Comme on a déjà pu l’aborder dans les articles précédents, l’année 2016 a été riche en nouveaux venus bien que la plupart aient en fait commencé à étendre leur renommée depuis 2015. Parmi ces derniers, on retrouve presque immanquablement trois rappeurs qui aujourd’hui se situent à des échelles différentes de succès et de médiatisation, mais qui partagent en grande partie un univers similaire. Je parle ici de Ninho dont Gina vous avait parlé lundi, d’Hornet la Frappe et de Timal. Ces trois rappeurs qui ont émergé sensiblement au même moment pourraient bien marquer le retour de la domination du gangsta rap à la française, autrement dit du rap de quartier.
Qui sont Ninho, Hornet et Timal?
C’est certainement la question que tu te poses en lecteur avide de connaissances: qui sont ces trois jeunes talents? D’où viennent ils? Quels points communs partagent-ils? Et surtout, à quel point de leurs carrières respectives en sont-ils? Et c’est une question à laquelle je me fais fort de répondre dans les lignes qui suivent…
- Ninho
Ninho est un rappeur originaire à la fois du 91 et du 77, qui sort sa première mixtape en 2014. Ce qui le fait connaitre, ce sont ses clips sur la chaîne YouTube de Daymolition tels que Nae Nae Freestyle et le remix en compagnie de GLK, puis fin 2015 sa participation à la OKLM Mixtape… Depuis la sortie de sa série de freestyle Binks to Binks le rappeur connait un succès grandissant et est signé chez Warner pour la sortie de sa mixtape MILS.
- Timal
Malgré les millions de vues qu’il cumule sur ses vidéos, Timal est bien loin du début de carrière de Ninho mais semble être promis à un futur heureux aussi… En effet après le succès d’estime de son clip Premier Rapport le rappeur du 77 enchaine sur un deuxième, un troisième et un quatrième rapports, qui cumulent tous plus d’un million de vues. Timal fait de plus en plus parler de lui pour ses qualités de kickeur.
- Hornet la Frappe
Hornet la Frappe est quant à lui originaire du 93 et plus précisément de la ville d’Epinal-sur-Seine, excentrée du reste du département. Comme Timal et Ninho, il se fait connaitre au travers de vidéos Daymolition notamment Mama j’y vais dès 2014… Comme Ninho, il commence son ascension après sa participation à la OKLM Mixtape en 2015. Il se distingue un peu par l’utilisation très particulière d’autotune, notamment sur Gramme 2 Peuf et Nos Vies.
Quels rapports entretiennent-ils?
Pour mon plus grand malheur, aucune collaboration n’a à ma connaissance été enregistrée entre les trois rappeurs ou même par deux d’entre eux… Cependant un certain nombre d’éléments laissent envisager que cette possibilité est très probable pour le pas dire inéluctable. Les trois rappeurs ont émergé sur la chaîne YouTube de Daymolition et y publient encore régulièrement des vidéos. Hornet et Ninho ont tous les deux participé, on a pu le souligner, à la OKLM Mixtape en 2015, mais ils ont aussi en conséquence posé chacun des freestyle chez OKLM et participé fin 2016 pour Ninho et début 2017 pour Hornet à la série de reportages OKLM Focus Upcomers.
Par ailleurs on retrouve entre ces rappeurs un certain nombre de croisements entre featurings et apparitions qui laisse à présager un rapprochement qui mènerait à une collaboration. Ainsi, dans le clip de Gramme 2 Peuf d’Hornet on voit apparaitre Ninho à plusieurs reprises en compagnie d’Hornet… Dans le même clip, on voit apparaitre Sofiane, avec qui Timal a collaboré peu de temps après dans Dis moi où tu pécho sûrement à la suite du remix de #JeSuisPasséChezSo épisode 3 par ce dernier sur la chaîne de Daymolition. Je pense que vous commencez à voire un paterne se dessiner à votre tour: la collaboration est très probable sinon inéluctable.
Qu’est-ce qu’apporterait cette collaboration?
C’est finalement la question principale de l’article, celle de l’intérêt du trio Ninho/Hornet/Timal. D’une part, on a pu remarquer ces dernières années en France une mise à l’écart du rap de quartier par la plupart des grands labels, des grands médias, sans pour autant que cette mise à l’écart soit exclusive bien entendu. Le rap de quartier était jusqu’à maintenant considéré comme un genre peu novateur et assez basique à l’échelle de la production musicale, alors qu’aujourd’hui il correspond précisément aux standards de consommation du public français.
- Le rap de quartier est (souvent) porté par des artistes extrêmement productifs sur le modèle de Gucci Mane aux Etats-Unis, qui peuvent enchaîner des mixtapes et des clips à un rythme soutenu
- Le rap de quartier fait appel au visuel mais plus souvent pour la réalisation de street-clips non-scénarisés qui nécessitent donc beaucoup moins de temps de battement et de moyens pour le réalisation
- Le rap de quartier répond à la demande de « vrai rap » par opposition à l’utilisation excessive d’autotune et est donc capable de réunir des communautés plus importantes et éloignées qu’auparavant
De ce point de vue l’apparition d’artistes comme Ninho, Hornet ou Timal est bénéfique pour le paysage du rap français, mais elle se heurte toujours à la barrière des ventes, car malgré les faits énoncés ci-dessus les rappeurs de quartier rencontrent toujours des difficultés à dépasser un certain seuil de ventes. Un regroupement qui serait même à cette échelle un supergroupe ne pourrait que les aider à outrepasser plusieurs barrières, à la fois musicales (par exemple la capacité à se renouveler) et surtout dans le domaine de la communication.
Que deviendrait le trio?
Il s’agit ici de spéculation de ma part, mais le trio Ninho/Timal/Hornet s’il se forme un jour pourrait bien devenir un acteur majeur du rap et l’influencer durablement à l’instar de G-Unit aux Etats-Unis dans le milieu des années 2010. Les trois rappeurs qui ont réussi à se médiatiser à travers les modes de communication alternatifs (Daymolition et dont YouTube qui ne connait pas de discrimination autre que la « dictature des vues » et OKLM qui se veut une alternative à Skyrock) sont plus à l’image des attentes et des modes de consommation de la nouvelle génération d’auditeurs, et à trois sauront se forger une façade assez intéressante pour mettre en place une collaboration durable et innovante. A suivre, donc…