Ni remarquable, ni particulièrement mauvaise, la cuvée 2014 nous a a pourtant offert un certain nombre de très bons projets entre deux remix de Hot Nigga, de 3G ou de Coco… L’année a démarré par une période particulièrement vide au niveau des sorties et cette période s’est largement étalée jusqu’au début de l’été, mais à partir de là plusieurs projets sont venus combler (ou non) nos attentes. Résumé optimiste d’une année qui ne restera pourtant probablement pas longtemps dans les mémoires.
En France, l’année 2014 a été particulièrement marquée par un essor presque sans précédents du rap indépendant, notamment de deux artistes: Jul et Gradur. En 2014, Jul a sorti trois projets en totale indépendance, Dans ma paranoïa, Lacrizeomic et Je trouve pas le sommeil, et ces trois projets ont tous dépassé le seuil critique des 50 000 ventes. La réception du phénomène Jul a été très mitigée, surtout parmi le public rap, qui lui reproche notamment son utilisation excessive d’autotune, ses textes complètement vides de la moindre once de sens et ses clips vidéos. Il faudrait peut-être rappeler que Jul est un artiste indépendant, qui produit ses propres instrus et qui atteint plusieurs dizaines de millions de vues sur plusieurs vidéos sans le moindre piston ou, dans le cas de son premier hit en 2013 Sors le cross volé, sans passage en radio au préalable… De plus, il a été capable au même tire qu’un Maître Gims de toucher un public beaucoup plus large que le public rap. Rappelons également que Jul est le seul rappeur à avoir émergé de la cité phocéenne après les Psy4 de la rime. Gradur quant à lui s’est fait connaitre pour la série de freestyles clipés Sheguey, le premier a été posté sur youtube en février 2014, le second et le troisième sont mieux réalisés et ont dépassé le million de vues, mais c’est vraiment à partir de Sheguey 5 que le rappeur roubaisien s’est fait connaitre. Après cette série de freestyles, Gradur a sorti ShegueyVara, une mixtape de 45 morceaux entièrement gratuite qui a été téléchargée plus de 100 000 fois. Après cette sortie, le rappeur a signé chez Universal, mettant fin à un début de carrière placé sous le sceau de l’indépendance.
D’autres projets indépendants ont rythmé le cours de l’année: Impressionnant sans forcer de Black Brut,sur lequel on retrouve J’avais un frère, un featuring sous forme de dialogue avec Zekwé Ramos et SMS, qui a été repris par Gradur et Kozi; MDRG 2 du Ghetto Fabulous Gang sur lequel on a pu retrouver de gros morceaux de Shone ou de KER; Bandiyagal d’Ixzo, le premier album du rappeur de Sevran sur lequel on retrouve ses grands succès On n’est pas tous seuls, Prince de la ville et Drugs and Money; Memento Mori de Soulkast sur lequel le rappeur lillois a ramené DJ Premier à la fois en tant que producteur et en featuring; Toby or not Toby de Tiers Monde sur lequel on a pu retrouver des succès tels que Phoenix… On retient d’autres projets, parmi lesquels Or Noir Part. 2 de Kaaris, un projet dans la continuité du premier sur lequel on retrouve Chargé et Pablito, deux morceaux à contre-courant de la trap violente qui a fait la réputation du rappeur sevranais. La Fouine a fait une saison 2014 schizophrène, sortant en début d’année Team BS, un album de pop-rap ouvertement destiné à un public de très jeunes âge, et en fin d’année Capitale du Crime 4, une mixtape plutôt sombre sur laquelle on retrouve des morceaux largement influencés par la trap tels que Crik Crik, Fais les deux ou même Intro CDC4 et d’autres morceaux plus posés sans sombrer pour autant dans le style Team BS. Joke, quant à lui, a déçu beaucoup de fans avec Ateyaba, son premier album, qui s’est révélé particulièrement fade et inconsistant malgré l’incontestable qualité des prods.
Aux Etats-Unis aussi, l’année passée nous a réservé un certain nombre de bonnes surprises, à commencer par un nouveau projet de Lil Boosie, aka Boosie Badazz intitulé Life After Death Row. Le duo d’El-P et de Killer Mike a sorti son second projet, Run The Jewels II, incontestablement aussi mémorable que le premier; on retient également la novatrice collaboration de Freddie Gibbs et Madlib, Piñata, et l’étonnant projet de 50 Cent Animal Ambition qui semble s’être complètement renouvelé tant au niveau du flow et des prods que de l’imagerie visuelle. 2014 aura-t-elle été l’année des collaborations payantes? C’est ce que laisse penser Lord Steppington, le projet de Step Brothers, un duo qui rassemble le producteur Alchemist et le rappeur californien Evidence… Plus diffusé, l’album My Krazy Life de YG n’en est pas moins l’un des meilleurs de l’année et démontre que le rappeur, loin d’être un simple phénomène de mode, maîtrise parfaitement son univers et son style. L’étoile montante Kevin Gates n’a pas déçu les espoirs placés dans sa mixtape Luca Brasi 2 où l’on peut retrouver des morceaux tels qu’Out the Mud. En revanche, les attentes placées dans Oxymoron de Schoolboy Q et dans And Then You Shoot Your Cousin des Roots ont été largement revues à la baisse… Young Jefe, le projet de Shy Glizzy, s’est révélé à la hauteur des précédents, s’appuyant notamment sur des morceaux comme Awwsome. Côté trap et drill, on retrouve sans surprises Back From the Dead 2 et Nobody de Chief Keef, avec un featuring inattendu avec Kanye West, Welcome to Fazoland de Lil Herb et, de manière plutôt inattendue, l’album de Migos Rich Nigga Timeline qui s’est révélé relativement abouti. Le décrié Young Thug a également fait une bonne année, et malgré les récriminations que je pourrai formuler sur le personnage, je suis forcé d’admettre que certains de ses morceaux sont incontestablement de grosses réussites, tout comme Black Portland, son projet commun avec Bloody Jay.
2014, c’est aussi l’année du retour de deux groupes légendaires sur le devant de la scène, G-Unit et Da Mafia 6ix, une formation annoncée fin 2013 qui réunit une grosse partie de la Three 6 Mafia: DJ Paul, Gangsta Boo, Koopsta Knicca et Crunchy Black. Juicy J et Project Pat ne se sont pas associés au projet, mais ont fait une apparition sur un morceau intitulé Body Parts, l’avant-dernière piste de 6ix Commandments, la première mixtape du groupe sortie en novembre 2013. Quant à Lord Infamous, il s’était initialement joint au projet mais comme vous le savez sans-doutes il est mort le 21 décembre 2013 d’une attaque cardiaque. Ces défections n’ont pas empêché le groupe de sortir cette année Hear Sum Evil, un projet entrainant sur lequel on a retrouvé des morceaux tels que Lock’m N Da Trunk. Le retour de G-Unit n’a pas été aussi bruyant qu’il aurait pu l’être, manque de promotion, et en France il est carrément passé inaperçu. Pourtant, le groupe a sorti en 2014 un excellent projet, The Beauty of Independance, sur lequels on retrouve des morceaux tels que Whatch Me et Changes. 50 Cent a annoncé que ce projet n’était que la première partie d’un dytique que viendrait compléter un second projet repoussé en octobre intitulé The Beast is G-Unit. Le groupe a également recentré un certain succès sur son remix du banger de la formation du producteur Hit-Boy HS87, Nah I’m Talking Bout. Pour Da Mafia 6ix comme pour G-Unit, le bilan du retour a été mitigé, surtout au niveau de l’audience et des ventes, mais au niveau musical 2014 a été une réussite pour l’un pour comme l’autre des deux groupes. A noter également qu’après avoir dévoilé le morceau Keep Watch, le Wu Tang Clan a fini par sortir A Better Tomorrow, un album qui, sans atteindre le niveau de The W ou même d’8 Diagrams, peut siéger sans rougir aux côté de Legendary Weapons.