Reconnu par ses pairs comme l’un des plus grands rappeurs français de tous les temps, le Rat Luciano manque toutefois d’une certaine reconnaissance aujourd’hui (on a pu le voir avec Ninho qui a avoué en interview l’avoir découvert grâce à son featuring avec Lacrim en 2011), en partie à cause de sa faible fréquentation des médias. Rappeur mais humain avant tout, le Rat distille sa modestie et son authenticité dans ses sons en défendant sa rue, la rue marseillaise.
➡️ De Don Carmon’ au Rat Luciano, la métamorphose avant le succès
En avril, le Rat Luciano a fêté ses 41 printemps, déjà. Né à Marseille, Christophe Carmona, son vrai nom, est le fils de parents espagnol et martiniquais. Il passe sa jeunesse dans son quartier du Panier, à deux pas du Vieux-Port. C’est dans ce quartier qu’il erre, qu’il commence à voler également. Il vole pour faire ses preuves, pas par nécessité, mais se fait coincer et va dans un centre pour mineurs. C’est à partir de ce moment-là qu’il va développer un intérêt pour le rap, et sera intégré dans un centre de poésie dans son quartier. Il rencontre Menzo et Fel, et avec Pone et DJ Djel, ils fondent un groupe, les Black and White Zulu’s. Christophe se fait alors appeler Don Carmon’, mais le groupe ne sort pas beaucoup de sons. Don Carmon’ va laisser sa place au Rat Luciano : le Rat car c’est son surnom au quartier, et Luciano vraisemblablement en référence au mafioso Lucky Luciano.
C’est le 3 décembre 1994 que la chance sourit pour Le Rat Luciano, à l’occasion beaucoup moins joyeuse d’un concert d’hommage à un jeune comorien, Ibrahim Ali, auquel des colleurs d’affiche du FN ont ôté la vie. Le groupe suisse Sens Unik est la tête d’affiche de l’espace culturel Mirabeau ce soir-là. Les organisateurs cherchent des rappeurs pouvant assurer la première partie, et, grâce à Pone et Djel, Le Rat Luciano ainsi que Menzo rencontrent Sat l’Artificier et Don Choa de l’autre groupe marseillais Le Rythme et La Rime. Ils se réunissent donc ce soir-là, sous le nom de Fonky Family d’après une idée du Rat. Le groupe interprète son tout premier son ce soir-là, On pète les plombs. L’entente est bonne et le groupe se produit par la suite régulièrement à l’Espace Julien, toujours à Marseille. Mais tout démarre avec la sortie de l’album d’Akhenaton, Métèque et Mat, en 1995.
➡️ Le coup de pouce d’Akhenaton et l’ascension fulgurante de la Fonky Family
La Fonky Family commence vraiment à faire parler d’elle avec sa participation à l’album du leader d’IAM. Akhenaton avait entendu parler du groupe, et celui-ci lui plut instantanément. Il organisa une rencontre avec eux, afin de leur proposer d’être le seul groupe en featuring avec lui sur l’album. Ainsi sort Bad boys de Marseille, qui fait beaucoup de bruit, avec un Luciano aux paroles tranchées : « Mes poches sont vides et j’ai faim de pognon et d’un bon destin / La rage est dans mon âme pour le drame du Front National ». Le buzz devient concret avec la deuxième partie de ce son, présente sur la réédition de l’album d’AKH. Avec également la présence de Shurik’n, Bad boys de Marseille Part. 2 devient immédiatement un morceau culte avec un clip tourné aux States.
Le style de la Fonky Family plaît pour sa fraternité, le poids de ses punchlines, et pour le côté funky qui envahit ses instrus. Luciano montre son succès croissant et collabore une nouvelle fois avec Akhenaton dans Rien à perdre où pour lui : « Les restos classes c’est pas mon genre, j’préfère les snacks / Devenir prince impossible, ma vie c’est ma musique dans les Fnac ». Son rap sincère plaît beaucoup, tout comme sa plume et son flow authentique. En 1998, la FF sort Si Dieu veut, son premier album. Si l’album est bon et a un honnête succès -double disque d’or- c’est le Rat qui attire le plus l’attention au sein du groupe. Il pose dans la mixtape Chroniques de Mars, sortie en 1998, et est présent sur un son de l’album d’Oxmo Puccino sorti la même année, Opéra Puccino, confirmant la hype autour de lui.
➡️ La séparation de la Fonky Family, et la sortie de Mode de vie… Béton Style
Avec la FF, il sortira deux autres albums, le plus que culte Art de Rue en 2001, faisant accéder Luciano et la FF dans la légende du rap français, et Marginale musique en 2006. Ce dernier va illustrer les difficultés qu’ont les membres du groupe à s’entendre avant leur séparation en 2007. Selon le Rat, dans une interview pour Ghetto Sun, Sat est responsable de la fin du groupe. Le Rat dit également : « J’ai décidé d’arrêter une tournée, j’avais mangé tous les sous des concerts, j’y allais sans le coeur, même la façon de faire l’album était lourde, on aurait dit un album de feats. » Les egos ont certainement détruit le groupe, qui se n’est retrouvé depuis qu’en 2015, pour un concert d’hommage à leur producteur Pone, atteint de la maladie de Charcot.
Mode de vie… Béton style. Cet album sorti en 2000 est à la fois l’un des plus grands classiques du rap français et le seul album du Rat Luciano. Un goût d’inachevé domine donc, Akhenaton ajoute même que le talent de Luciano n’est pas totalement exploité dans cet album. Ce dernier y évoque l’absence d’avenir (« À bas les illusions, je serais jamais placé au sommet / Et fourgue la qualité que le client aime consommer »), de sa rue (« Sur le béton, j’ai eu le temps d’évaluer la gravité des problèmes / Évoluer sur le problème et maintenant on paie pour les évacuer »), ou sa difficulté avec le monde élitiste.
➡️ Le Rat parrain de la nouvelle scène marseillaise, et les rumeurs sur un second projet
Le Rat dit néanmoins que ce passage en solo n’a pas été une grande expérience humaine, qu’il n’a pas pris beaucoup de plaisir à l’enregistrer. Il préfère rapper entouré, et cela s’est démontré tout au long de sa carrière entre l’épopée de la FF et les nombreux featurings qu’il a accordé. D’Akhenaton à Jul, en passant par Kery James et Nessbeal, le Rat a toujours été présent sur la scène française sans sortir de projets. Il accepte toutes sortes de featurings, même avec des rappeurs méconnus, car le fait de s’être vu refuser des collaborations dans sa jeunesse l’a marqué. C’est tout le côté humain, voire sentimental, de Louch’. Il est apparu sur la mixtape Quartier Attitude de son pote Djel en 2009, et si les rumeurs d’un second album sont souvent revenues, elles semblent de moins en moins probables à l’heure actuelle. Si les sons qui ont fait de lui ce qu’il est paraissent différents de ce qu’on peut retrouver aujourd’hui, il s’adapte aux courants musicaux et n’hésite pas à utiliser le vocodeur sur certains sons. Malgré tout, le Rat n’abandonne pas le vieux Louch’ qu’on peut retrouver par exemple dans Vis tes rêves avec Lacrim, qui peut nous rappeler Nique le bénef’.
#Marseille J-2 : D’IAM à Zbatata, panorama du rap marseillais
Le rap marseillais est riche, mais, comme ont pu le dire Akhenaton ou Keny Arkana, le Rat est le symbole de celui-ci. Son authenticité, son flow légendaire et son franc-parler ont fait de lui un personnage unique. C’est sûrement l’un des seuls rappeurs français à avoir le respect de ceux qui l’ont écouté. Il passe néanmoins plus inaperçu que certains, en raison sûrement d’un manque de projets solo : « C’est étrange, nos cœurs parlent seuls et personne n’y croit / C’est comme les anges, ils sont là mais personne ne les voit » . Un second album ? Comme dit précédemment, c’est peu probable, mais quand on voit le retour de vieux briscards comme MC Solaar, ou même les quelques sons sortis l’an passé par son compère Don Choa, pourquoi pas ? En tout cas, nous serons présent s’il en sort un nouveau, tant il nous a marqué tout au long de sa carrière.
Morveux, le rap c’est bon quand tu fais ça par amour, mais pas quand y a beaucoup de fric en jeu
Le style de la Fonky Family plaît pour sa fraternité, le poids de ses punchlines, et pour le côté funky qui envahit ses instrus.
tu n a rien compris a la ff. au contraire fonk et pas du tout funk.
meme dans leurs textes ils le disent.
en plus pour y entendre du funk faut pas avoir d oreilles