L’épisode du concert de Rohff en Algérie a fait remonter à la surface, comme depuis des années à intervalles réguliers, le clash entre le rappeur du 94 et Booba. C’est aussi pour nous l’occasion de se demander une bonne fois pour toute si les clashs dans le rap sont, oui ou non, une bonne chose…
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? Les clashs ont toujours existé et existeront toujours
Car les clashs ont toujours fait partie du rap, je dirai même qu’ils sont l’essence du hip-hop (si, si, ça existe toujours). Cette musique s’est construite sur des conflits de gangs, de ghettos, de quartiers qui s’y sont immisés petit à petit. N’oubliez pas qu’un des premiers morceaux qui a fait connaître Youssoupha était un clash contre Nessbeal (Effet papillon). Que serait le rap americain à l’heure actuelle s’il n’y’avait jamais eu la guerre West Coast/East Coast et surtout le clash Biggie/Tupac? Que serait New York sans la guerre entre NaS et Jay-Z qui a fini par donner lieu à la signature du premier dans le label de ce dernier? Que serait l’histoire de NWA sans la guerre Ice Cube vs Eazy E ? Que serait la carrière de Fifty et Eminem sans tous les cadavres qu’ils ont laissé derrière eux, avec tout les artistes qui ont eu le malheur de ne pas être dans leurs coeurs?
D’ailleurs comment Rick Ross aurait pu sortir ce monstrueux diss contre Curtis Jackson qu’est Mafia Music sans leur clash? Et puis, ne nous mentons pas, chacun de nous a une part de « mauvais » qui aime la guerre et le sang. Les gens de ma génération , osez me dire que vous ne saigniez pas Menace sur la planète rap à l’époque ? Qui ne connaît pas la fameuse histoire entre LIM qui avait poursuivi Zoxea dans tout Boulogne avec une hache puis un gun? Qui ne connaît pas J’t’emmerde de MC Jean Gab1 ou qui ne se souvient pas du morceau caché de Sinik dans Sang froid où il détruisait Kizito qui avait fait l »erreur de répondre après le morceau Assassin? Qui ne s’était pas amusé à repeter sans cesse « la hoooonte négro, tu te rends compte négro? » à l’époque de l’embrouille entre Sinik et Booba. Dailleurs depuis Autopsie 2 pas un projet de Booba ne sort sans qu’il ne soit promotionné par les clashs, et on en redemande tous ! Nombreux d’entre vous font les hypocrites sur le clash Rohff/Booba mais avaient kiffé Ferme ta gueule le disstrack de La Fouine contre Kamelancien, ou même Autopsie 5 contre (encore et toujours) Booba (Hicham et Toumani sont témoins).
Et puis, ne nous mentons pas, ça faisait 10 ans que tout le monde attendait ça: ils ne faisaient que se piquer tel les politiques qui s’égratinent par meeting interposés, il il fallait crever l’abcès et ça a été fait au meilleur moment! Rappelez vous comment le debut des années 2010 était terriblement chiant dans le rap français, à un tel point que les stars de demain étaient Sultan, Fababy, LECK, Volts Face, tous boosté par un gros média dont nous taierons le nom. Le début des clashs a permis de faire passer ces artistes à la trappe (ou à la zumba… quel jeu de mot formidable!). Que me jette la pierre celui qui n’a jamais rigolé devant un des nombreux montages que l’on peut trouver sur l’Instagram de l’autoproclamé DUC de Boulogne et celui qui ne connaît pas au moins 3 punchlines de Wesh Zoulette, même moi grand chef ratpi à la panoplie Ünkut bien garnie je crois que je pourrai rapper ce son à l’envers.
Le rap est souvent décrit comme une musique créée pour dénoncer mais c’est faux, c’est une musique crée dans la violence et pour raconter la violence. Quoi de plus violent et plus beau en musique que des artistes qui s’insultent avec du rythme et des rimes ? Et puis des artistes qui pretendent toujours être les meilleurs dans leurs sons doivent savoir le prouver le moment venu. Les clashs ont toujours existé dans le rap, et (je l’espère) tant que la culture hip-hop existera, ils existeront toujours.
Tarek
? Il faut définir ce qu’on désigne comme un « clash »
Il faut distinguer quand on parle de clashs deux choses bien distinctes, les rappeurs et les personnes. Quand deux rappeurs s’affrontent, je parlerai effectivement de clash, et généralement cette opposition salutaire donne lieu à un épisode musical fort. Quand deux rappeurs se lancent des attaques personnelles, c’est que l’opposition dépasse le strict cadre de la musique pour déborder sur leurs vies privées. Dans ce cas précis, il est appréciable que cette animosité reste cantonnée à ce qu’elle est, c’est-à-dire une affaire personnelle entre deux personnes, qui peut se traduire par des attaques sur les réseaux sociaux, ou qui peut mener à des épisodes plus violents. Dans les deux cas, l’altercation ne peut plus vraiment être qualifiée de « clash », mais simplement d’inimitié. Si les clashs sont indéniablement une composante majeure du rap, les rivalités elles sont présentes à tous les niveaux de notre société.
A mon plus grand regret, je dois avouer que c’est en grande partie à 50 Cent qu’on doit cette mode de l’entertainment derrière les clashs. Bien sûr, le rap est avant tout un art du spectacle, et si le rappeur choisit ce moyen pour se vendre et que ce moyen se révèle efficace, on ne peut pas le lui reprocher. Ce qu’on peut critiquer en revanche, c’est la construction d’un « star system » du rap basé sur le clash, où le clash est souvent relayé et mis au centre au détriment de la production musicale. Ce qu’il faut éviter, c’est de faire du rap une musique « people », une tendance qui a commencé justement par les clashs par vidéos interposées, pour terminer par un énième article sur la manière dont Booba élève ses enfants. La peoplisation du rap, c’est aussi un facteur d’occupation de la scène principale par quelques têtes d’affiche, au détriment pendant des années de rappeurs restés dans l’ombre. Quand le rappeur est confronté à la justice à la suite d’un clash, le personnage tombe et c’est bien une personne qui se tient devant un juge.
Squale