Le semaine dernière, nous revenions sur les morceaux qui font du storytelling une formidable institution du rap français. Nous allons aujourd’hui nous intéresser aux storytellings qui ont laissé leurs empreintes sur la planète rap de l’autre côté de l’Atlantique. Il faut dire que les rappeurs américains sont beaucoup plus prolifiques que leurs homologues français sur ce créneau-là, ils content de sombres épopées avec une facilité déconcertantes et n’ont rien à envier aux meilleurs scénaristes hollywoodiens. Les histoires qu’ils nous racontent sont très variées : de l’histoire d’amour entre deux adolescents aux embrouilles houleuses qui finissent dans des bains de sang, il y en a pour tous les goûts… Revenons ensemble sur quelques-uns des meilleurs morceaux du genre !
➡ Snoop Dogg – Murder Was The Case
On commence tout de suite très fort avec un ce morceau sombre et flippant du tonton de Long Beach, qu’on retrouve sur son classique Doggystyle. Le morceau Murder was the case raconte l’histoire de Snoop se faisant tirer dessus lors d’un violent drive-by. Au moment où il est sur le point de succomber à ses blessures il demande de l’aide à Dieu mais une toute autre voix lui répond et lui propose de vendre son âme en echange de la vie eternelle et d’un lifestyle confortable. Il vivra sa meilleure vie tout au long du deuxième couplet. Il invoquera ensuite Dieu afin de l’aider à se défaire de ce pacte avec le Malin et c’est ainsi que l’on retrouve le DOGG en prison sur le dernier couplet pour purger une sentence de 25 ans minimum pour meurtre, le fameux 25 to life. Il dépeint brièvement la vie à a prison de Chino, une maison d’arrêt qui se situe en Californie : l’horreur du début à la fin. Ce morceau a rendu curieux les fans car au même moment Snoop était rééllement impliqué dans une affaire d’homicide, il finira par être innocenté par l’avocat légendaire Johnnie Cochrane. On vous recommande chaudement le clip trés effrayant, surtout qu’Halloween approche à grand pas!
➡ Notorious B.I.G – I Got a Story to Tell
Une histoire offerte par notre Big Poppa international sur Life After Death, fameux album posthume. Il a plusieurs storytellings à son actif il faut dire qu’il était très habile avec la rime et qu’il avait une imagination débordante. Sur ce morceau, il nous raconte qu’il passe du temps avec une femme, cette dernière sort avec un joueur des Knicks (l’équipe de basket de New-York). Mais au moment où Biggie vit sa meilleure vie avec elle, le joueur en question se pointe à son appartement. Elle panique, il serait évidemment difficile de cacher Biggie dans un placard. B.I.G réfléchit rapidement et ni-une ni-deux ligote la fille pour faire croire à un braquage ! Il réussit à s’en tirer avec un sac rempli d’argent et une voiture flambante neuve ! Brooklyn’s finest !
➡ Warren G & Nate Dogg — Regulate
Surement l’un de vos morceaux G-funk favoris. Énorme classique westcoast durant lequel Warren G et Nate Dogg nous raconte une soirée ou Warren G se fait embrouiller par une bande de lascars mal intentionnés, jusqu’à ce que Nate Dogg arrive pour sauver sa peau avant de retourner vaquer à ses occupations avec des belles demoiselles. Un des rares morceaux westcoast qu’on peut écouter lors des froides nuits hivernales.
➡ Ice Cube – It Was a Good Day
Qui n’a jamais chill un soir d’été sur ce son après avoir englouti quelques merguez grillées au barbecue ? On reste sur la westcoast avec cet énorme classique d’Ice Cube sur un sample d’un morceau des Isley Brothers. Une journée parfaite pour Ice Cube qui déguste un petit déjeuner préparé par sa maman, fait une belle performance lors d’un match de basket, passe du temps avec Too $hort, grille un feu rouge sans se faire prendre… Certains fans ont tenté de découvrir la date de ce jour mystère en réunissant certains indice : ce fameux « good day » serait apparemment le 20 janvier 1992 ! Ce morceau peut sembler être le récit d’un jour parfait mais on peut en faire une deuxième lecture : c’est une journée dans la peau d’un jeune afro-américain durant laquelle tout se passe bien, ce qui est loin d’être le cas au quotidien.
➡ Common – I Used to Love H.E.R
Direction Chicago avec Common un magnifique morceau durant lequel il use d’une métaphore filée afin de parler de son amour pour le hip-hop sous les traits d’une femme. Ce morceau est d’autant plus spécial qu’il a été le point de départ d’un beef entre Ice Cube et Common. En effet, sur le morceau Common s’exclame : « I wasn’t salty: she was with the boys in the hood ». Un missile scud dirigé vers Ice Cube qu’il accuse d’avoir en partie dénature la fonction première du rap selon lui : l’engagement… Ils ont depuis tourné dans Barbershop ensemble, nul doute que cette vieille querelle soit bien oubliée !
➡ Eminem – Stan
Beaucoup de personnes utilisent le terme « stan » et beaucoup ne savent pas d’où ce terme provient ! Magnifique performance d’Eminem qui offre au cours de ce storytelling une histoire bouleversante : une correspondance entre un fan totalement obsédé et son rappeur favori, Slim (à noter que Slim Shady est un des alter ego d’Eminem). Stan qui voue un véritable culte à Slim, il essaie de lui ressembler physiquement, chercher à s’identifier à lui par tous les moyens, dit qu’il va appeler sa fille « Bonnie » pour l’imiter. Un jour, il se rend à un concert de Slim mais ce dernier n’a pas de temps à lui accorder. Stan prend la mouche et écrit une ultime lettre à Slim à laquelle il mettra malheureusement trop de temps à répondre…
➡ Kendrick Lamar – Keisha’s Song
La douleur qui s’émane de ce morceau est impressionante et on se demande comment Kendrick a fait pour relater la vie de cette prostitué avec tant de précision. L’histoire de Keisha est celle d’une fille de joie, Kendrick raconte les différents traumatismes qu’elle subit au quotidien au contact de ses clients. Il décrit la scène comme s’il était un policier en planque. À aucun moment Kendrick ne la prend de haut ou juge ses actes, il comprend sa peine et chacune de ses ecchymoses. Il dépeint Keisha comme une personne lucide de sa situation qui n’a malheureusement aucune autre échappatoire. Cette histoire lui a été inspirée par une fille de son quartier qu’il a vu vendre son corps alors qu’ils n’étaient encore que des adolescents.
➡ J. Cole – Wet Dreamz
Beaucoup plus joyeux et léger, ce morceau nous raconte le voyage hormonal d’un jeune lycéeen (J. Cole peut-être ?) qui se termine par la perte de sa virginité aux côté d’une fille dont il est terriblement amoureux. Les deux tourtereaux se rencontrent en cours de mathématiques et se cherchent pendant un long moment. Il raconte comme il a hâte de retourner en cours chaque jour afin de la retrouver, comme son cœur s’arrête lorsqu’il la voit. Leur idylle se poursuit jusqu’au jour où elle l’invite chez lui, problème : il ne sait pas quoi faire car il n’a jamais aimé à ce point ! Qu’à cela ne tienne, il lui fait croire que c’est un véritable pro mais ce qu’il ignore c’est qu’elle est aussi novice que lui en la matière. Jamais un rappeur n’a pu raconter le sexe avec tant de facilité et de légèreté. Il décrit cette étape de sa vie avec un humour déconcertant qui fait sourire les auditeurs. Très loin de la vulgarité à laquelle on peut être habitué si on est amateur de rap, J. Cole signe un de ses meilleurs morceaux sur Forrest Hills Drive qui est probablement son meilleur album.
➡ Immortal Technique – Dance With the Devil
Fiction époustouflante et traumatisante. La mère de tous les storytellings, orchestrée par un Immortal Technique absolument incroyable. Sur ce morceau, il raconte l’histoire d’un garcon qui rejoint un gang et qui, pour prouver sa loyauté envers sa nouvelle famille, doit attaquer un innocent. C’est ainsi qu’il s’en prend à une femme dans la rue : il l’agresse et la viole. Sur la fin du morceau il réalise que cette femme n’est autre que sa mère et se suicide après avoir réalisé l’acte épouvantable qu’il venait de commettre. Il y a quelque chose d’Oedipien dans cette histoire, Immortal Technique explique qu’il était un membre du gang en question. Une histoire similaire s’est réellement produite et les amoureux du rap cherchent à savoir si ce morceau est un témoignage ou si toute ressemblance avec des personnes réels est fortuite.