Summer seventeen. Cette année, Drake et Future nous ont abandonné pour prendre des vacances bien méritées. Ces vacances qui se profilent et que vous avez également mérité sont l’occasion d’aménager la bande-son qui va accompagner nos probables meilleurs moments de l’année. Pour cette fois, abandonnez le temps de quelques heures les tubes de l’été qui chaque année font profusion sur les ondes et la toile (exceptions faites de Magnolia et XO TOUR Llif3, des morceaux tout bonnement insensés) et nuisent directement à la visibilité de petites pépites. Pour vous, voici quatre projets de rap sortis cette année 2017 et qui sont grandement susceptibles de coller à tous les profils d’étés, peu importe que vous alliez vous dorer la pilule sur la plage, traîner dans votre voiture ou encore squatter en bas de votre quartier.
➡️ Le chill le plus absolu avec 8417 de Young Chop
Après la très solide sortie de King Chop l’année dernière, le Chicagoan publie son dernier projet dans l’ombre de Chief Keef, son collaborateur de toujours, l’EP 8417. Young Chop nous emmène flâner sur les routes de Venice Beach au volant de son cabriolet de luxe pour y traîner sa richesse et son flegme. A chaque accélération, c’est une liasse de dollars qui, éparse, choit sur le goudron ardent après que Young Chop s’en soit délesté avec arrogance. A chaque feu rouge, il fait vrombir le V12, l’œil pétillant. S’il n’a pas la reconnaissance qu’il pense mériter, il a l’argent et cela lui semble bien suffisant. Par ses flows lents et sa voix éraillée, il incarne avec les productions ensoleillées du projet le chill le plus absolu. Get Money, de loin le morceau le plus estival du projet, empreint de légèreté, est un indispensable des playlists tandis que WTF Is U Doin déclenche automatiquement les danses frénétiques au fond des sièges en cuir. Argent, belles femmes dévêtues, peaux tannées et décompression sont les maîtres mots du court éclair de génie de Young Chop, jusqu’à ce que le crépuscule mette fin à cette ride enivrante sur le dernier et probablement le meilleur morceau de l’EP, Cut Like That.
➡️ Un projet aux sonorités tropicales: John Popi 2 de Johnny Cinco
Johnny Cinco préparait l’été avant même que vous le voyiez venir. Le 5 mai dernier, il sort John Popi 2, une mixtape de 18 titres qui n’a de défaut que son surplus de densité. Le rappeur, habituellement plus sombre et plus nerveux, comme l’atteste son excellent EP sorti en fin d’année dernière, Same Time, Every Time, nous gratifie d’un projet chargé d’autotune, qu’il use à la perfection, pour nous chanter son amour de la trap vie, de l’argent du ghetto et de la drogue. Quelques morceaux renferment des sonorités dancehall à l’instar de ce que peuvent produire actuellement Hamza ou Ramriddlz, notamment deux morceaux produits par Y.I.B. que sont I Know et surtout Slowed It Down. Oui, impossible de ne pas se voir danser sensuellement au rythme de cette ode au hood accompagné par, au choix, votre dulcinée ou une inconnue aux courbes voluptueuses sous un crépuscule estival chaud et humide. Les auditeurs plus adeptes de douces ballades trouveront également leur bonheur sur des morceaux comme One Time, Every Song ou Make A Bitch Happy qui participent à la clôture d’un projet aux sonorités très tropicales.
➡️ Une demi-heure de Californie avec Red Corolla de Domo Genesis
Avec ce court projet, Domo Genesis, membre du collectif Odd Future dont sont issus notamment Tyler, The Creator et Frank Ocean signe son premier projet depuis la sortie de son album Genesis l’année précédente. Sur Red Corolla, projet très court mais néanmoins dense et très fouillé, Domo Genesis nous ouvre une fenêtre à la fois sur le soleil de Los Angeles mais aussi sur l’obscurité qui reprend ses droits dès lors que l’astre s’efface. Le rappeur californien ne nous cache rien : alors que sa célébrité croît, il opère un retour aux sources. La Corolla mise en scène sur la pochette prend à contrepied tous les rêves de voitures de luxe exaucés par les rappeurs contemporains: Domo Genesis ressort du garage sa première voiture à la peinture écaillée et, avec elle, c’est son passé tout entier resurgit. Autrement dit, la Corolla rouge de Domo Genesis est sa madeleine de Proust. Le projet, lui, peut se résumer en un mot : vintage. Doms fait étalage de ses dons de rappeur sur des productions qui semblent émaner d’un vieux vinyle poussiéreux : le son est chaud, rond, grésillant. De plus, les couleurs musicales chatoyantes, notamment sur Vintage Doms rappellent de la musique du siècle dernier. Oubliez la Ferrari de Young Chop, le Clio 2 fera parfaitement l’affaire. Cette demi-heure californienne est à écouter lors d’errements en voiture en pleine canicule, alors que le volant brûle les mains et que les fenêtres péniblement ouvertes à la manivelle ne suffisent pas à rafraîchir l’habitacle.
➡️ Un été morose à Montreuil avec 2020 de TripleGo
A Montreuil, l’été est morose. Les rayons du soleil froid qui la surplombe ne réchauffent personne. Le temps semble s’être arrêté. Toutefois, pas de chaos :seulement les limbes. Pas question d’être ailleurs. L’enveloppe physique n’est plus, c’est l’esprit que TripleGo fait voyager. Summer is coming. L’été à Montreuil ne ressemblera à aucun autre été. Johnny Cinco n’était pas le seul à avoir anticipé l’été. TripleGo, le tandem montreuillois, s’est également montré très prévoyant. Sorti le 20 mars dernier, 2020 est incroyable de volupté. Sur les quatorze titres qui le composent, Momo Spazz étale des instrumentales froides, vaporeuses, languissantes mais néanmoins indolores. Les nombreuses fulgurances de musique arabe ne contribuent pas à tempérer l’atmosphère. A contrario, par le traitement, l’ajout d’échos, elles ne font qu’accentuer ce trait. Sanguee, lui, de sa voix profonde, s’érige en maître des abîmes et susurre son quotidien. Son flow lent et autotuné agit comme un analgésique. La bande-son nous tient hors du réel, hors du temps. Dès lors, toutes nos souffrances s’évaporent une heure durant. Plus d’ennuis, plus de solitude. Alors que les échos du dernier titre, Casablanca, meurent étouffés par le silence, l’esprit qui est soudainement violemment tiré de sa rêverie. Instantanément, ce que Sanguee et Momo Spazz ont engourdi chez nous reprend vie de plus belle. Toute la peine il y a si peu apaisée envahit furieusement un corps trop vite accoutumé à l’ataraxie que procure 2020. Le manque se manifestera bientôt. Et très vite, on y replongera.