Des collaborations avec les plus grands rappeurs du moment (2 Chainz, Young Jeezy, T.I., Gucci Mane, Rich Homie Quan, PeeWee Longway, etc.), un contrat de 2 millions de dollars chez Def Jam quelques mois à peine après avoir commencé à rapper (il reconnait lors de son interview sur la radio Hot 97 ne rapper sérieusement que depuis novembre 2011), la carrière de Trinidad Jame$ est on ne peut plus atypique. Retour sur les quelques projets qui sont à l’origine d’un artiste qui dévoile en 2015 un potentiel de mieux en mieux exploité.
Don’t Be S.A.F.E (16 octobre 2012)
Le premier projet de Trinidad et également celui qui a rencontré le plus de succès, notamment grâce au hit All Gold Everything, qui se classe en fin d’année 28e au Billboard US Rap Songs et qui cumule aujourd’hui 23 millions de vues sur Youtube. La mixtape est classée 13e au top 2012 de Datpiff derrière Back From the Dead de Chief Keef et Starvation d’Ace Hood et devant Mac & Cheese 3 de French Montana. Un an après la sortie du morceau original, à l’occasion de la réédition du projet par Def Jam, il publie sur sa chaîne Youtube un remix avec les rappeurs T.I., Young Jeezy et 2 Chainz, tous trois originaires de l’Etat américain de Géorgie. Lors de son passage sur la radio Hot 97, Trinidad Jame$ révèle que la plupart des prods du projet ont simplement été téléchargées gratuitement sur internet.
La mixtape est introduite par un morceau très rythmé et répétitif, Tonk For The Money, mais comme le précise Jame$ à la fin de la piste: « I promise that this shit ain’t just no othe borin song! » Cette introduction efficace laisse place à Female$ Welcomed, le deuxième morceau phare du projet qui est également le troisième extrait clipé, un titre qui fait appel aux sonorités électro et à la voix de la chanteuse australienne Reija Lee pour briser l’homogénéité de la première moitié du morceau. Les changements de rythme et de sonorités au cours d’une piste sont caractéristiques du style du rappeur, tout comme les morceaux semi-parlés comme Gold On My Macbook, premier titre clipé du rappeur. Sur Team Vacation, le rappeur adopte un flow nonchalant mais discontinu et rythmé par des gimmiks récurrents, l’instrumentale entrainante et l’utilisation du slowed and throwed ne sont pas sans nous rappeler certains aspects des premiers projets d’A$AP Rocky, enfin le couplet laisse place à un refrain chanté: « What happens in Vegas… Stays in Vegas! » Dans One More Molly, Trinidad énonce « This shit have no concept / I was kicked up when I wrote this » (« Cette merde n’a aucun sens / J’étais défoncé quand je l’ai écrit), c’est pourtant l’un des morceaux les plus construits du projet au demeurant. Il sert en quelque sorte de prélude au point culminant de la mixtape, le fameux All Gold Everything, sur une prod extrêmement répétitive de Devon Gallaspy que certains iront jusqu’à comparer à une boucle Fruity Loops, le rappeur d’Atlanta martèle « Gold all in my chain / Gold all in my ring / Gold all in my watch / Don’t believe me, just watch ». Sneaky Vs. Selfish est encore une fois un exemple de skit que Trinidad utilisera énormément par la suite, allant jusqu’à les incorporer dans des morceaux, qui consiste à parler sur un fond musical. Le morceau Madden on GameCube laisse place à une démonstration plus classique de rap, avec la participation de Curren$y qui sera crédité sous le nom de Juke. Les deux morceaux suivants, Giving No Fucks et Southside (dernier morceau clipé du projet) jouent encore sur la répétition qui est l’une des technique favorite de Jame$.
L’univers du projet consiste en une accumulation jusqu’à l’écoeurement de références à la fête, à l’or, à la drogue, au sexe et à la vie de quartier. En dehors du discret clip de Gold On My Macbook, les clips de All Gold Everything, Southside et Female$ Welcomed laissent place à une imagerie extravagante, tant au niveau du clip lui même que du style vestimentaire de Jame$. Cette imagerie est concrétisée par la pochette de la mixtape, qui figure sur un fond noir le rappeur, la couleur dominante mettant en avant ses bijoux en or. Tant musicalement qu’au niveau de l’imagerie, ce premier projet de Trinidad Jame$ marque déjà une orientation très particulière ans l’excès, l’accumulation, l’expérimentation musicale tout en conservant une certaine authenticité et somme toute des thématiques assez classiques du rap. Ce sera pourtant le dernier projet où le rappeur d’Atlanta utilisera vraiment les clips, la dernière vidéo de sa chaîne Youtube est celle de Female$ Welcomed. Le clip de All Gold Everything, qui lui a valu l’attention du grand public, alterne des plans sur le rappeur vêtu d’une tunique motif léopard, d’un pantalon rouge et d’une multitude de chaînes et de bijoux en or et des plans de groupe au centre desquels figure un caddie décoré du drapeau de Trinité et Tobago, d’où le rappeur est originaire comme l’indique son nom, dans lequel est assis l’un des membres du groupe. Plus original, le clip de Female$ Welcomed précédemment évoqué est directement tourné sur l’île en question, alternant d’abord des plans de jour de Jame$ dans la rue ou devant des symboles de Trinité et Tobago et de femmes de l’île en train de danser en mettant en valeur leurs courbes, puis des plans de nuit où ces mêmes femmes se parent de décorations de plumes, où le rappeur est entouré de cracheurs de feu et où un démon allongé sur un trottoir fait face à une bougie, sans doute une référence à la vie nocturne de l’île et notamment au fameux carnaval de Trinidad.
10pc. Mild (13 août 2013)
La deuxième mixtape de Trinidad Jame$ compose encore une fois 10 pistes, ce format semble être attaché à l’artiste puisqu’à l’adoptera sur son troisième projet long, No One Is Safe, qui sortira fin janvier 2015. Cette fois, il fait appel à des invités de prestige tels que Gucci Mane, Danny Brown et Rich Homie Quan par l’entremise de Def Jam, pourtant la mixtape est deux fois moins téléchargée sur Datpiff, sans doute parce qu’elle n’est annoncée par la sortie d’aucun extrait clipé. En revanche, quelques mois avant la sortie du projet, son featuring avec le chanteur August Alsina intitulé I Luv This Shit toujours réalisé par l’entremise de Def Jam récolte près de 30 millions de vues sur Youtube puis il livre de nouveau un couplet sur Work Remix aux côtés d’A$AP Ferg, d’A$AP Rocky, de Schoolboy Q et de French Montana. Son featuring avec Gucci Mane sur Guwop recontre également un certain succès et récolte quasiment le million de vues. Durant cette période, Jame$ se concentre donc sur ces nombreuses collaborations tout en conservant son style qui avait fait le succès de Don’t Be S.A.F.E
Cette fois, l’univers du projet est plus aseptisé, on sent déjà la touche de Def Jam, et plus axé sur l’aspect dirty south de l’identité de Trinidad Jame$. L’introduction du projet WutEL$e est partagée entre d’abord des extraits de morceaux dont entre autres Work Remix puis sur une performance rapée efficace sur une prod entrainante aussitôt enchainée sur un court passage parlé sur fond musical de piano. Encore une fois, la capacité du rappeur à jongler sur une seule piste entre plusieurs sonorités est mise en avant. Sur Material Thing$ Hard To Deal With, Jame$ livre une prestation remarquable aux côtés de CyHi The Prynce, artiste notamment du label de Kanye West GOOD Music mais également de Konvict Muzik d’Akon qui a réalisé des apparitions remarquées sur le projet Cruel Summer. Sur $hut Up!!!, produit par Youg Chop, il invite ensuite Travi$ Scott. le format des morceaux est très conventionnel, en revanche on retrouve toujours les variations musicales et le slowed and throwed du rappeur de Don’t Be S.A.F.E. Sur Hip$ter $trip Club, il s’accorde enfin la liberté d’un morceau solo, dans lequel il se concentre sur la maîtrise des silences et l’utilisation mesurée d’autotune. Le véritable hit de l’album est cette fois Quez, qui réunit sur une instrumentale entrainante de Jack Donaghue et du producteur d’Atlanta J. Padron le rappeur Fabo, membre du groupe D4L qui avait connu un énorme succès avec le morceau Laffy Taffy, Playa Fly ex-membre de la Triple 6 Mafia et Danny Brown. Le morceau est quasiment exclusivement consacré au thème de la drogue. De nouveau, Trinidad s’offre un intermède solitaire sur HomeGirl$, cette fois encore produit par J. Padron. Le morceau fait appel à des effets issus du fameux chopper & screwed, ce qui contribue à ancrer le projet dans la culture du Sud. Nouvelle prod de Young Chop sur Jumpin Off Texa$ à l’occasion d’un featuring avec Rich Homie Quan, lui aussi originaire d’Atlanta. Sur Bino$ Vs. Bree$, le rappeur nous offre une sorte d’interlude sous forme d’une scène de ménage. Le morceau Ro$enberg$ fait référence à l’animateur de la radio Hot 97 Peter Rosemberg, qui lors du passage de Trinidad Jame$ avait critiqué son morceau All Gold Everything sans avoir écouté l’intégralité du projet dont il était tiré. Le rappeur s’essaye à un refrain chanté sans autotune, et s’en sort plutôt bien malgré sa voix atone caractéristique. Le morceau qui clôture le projet, intitulé Ea$tside est produit par Young Roc et réunit Gucci Mane, Young Scooter, Alley Boy et Childish Gambino. Malgré ce florilège d’invités, Trinidad réussit à s’imposer sur le morceau grâce à un refrain efficace. Globalement, 10pc. Mild est un très bon projet de dirty south mais surtout pour Trinidad Jame$ une recherche musicale dans d’autres directions, fortement influencée bien entendu par des collaborations initiées par Def Jam qui cherche à profiter de son exposition la jugeant probablement momentanée.
En novembre 2013, lors d’un showcase au Converse Rubber Tracks à New-York, Trinidad Jame$ déclare « je me souviens quand New-York dominait le rap, quand Dipset retournaient tout », « je me souviens quand le rap de New-York était au top, et que dans le Sud on faisait juste notre truc de notre côté, mais maintenant on domine votre musique, c’est dingue! » Cette déclaration déclenche un certain nombre de réactions de rappeurs de New-York, notamment de Maino qui lui demande de s’excuser envers sa ville.
Retro Infrared (11 février 2014)
Ce projet est en fait une collaboration avec DJ Iceberg et DJ Outta Space, on y retrouve des morceaux tels que Batman en collaboration avec Travi$ Scott et Trini G qui servira d’extrait pour annoncer sa sortie ou encore Def Jam, un clip énergique où le rappeur scande « being a real nigga got me a deal » (« être un vrai négro m’a permis de décrocher un contrat »). On retrouve sur la mixtape Rick Ross, Youg Jeezy, Future, Pharrell et Pusha T, mais aussi des valeurs montantes d’Atlanta comme Young Thug et PeeWee Longway. Outre Batman et Def Jam, le projet contient des collaborations de Jame$ avec Mia X sur un morceau éponyme avec PeeWee, Ok. Sur Mia X, il s’essaye à une prod minimaliste en grosse partie appuyée par des grosses basses de fond et un refrain très répétitif comme à son habitude. Ok est introduit selon la technique de Trinidad par une partie parlée, puis enchaine sur une instrumentale à la PeeWee, très explosive, à laquelle le rappeur de Trinité et Tobago semble s’adapter assez facilement.
The Wake Up EP (3 janvier 2015)
Le 2 août 2014 Trinidad Jame$ annonce sur le réseau social Twitter: « I should tell yall. I got dropped by the Label. My Album is now free. If u hear ur beat or verse on it. I hope u want dap cuz i got no money » (Je devrais vous dire… j’ai été viré par mon label. Mon album sera gratuit. Si vous entendez une prod ou un couplet qui est de vous dedans, j’espère que vous êtes d’accord parce que je n’ai plus d’argent »). A la suite de cette déclaration, le rappeur ne donne aucun signe de vie jusqu’à la sortie d’une nouvelle mixtape intitulée The Wake Up EP et qui annonce la sortie de No One Is Safe, une version gratuite de l’album en question. Cette mixtape de 5 titres est très innovante au vu de la direction musicale que Jame$ avait emprunté jusque là.
Le morceau d’ouverture de la mixtape, Lost in My Dreams, est la première sortie entièrement instrumentale du rappeur. L’univers du morceau préfigure celui de la mixtape, il reprend bien sûr l’aspect répétitif que Trinidad Jame$ affectionne mais cette fois l’adapte à une ligne musicale plus douce et lente qui dessine peu à peu une mélodie assez entêtante et relaxante à la fois. Sur le morceau suivant, MorninG Good, Jame$ fait appel à Problem, qui avait déjà adopté une ligne musicale assez proche sur sa mixtape Million Dollar Afro en collaboration avec Iamsu!. Les influences du morceau basculent entre le R&B, l’électro et le funk par certains aspects, des sonorités qui reviendront à la surface au début de l’été notamment sur l’album de Snoop Dogg qu’on a déjà chroniqué. Les sonorités douces et progressives de Get Dre$$ed donnent vraiment l’impression d’un réveil, comme le suggère le nom de la mixtape. Le rappeur se calque sur les basses pour laisser des phases de silence très parlantes entre chaque ligne. Le refrain semi-chanté est également une réussite. Sur Don’t Ever Lose Your Joy, le rappeur fait appel à Trinidadians Neval et à la jeune chanteuse de Trinité et Tobago Denice Millien, le morceau est quasiment entièrement chanté, même une partie du couplet de Jame$. La prod minimale et axée sur quelques notes éparses, et des percussions laisse entièrement place à la performance vocale. L’ambiance douce de ces quatre premiers morceaux laisse soudain place à l’instrumentale entrainante de HAVE a Good Day, un morceau très rythmé et qui correspond plus à la direction musicale de son album. Malgré une portée très limitée, la mixtape marque définitivement le retour de Trinidad Jame$ en 2015 et annonce bien sûr la mixtape/album No One Is Safe qui sortira deux semaines plus tard. Libéré du carcan musical de Def Jam, le rappeur d’Atlanta dirige librement sa volonté d’expérimentation musicale et fait de ce projet une véritable réussite. Quelques jours après la sortie de cette mixtape, le 13 janvier, Jame$ dévoile également sur son Soundcloud une collaboration avec le rappeur/producteur Big K.R.I.T intitulée Black Man Part. 1, sur lequel il réutilise toutes ses particularités techniques: début de morceau chanté, loops et samples et une partie parlée. En fin de morceau, le couplet de Big K.R.I.T très efficace réveille l’attention de l’auditeur.
No One I Safe (20 janvier 2015)
Le 20 janvier enfin, le rappeur finit par dévoiler la mixtape No One Is Safe qu’il annonce sous diverses formes depuis plus d’un an. Il s’agit probablement de son projet le plus abouti musicalement. La pochette, dans le style dessin de cartoon, est très réussie: elle figure le rappeur devant des représentations de sa carrière, les mains jointes comme pour prier, mais dont le visage éclate pour laisser apparaitre son crâne. Contrairement à ses anciens projets, No One Is Safe se concentre principalement sur la ville d’Atlanta, notamment à travers des featurings avec ILoveMakonnen, OG Maco, Offset du groupe Migos, PeeWee Longway avec lequel il avait déjà collaboré sur Retro Infrared ou encore Scotty ATL du groupe Monopoly Fleet. Comme sur ses deux premiers projets, Jame$ adopte un format de 10 pistes.
L’introduction de la mixtape, Jermone N Da House, utilise une prod avec un fond de guitare à la Cypress Hill. On constate tout de suite les énormes progrès techniques réalisés par le rappeur depuis son premier projet. Le morceau est introduit par un sample du morceau Over The Rainbow & What A Wonderful World du chanteur hawaïen Israel Kamakawiwo’ole, et le refrain du morceau, une répétition du mot hawaïen Aloha, montrent également la diversité des influences du rappeur. Le morceau H.O.M.E (Hatin’ On Me) est très entrainant, le duo entre le rappeur et le chanteur ILoveMakonnen, qui livre une performance remarquable au refrain, se complète très bien et le tout est bien entendu sublimé par une instrumentale de Sonny Digital. On remarque encore une fois le progrès accomplis par Jame$, cette fois au niveau lyrical. ALLAU commence avec le couplet énergique d’OG Maco qui est également au refrain et martèle: « Who be gettin’ guap? All of us / On the way to the top » (« Qui gagne du biff? Nous tous / Sur la route du succès »), Trinidad s’adapte au flow du rappeur de Quality Control pour homogénéiser le morceau, avec succès. C’est également le premier morceau du projet où il place une partie parlée à la fin du morceau. En revanche, le refrain du morceau suivant, Definition Of a Fuck Nigga est confié à Jame$ qui adopte un flow semi-parlé très caractéristique: « Girl fuck your boyfriend, I know you ain’t happy / I know you need a real nigga and I can make it happen » (« Meuf nique ton copain, je sais que t’es pas heureuse / Je sais que t’as besoin d’un vrai négro et je peux faire en sorte que ça arrive »). Il refait appel à Problem, avec qui il avait collaboré sur The Wake Up et à la chanteuse Lil Debbie qui avait connu un certain succès avec son titre Bicthes, et qui cette fois se charge de la partie parlée insérée au début du morceau. Le point culminant du projet, le morceau Only N Atlanta, réunit Jame$, PeeWee Longway et Offset, le morceau consacré à Atlanta ne réunit forcément que des rappeurs de cette ville. Talk This Shit Trinidad est, en dehors de l’intro, le premier morceau solo du projet. Il commence par la traditionnelle partie parlée, qui se conclut de la manière suivante: « you will never, ever dress better than a nigga named Trinidad James, nigga, you already know if you from Atlanta » (« tu ne t’habilleras jamais, jamais mieux qu’un négro qui répond au nom de Trinidad Jame$, négro, tu le sais déjà si t’es d’Atlanta »). A la fin de ce court prélude, une prod surprenante de ForteBowie & J Padron commence, entièrement basée sur un unique sample vocal elle est très entrainante et efficace. Les deux morceaux suivants, Shroom Party et T James Express, sont également des solo démontrent la capacité d’innovation du rappeur, notamment sur le deuxième qui adopte des sonorités presque en décalage avec le reste du projet, entre l’électro et le funk à la Parliament sous certains aspects. Sur Fuck That Stress, Jame$ fait appel au producteur Katon, qui a notamment travaillé avec Chamillionaire et Dizzy Wright, pour livrer une performance plus chantée et douce en collaboration avec Scotty ATL. My Rule, co-produit et en featuring avec K-Major, qui clôture le projet, reprend cette ligne musicale plus douce avec utilisation de backs chantés. Dans l’ensemble, No One I Safe est comme je l’ai dit le projet le plus abouti de Trinidad Jame$, à la fois cohérent et varié musicalement, il fait appel à des artistes de la nouvelle vague d’Atlanta, mais aussi à quelques autres pour enrichir les performances du rappeur et à des producteurs talentueux qui lui permettent d’expérimenter ou du moins qui confère une certaine originalité au projet qui s’inscrit très bien dans les sorties musicales de 2015.
Trips To Trinidad EP (18 avril 2015)
C’est le projet le plus court du rappeur, sorti mois de trois mois après No One Is Safe, comme pour démontrer que le retour de Jame$ en 2015 est bien durable et non pas momentané. Le projet est produit par Dark Conceptz et David McGruffin, il adopte des sonorités plus festives en accord avec la pochette, qui représente le rappeur en train de se détendre avec une bouteille de bière dans la main. Il s’ouvre avec Trini Wolve$, un morceau où la performance de Jame$ est entièrement parlée sur un fond musical, ce qu’il n’avait pas fait depuis Don’t be S.A.F.E.. Le morceau principal $.T.I.Y (Save the Island Youth) s’appuie sur un refrain chanté en coeur: « You have to let em know, we have to let em know / We ain’t letting go, you ain’t letting go ». Le morceau fait aussi appel à la technique du slowed and throwed que Trinidad n’avait pas utilisé depuis longtemps, et le rappeur adopte sur la fin du morceau un ton presque engagé: « Don’t tell me bout the government / Tell me bout the youth / Don’t tell me bout the politics / We need to save the youth / Cause when the future come, I ain’t living for no regret / And when the future come we’ll be the ones / Listening to the kids » (« Ne me parle pas du gouvernement / Parle moi de la jeunesse / Ne me parle pas de politique / On doit sauver la jeunesse / Car quand je futur viendra, je ne vis pas pour des regrets / Et quand le futur viendra, nous serons ceux / Qui écouteront les enfants »). Sur TTT Free, la prod entrainante et répétitive pousse le rappeur a adopter un flow plus rapide et saccadé, on remarque également une courte partie parlée « I’m not trying to bring hip-hop back, we got Kendrick for that / I’m not trying to save rap, we got Drake for that » (« Je n’essaye pas de faire revenir le vrai hip-hop, on a Kendrick pour ça / Je n’essaye pas de sauver le rap, on a Drake pour ça ») qui nous fait penser à ses déclarations sur le rap fin 2013. Le morceau s’achève sur un sample d’opérette qui introduit la dernière piste, Po17611ible No Gurantee, entièrement parlée et sans fond musical où Jame$ s’exprime sur sa vision de la vie et notamment de la perfection.
Probablement mis en avant par Def Jam pour tenter de contrer le phénomène A$AP Rocky en se basant sur la vague de All Gold Everything, Trinidad Jame$ se positionne pourtant aujourd’hui grâce à ses trois projets sortis cette année comme un rappeur innovant, travailleur et original, capable de construire des univers musicaux à la fois authentiques et originaux. Tant au niveau lyrical que technique, on constate une énorme amélioration de projet en projet, Trinidad tient manifestement aussi à mettre une grande partie de lui même (ses positions, ses visions de la vie, des concepts qui lui tiennent à coeur) au centre de sa musique notamment grâce à l’utilisation de parties parlées sur lesquelles j’insiste régulièrement. Malgré une période de relative inactivité médiatique qui l’a précédé et bien sûr la fin de la diffusion par les relais de Def Jam, No One Is Safe a connu un certain succès avec plus de 300 000 téléchargements sur Datpiff. Le retour en force de l’artiste de 2015 préfigure, ou du moins je l’espère, une reprise en main de sa carrière qui s’annonce pour le moment très prometteuse et au niveau du potentiel qu’il avait su dévoiler sur Don’t Be S.A.F.E..