Le mois de juin, qui s’annonce extrêmement dense en sorties, est pimenté par un clash des plus rudes. Pusha T et Drake, ennemis de longue date, s’échangent des lignes assassines depuis le début des années 2010. Toutefois, le clash a pris une ampleur tout autre ces derniers jours après que Pusha T ait égratigné Drake et ses textes pas si authentiques sur son dernier album. Les deux artistes se sont mutuellement arrosés de diss tracks, respectivement Duppy Freestyle pour le Canadien et The Story Of Adidon pour Pusha T.
➡ Aux origines du clash, la collaboration de Clipse et Pharrell Williams avec la marque japonaise Bape
Les origines de ce clash prennent probablement racine lors d’une embrouille avec Lil Wayne, affilié à Cash Money Records, label de Birdman sur lequel, plus tard, sera signé Drake. A cette époque, Pusha T rappait avec son frère No Malice et ensemble, ils formaient le groupe Clipse. Nigo, le fondateur de la marque de streetwear japonaise Bape, est à l’époque un grand fan du morceau Grindin’, produit par les producteurs The Neptunes (Chad et Pharrell). L’entrepreneur contacte ce dernier et il devient un des pionniers de la marque aux Etats-Unis. Surtout, Nigo exploite la filiation entre les Neptunes et Clipse pour abonder les deux frères de produits de sa marque, qu’ils arboreront avec arrogance dès 2002. La même année, Birdman publie son album éponyme. Dans la liste des invités figurent Clipse, sur le single What Happened To That Boy produit par… The Neptunes. Toutefois, l’avarice légendaire du rappeur faisait déjà des siennes : Ebro, le taulier de Hot 97, a fait état de rumeurs selon lesquelles The Neptunes n’auraient pas été proprement payés.
➡ Quand Lil Wayne entre en guerre ouverte avec Pusha T et se voit accusé de pomper son style
Alors, quand Lil Wayne, la figure de proue du label de Birdman, Cash Money Records, s’affiche en 2006 portant du Bape dans le clip de Hustler Musik, Pusha T et No Malice affutent leurs plumes. Weezy, lui, en profite pour enfoncer le clou et pose en couverture de Vibe habillé de Bape de la tête aux pieds. Cet affront est de trop pour Clipse qui, en collaboration avec Pharrell, loin d’être innocent, sortent le morceau Mr. Me Too, implicitement adressé à Lil Wayne, dans lequel No Malice rappe « Niggas bite the style from the shoes to the watches » (« Ces négros pompent notre style des chaussures aux montres »). En décembre 2006, alors que le média Complex demande à Lil Wayne ses sentiments sur une inspiration supposée du style de rap de Clipse, très orienté vers la cocaïne, il répond en de froids mots : « Parle-moi comme si tu parlais au meilleur (…). Je ne vois pas de foutus Clipse… Ils ont dû faire une chanson avec nous [Cash Money] pour avoir du buzz ». En outre, il égratigne Pharrell lorsqu’on lui demande ce qu’il a à dire concernant son plagiat vestimentaire : « Putain c’est qui Pharrell ? Est-ce que tu le respectes vraiment ? Ce négro portait du Bape et tout le monde trouvait ça chelou. J’ai porté du Bape et tout le monde a trouvé ça chaud. »
➡ L’entrée en scène de Drake et le conflit de Pusha contre les « poupées russes » de Cash Money
Pusha T ne cesse d’égratigner Lil Wayne et Birdman, notamment sur l’intro de la mixtape We Got It 4 Cheap Vol. 3 ainsi que sur les morceaux Ill’in ou encore Open Your Eyes. C’est en mai 2011 que Drake fait son apparition dans le beef. Sur son titre Dreams Money Can Buy, il rappe que tous ses rappeurs préférés sont morts ou ne sont plus ce qu’ils étaient, alors qu’il clamait, adolescent, être un très gros fan de Clipse au point d’avoir acheté un micro sur eBay dédicacé par Pusha T. Ce dernier, intransigeant, ne laisse rien passer au jeune Drake et l’étrille sur le morceau Don’t Fuck With Me « Rappers on they sophomores, acting like they boss lords… The talk don’t match the leather, the swag don’t match the sweaters. » Toutefois, les choses deviennent sérieuses entre les deux rappeurs quand, le 24 mai 2012, Pusha T sort Exodus 23:1. Les quatre premières lignes de son couplet visent le roster Cash Money et plus particulièrement Lil Wayne, Birdman et Drake, qu’il présente comme des poupées russes. Drake répond à son homologue sur le morceau d’introduction de son album Nothing Was The Same, Tuscan Leather, dans lequel il range King Push parmi les « remplaçants se prenant pour des titulaires ».
➡ L’animosité entre King Push et Dreezy devient personnelle et se place au centre de l’attention
Le 12 octobre 2016, Pusha sort HGTV Freestyle et répond à Drake en pointant du doigt pour la première fois les rumeurs autour du ghostwriting dont bénéficierait le Canadien en reprenant le titre de son album So Far Gone : « It’s too far gone when the realest ain’t real / With a questionable pen so the feeling ain’t real. » En plus de tancer son authenticité, il se moque des « négros clashant sur des mélodies », autre pique adressée à Drake et son goût pour la chansonnette. Moins de deux semaines plus tard, Drake profite d’un épisode d’OVO Sound Radio pour diffuser en exclusivité Two Birds One Stone, titre dans lequel il se moque des problèmes de santé mentale de Kid Cudi et du rap de Pusha T, le coke rap, trop parodique selon lui : « But really it’s you with all the drug dealer stories / That’s gotta stop, though / You made a couple chops and now you think you Chapo. »
Tapi dans l’ombre pendant près de deux ans, Pusha T a profité de l’énorme attente autour de son album entièrement produit par Kanye West pour reprendre les armes. Sur le morceau de fermeture de DAYTONA, Infrared, le rappeur lâche dès le début de son unique couplet une ligne assassine à son homologue canadien en vannant une nouvelle fois le ghostwriting qui se cacherait derrière ses textes : « It was written like Nas but it came from Quentin » (« C’était écrit comme Nas mais ça vient de Quentin [Miller] ») (ndlr, Quentin Miller est un des ghostwriters supposés de Drake). Drake, en pleine promotion de son prochain album Scorpions, à paraître en juin, a souhaité profiter de l’occasion pour alimenter plus encore la gigantesque hype autour de son prochain opus déjà attisée par God’s Plan et Nice For What en répondant à Pusha T moins de 24h plus tard par Duppy Freestyle. Dans ce morceau, il rappe avoir promis à Birdman et Lil Wayne de le finir pour eux. Arrogant comme rarement, il conclut son morceau par « Tell ‘Ye we got an invoice comin for you / Considerin that we just sold another 20 for you » (« Dis-leur qu’on a une facture qui arrive pour toi / Considérant qu’on vient juste de vendre 20 000 de plus pour toi »).
Alors que l’on ne pensait que Pusha T allait répondre par un diss track, il a surpris tout son monde. Le rappeur a sorti l’artillerie pour pilonner Drake et faire qu’il tombe sous les balles, qu’il croule sous les dossiers. Son père qui l’a abandonné alors que le jeune Aubrey Graham n’avait que cinq ans ; sa mère laissée au dernier plan par Drake ; son plan cul, une actrice porno française à qui il aurait fait un fils caché, Adonis, qu’il renierait sans vergogne ; enfin, son producteur Noah 40 Shebib atteint d’une sclérose en plaques dont Pusha T égrène le temps qu’il lui reste à vivre, l’ex de Clipse n’épargne rien ni personne. Alors que Drake semblait intouchable, ce morceau tranchant comme rarement, accompagné d’une photo de lui arborant une ignoble blackface, devrait le pousser dans ses derniers retranchements. Dans l’outro de son titre, King Push dit souhaiter voir à quoi ressemble Drake lorsqu’il est énervé. Eh bien, nous aussi…