Que ce soit outre-Atlantique ou en France, la célèbre ligue de basket-ball américaine fascine les rappeurs. Placement de joueurs dans des phases, photos en jerseys sur Instagram, investissements dans des franchises, les rappeurs sont de plus en plus proches de la NBA. Mais la réciprocité existe et le monde de la NBA s’intéresse de plus en plus au rap depuis une vingtaine d’années, même si les dirigeants de la ligue de basket américaine ne sont pas franchement sur la même longueur d’ondes.
➡ Rap et NBA, deux mondes intimement liés au plus grand déplaisir de certains…
Depuis 2012, Brooklyn possède sa propre franchise NBA, les Nets, qui étaient auparavant localisés dans l’état voisin du New Jersey. Parmi les actionnaires de la franchise, on peut apercevoir le nom d’un certain Jay-Z. Passionné par le basket, et séduit à l’idée qu’une franchise puisse voir le jour dans son Brooklyn natal, le rappeur-producteur n’hésite pas une seule seconde à rejoindre l’aventure. En même temps, la relation que possède Brooklyn avec le hip-hop et le basket se devait d’être placée sous le feu de projecteurs. Hormis Jay-Z, beaucoup de rappeurs ont grandi dans le borough, notamment The Notorious B.I.G pour ne citer que lui. Les années 1990 font de Brooklyn la Mecque de la street culture. On peut entendre kicker des gars au milieu de l’infinité de playgrounds présents, comme le soulignait le basketteur Carmelo Anthony. Cette proximité entre domaines différents rapproche, mais le facteur financier y joue également, car ce sont surtout les plus précaires qui pratiquent, loin des beaux quartiers de Manhattan. Brooklyn est l’exemple idéal de mix entre rap et basket, bien que Compton a également son mot à dire en la matière. Mais quittons les playgrounds et entrons véritablement dans le monde NBA.
La culture rap se développe véritablement au début des 90’s, et apparaît dans le paysage NBA quasiment dans l’immédiat. Plusieurs causes interviennent pour cela. La première est l’arrivée de jeunes joueurs ayant le goût du rap mais aussi du trashtalking, qu’on pourrait qualifier de poésie de parquet. Gary Payton est le porte-drapeau de ces trashtalkers, haïs par David Stern l’ancien commissioner -aka le patron- de la Ligue. Ce dernier a voulu littéralement nettoyer la NBA, notamment de ces langages fleuris ou encore des attitudes violentes, comme le choc du Palace d’Auburn Hills en novembre 2004, véritable pugilat. Gary Payton s’est même essayé au rap, l’espace d’un son intitulé Live legal and large. Il n’est pas seul à avoir tenté l’expérience, surtout dans les 90’s. Le grand Shaquille O’Neal a même obtenu un disque de platine, rendez-vous compte, avec l’album Shaq Diesel sorti en 1993. Ces grandes bouches bien connues chez les Ricains plaisent aux jeunes qui en font leurs idoles. Mais celui qui change véritablement les choses, c’est la réponse, The Answer, d’Allen Iverson. L’icône des Sixers bouscule les codes traditionnels de la NBA, avec ses tresses, ses tatouages, ses casquettes à l’envers, ses baggys ou encore ses grosses chaînes en or. Il est le premier à faire un lien concret entre basket et gangsta rap, ce qui agace David Stern. Stern sanctionnera Iverson quand celui-ci sort un single en 2000 sous le blase de Jewels. 40 bar ne plaît pas au commissioner, pour les phases homophobes ou mysogines, alors que le meneur de Philadelphie ne manque pas de talent avec le micro en main. Stern instaura même un dress-code obligatoire pour les joueurs, et Iverson renonça à sortir son album Non-fiction, tout cela pour conserver une bonne image publique, le rap n’étant pas très bien vu à l’époque, surtout après les assassinats de Pac et Biggie.
Aujourd’hui, le rap est mieux considéré aux States, et donc logiquement dans le milieu NBA. Le taulier actuel de la NBA, LeBron James ne manque jamais, sur Instagram, de faire écouter ses coups de coeur du moment, on se souvient par exemple de sa première écoute du DAMN de Kendrick et de sa bande son pour NBA 2K14, ou encore de poser pour une photo avec des gros poissons, comme Big Sean et Jay-Z récemment. Nick Young, nom de code Swaggy-P, cousin de ce même Kendrick, s’affirme comme le joueur le plus proche du rap US, que ce soit par l’attitude ou les réseaux, qui ont renforcé les liens entre rap et NBA. Le rookie Lonzo Ball, qui joue chez les Lakers a sorti la semaine passée un album dans un presque anonymat. Le Zo reste meilleur au basket, mais son Born 2 Ball se laisse quand même écouter. Le virus rap a contaminé la NBA devenant le genre musical le plus écouté, des vestiaires jusqu’au terrain : même Booba a fait son immersion dans le monde de la NBA, notamment à l’Amway Center d’Orlando, où, grâce au français Evan Fournier et au monténégrin Nikola Vucevic, on a pu entendre récemment Friday lors d’un échauffement. Aujourd’hui, le rap fascine tout simplement la NBA, avec l’influence grandissante, comme évoquée précédemment, des réseaux sociaux.
➡ Le basketball, à la fois source d’inspiration et passion pour les rappeurs américains
Jay-Z est donc actionnaire de Brooklyn, mais est également à la tête d’une société d’agents qui drive notamment la superstar Kevin Durant. Drake est lui ambassadeur international des Raptors de Toronto. Bon nombre de rappeurs soutiennent des franchises hormis les deux précédents. Eminem soutient les Detroit Pistons, Travis Scott les Houston Rockets ou encore Chance The Rapper les Chicago Bulls, pour ne citer qu’eux. Justement les Bulls ont joué un rôle clé dans le prestige de la NBA grâce à un seul homme : Michael Jordan. MJ, légende vivante de ce sport, et considéré comme un demi-Dieu aux States, et est le symbole de la réussite. Beaucoup de rappeurs se réfèrent à lui dans leurs tracks, car c’est un exemple. Le GOAT est également un outil de comparaison, se comparer à lui est synonyme de succès, n’est-ce-pas Kanye ? « Kanye’s just important as Michael Jordan was to the NBA when he was scorin’ » disait West dans Brand New, collaboration avec Rhymefest. Les meilleurs inspirent comme le Shaq, LeBron, Kobe Bryant ou même Derrick Rose, ce dernier étant énormément cité dans des textes avant son avalanche de blessures.
C’est la Ligue américaine qui attire le plus les rappeurs juste devant le football américain, mais avec des mètres d’avance sur le hockey et le base-ball. Même si le NBA de NBA Youngboy ne veut pas dire National Basketball Association, le clin d’oeil n’est pas anodin, et montre toute la passion éprouvée. On peut clairement comparer le basketball européen avec le football européen. Le rap européen rêve des exploits de footballeurs car c’est le sport numéro 1, avec les meilleurs championnats du monde. Les Etats-Unis accueillent quant à eux la plus grande ligue de basketball du monde. On voit que la MLS américaine attire peu, de la même manière que l’Euroligue de basket en Europe. C’est une question de culture, car celle-ci imprègne une société, et ici un ensemble d’artistes qui placent ces références dans divers textes.
Le basket ricain est autant familial que le foot anglais : l’exemple des jours fériés tient la route, car pour que tout le monde en profite, on joue le jour de Noël en NBA, alors qu’on joue le Boxing Day en période de fêtes anglaises. Il y a ainsi un pouvoir fédérateur de la NBA, qui joue donc parfaitement ce rôle de vitrine qu’on lui accorde souvent. Récemment, il y a eu des pourparlers pour la tenue d’un Hip Hop All Star Game. Le toujours très passionné Snoop Dogg, ainsi que le très correct joueur universitaire 2 Chainz seront les deux capitaines de cet évènement historique dans le rap. Le vrai All Star Game a lui encore démontré l’emprise du rap sur la NBA avec des shows musicaux, mais aussi le titre de MVP acquis par Quavo lors du Celebrity’s Game. Le rappeur de Migos a signé de belles actions avec une motivation incroyable, et a fait parler de lui aux States mais aussi chez nous en France.
➡ Le basket a-t-il enfin sa place dans le paysage du rap français?
La NBA est populaire en France, mais attention, la NBA, pas le basket. Le basket français manque de hype, comme peut nous le dire Alpha Wann dans Comme un grand de 1995 : « A quoi ça sert d’être basketteur et de jouer à Villeurbanne ? ». La NBA représente le rêve américain que des gars comme Tony Parker ou Boris Diaw ont touché. D’ailleurs ne peut-on pas voir un lien évident entre les arrivées en France du hip-hop et de la NBA. Fin des 80’s, le rap commence à arriver en France, alors que Canal + commence à diffuser en pleine nuit les matchs NBA.
C’est sur Canal +, avec des décodeurs pirates pour beaucoup de jeunes passionnés, que Michael Jordan se fait connaître en France, et obtient la même reconnaissance, dans un degré moindre, que celle qu’il a aux Etats-Unis. L’acquisition de la culture américaine montre l’étendue du softpower américain, qui avait déjà touché la France par le passé, avec le cinéma ou encore le jazz. Des personnages forts, des rivalités, la NBA est comme une série réelle, dixit Lino : « Dans ma tête c’est les Lakers contre les Celtics ». De Booba « Paris-Saint-Germain, Miami Heat-Cinq négros armés sur cinq R1, ma carte de visite » à Jok’Air « j’mène le jeu comme John Stockton », les références à la NBA sont très nombreuses.
Longtemps le rap et la NBA ont souffert d’un manque d’exposition en France, mais aujourd’hui le rap se porte bien et devient le style musical numéro un en France, alors que la NBA est bien plus retransmise et de meilleure manière. Et que dire de Tony Parker ? TP a tout connu : 4 fois champion NBA, MVP des Finales en 2007, 6 fois All-Star, champion d’Europe avec la France, il a quasiment tout gagné durant sa carrière. Il a même voulu se faire plaisir en 2007 en sortant un album rap. Il n’est pas resté dans la mémoire collective, malgré des collaborations avec B2O, Don Choa, Soprano et Jamie Foxx. TP reste tout de même un des facteurs de cette fascination française envers la NBA, notamment dans le milieu hip-hop.
Sport majeur aux States, le basket est très proche du rap même leur relation fut tumultueuse, par le passé. Avec un assouplissement du rap, la NBA a intégré le genre musical dans son ADN. Le show de la NBA, avec le trashtalk ou les dunks spectaculaires ont fortement inspiré le rap, qui se veut de plus en plus festif à l’heure d’aujourd’hui.