Avec sa rubrique « Le professionnel du mois », Ventes Rap met en lumière les décideurs derrière les plus belles réussites artistiques et commerciales du moment. Managers, producteurs, éditeurs mais aussi artistes entrepreneurs sont ainsi invités à revenir sur leurs carrières respectives, leur éthique de travail et leur vision de l’industrie musicale.
Après Rémy Corduant, c’est au tour de Hylda Gbenou d’être mise à l’honneur dans cette édition. Depuis 2008, Hylda Gbenou est la directrice artistique de Solidarité Sida, et la programmatrice de Solidays, un des plus gros festivals de France avec plus de 247 000 festivaliers au compteur en 2022. A l’occasion de l’événement engagé et solidaire, nous avons décidé de revenir avec elle sur la place de l’urbain, les défis de l’organisation d’un festival post-COVID, ainsi que sur les enjeux de la programmation artistique.
L’urbain, un genre programmé depuis des années
D’emblée, Hylda Gbenou met en avant le fait que Solidays s’est toujours vu comme un festival écclectique « Notre but est de proposer un festival généraliste de qualité, avec le meilleur de chaque style représenté. Solidays est de plus en plus rap, mais on doit tout de même souligner qu’il reste avant tout un festival généraliste. » Cependant, le rap est également un incontournable aujourd’hui : « Notre public a 23 ans en moyenne. On ne serait pas un festival jeune si on ne programmait pas de l’urbain, et on se doit donc d’être en raccord avec l’époque, avec les attentes du public et avec l’actualité musicale. »
Hylda Gbenou poursuit en soulignant la longévité de la présence de l’urbain à Solidays « On n’a pas attendu que le rap revienne en haut des classements pour en programmer. Chaque année depuis que je suis là, on fait exister cette esthétique sur le festival. Pour te citer des concerts qui m’ont marqué, on avait par exemple eu Seyfu à l’affiche en 2009, 1995 et Youssoupha en 2012, ou encore Disiz en 2014. » La durée de cette expertise dans le rap permet au rendez-vous estival de se placer sur des artistes qui démarrent à peine leur carrière dans le live : « Par exemple, je trouve ça hyper intéressant de faire jouer Djadja & Dinaz. Ce sont déjà des légendes pour une partie des jeunes, et pourtant ils n’ont que très peu tourné. Ça dit quelque chose de l’époque. Ramener Kerchak et Favé, c’est aussi donner la voix à une partie très jeune du public, et faire en sorte que toutes les tranches d’âges se sentent représentées. »
Hylda Gbenou : « Programmer, c’est aussi faire des choix forts »
Forte de ses 15 années d’expérience à la tête de la programmation du festival, Hylda Gbenou nous confie que le job reste un métier d’adaptation et de situations différentes : « La programmation c’est une question compliquée, et cela nécessite de faire des choix forts. On programme plein d’artistes à plein de moments différents. Par exemple, on commence toujours par se demander ce qui est fondamental en terme d’actualité musicale. Cependant, il y a aussi des artistes qui toquent à notre porte via leur manager. »
Une des particularités du festival est de tisser des liens de très long terme avec les artistes. « On crée des histoires avec les artistes, et une de nos choses préférées est de reprogrammer des artistes qui nous ont fait vibrer lors d’une édition donnée. Pour citer un exemple concret, cela nous est déjà arrivé de reprogrammer 3 années de suite un artiste, non pas par facilité mais parce qu’on le trouvait pertinent chaque année. Notre leitmotiv principal, c’est de ne pas être dans la consommation d’artistes. »
Enfin, Hylda Gbenou nous donne un également sa philosophie concernant la parité dans la programmation du festival : une ligne directrice mais pas un objectif inamovible. « Evidemment que la parité est une réflexion. C’est même un sujet qui nous concernait bien avant que les médias s’en emparent. Comme on est Solidarité Sida, on accueille depuis des années le bus des femmes, et aussi le village des assos. » Cependant, concernant la programmation, elle tient à nuancer : « On ne m’a pas donné de guideline pour être à 50/50. On ne peut pas avoir une prog avec 90% d’hommes évidemment, mais se limiter à la parité pour créer sa line-up, c’est s’empêcher de construire la proposition artistique la plus adaptée à nos contraintes. »