On a l’habitude d’entendre que les rappeurs français ne sont pas à la hauteur de leurs homologues américains, ou bien que les artistes outre-Atlantique sont irrespectueux envers leurs homologues français lors de collaboration. Cela peut éventuellement être vrai. Pourtant certaines exceptions subsistent et deviennent parfois des morceaux d’anthologie, dès lors voici les dix fois où rap américain et rap français ont fait bon ménage.
Gun In Hand (Booba featuring Akon, Prod. Animalson)
Second volet de la trilogie Akon/Booba qui a alors commencé avec le remix de Locked Up sur la version française de l’album Trouble d’Akon. Beaucoup de similitudes existent entre les deux artistes, entre autres le fait qu’ils sont d’origine sénégalaise ce qui donnera lieu à trois très bons featurings. Akon s’exprima sur Booba en 2014 pour les Inrockuptibles : « Booba est comme mon frère (…) il incarne une collaboration entre deux mondes, même si les gens aux Etats-Unis ne comprennent peut être pas ce qu’il dit, et si quelques personnes en France ne comprennent pas ce que moi je dis, on comprend toujours l’énergie que la chanson draine derrière elle. » La boucle est bouclée !
Noble Art (IAM featuring Method Man & Redman, Prod. Akhenaton)
Une collaboration puissante entre rappeurs de la cité phocéenne et le duo New-yorkais. Une réelle alchimie en studio entre tous les artistes et la simplicité de Redman et Method Man ont permis de créer la bombe qu’est Noble Art. Shurik’n avouera avoir été impressionné par l’implication des deux MCs, IAM avait déjà auparavant travaillé avec le rappeur du Wu Tang Clan mais c’était la première fois que Redman venait partager son talent sur une track d’origine française.
A l’ancienne (Psy 4 De La Rime featuring Nate Dogg, Prod. Sya Styles)
Seconde collaboration impliquant des marseillais dans ce top mais cette fois avec un des piliers de la West Coast et pas des moindres: Nate Dogg, le défunt cousin de Snoop Dogg, vient poser un des refrains dont il a le secret sur un morceau dédié à la grande époque de la West Coast (entre autres). Fait symbolique, Nate Dogg transformera même le gimmick « Smoke Weed Every Day » en « Smoke Chicha Everyday » pour officialiser la fusion Marseille/LA.
Where’s Yours At ? (Rohff featuring Pharell Williams Prod. Kore & Skalp)
Morceau réalisé pour la B.O. de Taxi 3, qui reste une combinaison réussie malgré certaines difficultés rencontrées dans le studio entre Rohff et Pharrell (barrière de la langue , perfectionnisme parfois poussé du producteur américain). La grande force du morceau réside dans le mélange de leurs styles respectifs, qui se marient parfaitement.
A.W.A (Lacrim featuring French Montana, Prod. Kore)
Certainement l’un des bangers les plus marquants de Lacrim. A.W.A (Arabs With Attitude) est la devise de Lacrim et de son beatmaker Kore, déformation de N.W.A du groupe éponyme qui colle aussi bien avec Lacrim qu’avec French Montana (d’origine marocaine). French Montana est comme à son habitude sur le morceau d’une présence qui ne paraît pas indispensable. Cependant il est clair que le morceau ne serait pas le même sans son intervention (après ce morceau c’est la voix de French Montana qui servira de tag aux instrus de Kore).
Affirmative Action (NaS featuring Suprême NTM, Prod. Dave Atkinson & Trackmasters)
Bien que cela se soit fait dans la douleur, NTM a réussi à obtenir un featuring avec le monument qu’est NaS. En effet, les membres du groupe parisien n’ont pas aimé l’attitude que ce dernier a eue à leur égard. Bien entendu le rap français n’avait pas forcément les arguments qu’il a aujourd’hui pour forcer le respect, Joey Starr raconte : « on demande où est NaS, et le mec de la maison de disques nous dit ‘Il tourne dans le quartier, il arrive’, alors qu’il est 18 h et qu’on est là depuis 9 h du matin… ». Un comportement de rappeur français, en somme.
Crystal (Kaaris featuring Future, Prod. Therapy)
Pour beaucoup la meilleur collaboration franco-américaine de ces dernières années, une très grosse alchimie entre les deux artistes qui se ressent sur le son « il m’a fait croire que j’étais son pote » raconte Kaaris en interview. Une musique réussie et bien découpée entre le refrain de Future, les couplets de Kaaris et l’instrumental qui réalise un bon mariage. Kaaris a su récupérer Future en pleine année 2015 (qui est sûrement la meilleure de l’artiste) pour réaliser le cocktail dont on ne se lasse toujours pas.
Lay Back (Jazzy Bazz featuring Freddie Gibbs, Prod. Everydayz)
Un featuring totalement inattendu, on connait tous la technique textuelle et le phrasé tranchant de Jazzy Bazz, néanmoins on ne s’attendait pas à le voir bousiller autant une instru d’Everydayz avec des changements de flow, des paronomases toujours aussi frappantes de vérité au point de presque nous faire penser que c’est le bon vieux Freddie qui aurait dû payer pour avoir le Jazzy sur un morceau. Le français a pris un risque fort; comme il le dit lui-même: « Freddie Gibbs est un gars que j’écoute et dont je suis admiratif. Il est selon moi l’un des meilleurs rappeurs américains actuels. » D’avoir réussi à passer outre la barrière du « je-suis-totalement-fan-de-ce-type-du-coup-mon-couplet-pue-la-merde » nous donne un morceau réussi du début à la fin ; que ce soit sur le couplet bien fourni de Gibbs et son refrain répétitif — donc gagnant — ou bien sur l’aisance presque naturelle dont fait preuve Jazzy Bazz pour suivre le délire de son homologue américain. Bref, un gros coup gagnant pour le mélancolique du 19ème.
Everyday (Rim’K featuring Rich Homie Quan, Prod. Wealstarr)
Morceau faisant suite au pèlerinage de Rim’K à Atlanta, voyage entrepris dans le but d’être dans le lieu de naissance de la musique trap. Cette dernière a été une grosse inspiration pour les deux derniers projets de l’ex membre de la Mafia K’1 Fry. Alliance entre un jeune rappeur du sud des États-unies et un pionnier du rap français, le facteur qui a encore une fois fait fonctionner ce featuring est le respect entre les deux MCs, Rim’K avoue avoir montré ses disques d’or au rappeur américain, ce qui a du forcer le respect de ce dernier.
Implication (13 Block featuring Gino Marley, Prod. Diks68)
13 Block fait partie de cette génération de rappeurs qui auraient connu un succès planétaire si les membres venaient de Chicago ou d’Atlanta ; et Gino Marley fait partie de cette génération de rappeurs qui aurait pu connaître un succès planétaire si personne le confondait avec l’un des 65787 fils de Bob Marley. Quoiqu’on en dise, de tous les featurings franco-américains existants dans le registre de la drill ou de la trap, personne n’a jamais réussi à avoir autant d’alchimie que celui-ci ; au point même où on se demande sérieusement si Gino n’est pas le cinquième membre refoulé du groupe français. Et comme si on pouvait pas déjà faire mieux, Zefor nous lâche le meilleur couplet de sa carrière. Si une phrase pouvait tout résumer ce serait celle-ci : «13 Block, Gino Marley, mauvaise affiliation / Un d’ces mecs nous doit des thunes? Click clack Baw sans sommation. » En bref, si vous voulez pousser à la salle ou braquer l’épicerie du coin de la rue, c’est ce son qu’il faut écouter et pas un autre.
Bonus: Pay Me (Sadek featuring Meek Mill, Prod. Kore)
Ces différents exemple démontrent bien que les rappeurs français ne font pas pâle figure face aux américains, et désormais grâce à internet les connexions sont plus faciles. Espérons que les rappeurs sauront apprendre de ces dix exemples et que les futures connexions ressembleront davantage à celle entre Kaaris et Future plutôt que celle entre NTM et Nas.