pour Dissidence Production. Cette société de production composée d’Antoine Fritsch, Rémi Danino et Victor Fabbretti s’est imposée comme une valeur montante sur la scène rap hexagonale, avec à son actif des clips pour PLK, Dimeh, Ichon ou encore Josman. Sur Against The Clock, cette fine équipe met ses talents au service de l’obsession du détail de Rilès pour un rendu particulièrement impressionnant : on remarque notamment que l’inscription ANTEQUAM MORIAMUR (AVANT DE MOURIR), gravée sur le socle d’un chandelier tenu par un personnage masqué, correspond aux premières lettres de l’ensemble des titres de l’albums mises à la suite les unes des autres…
1. PNL – Au DD (QLF)
En tête des clips les plus marquants de cette année 2019, difficile de passer à côté du phénomène Au DD. Si la réalisation est inscrite au nom de QLF, pour QLF Records, la production exécutive est confiée à Arthur Catton pour Big Productions, une société spécialisée dans les tournages à gros budget, en particulier pour le compte de marques comme Burger King, KFC, Google ou encore Paypal. Pour les prises de vues, PNL fait appel à Quentin de Lamarzelle, déjà rodé aux codes du rap français grâce à son travail aux côtés d’Adrien Lagier & Ousmane Ly sur 1000° de Lomepal et Pas joli de Kekra. Les images d’Au DD sont parsemées de références aux précédents projets du duo, un procédé auquel il recours d’ailleurs régulièrement pour tisser son univers. Dans le hall, un personnage au visage caché par un masque à l’effigie de l’album Le monde Chico effectue des mouvements désordonnés, un meme quasi-épileptique qui n’est pas sans rappeler le personnage central de Territory de The Blaze. Autre influence potentielle, celle de Gosh de Jamie XX tourné dans le quartier-fantôme de Tianducheng et dont le moment fort est marqué par un mouvement de foule soigneusement chorégraphié sous une réplique de la Tour Eiffel.