Dans un peu plus d’un mois, le festival des Ardentes va reprendre ses marques sur le site de Rocourt. Un an après la première édition sur ce nouveau site en 2022, les grands noms du rap francophone et international se bousculeront les 6, 7, 8 et 9 juillet prochains. Outre les trois headliners américains (Kendrick Lamar, Travis Scott et Playboi Carti), le festival comptera également en tête d’affiche Booba et DJ Snake, ainsi que l’artiste reggaeton J Balvin. Derrière ces poids lourds à l’ambition internationale, une floppée de superstars françaises et belges : Aya Nakamura, Hamza, SCH, Gazo, Freeze Corleone, Niska,…
Les 3 ans sans festival liés à la crise COVID n’ont pas freiné les ambitions du plus grand festival urbain en Europe. Au programme : toujours plus de superstars, une fréquentation accrue qui devrait atteindre les 60 000 festivaliers par jour (soit 240 000 au total) en 2023, et des innovations à tous les niveaux.
Nous avons souhaité interroger Jean-Yves Reumont, responsable communication et programmation du festival, qui nous dévoile les ambitions des Ardentes pour cette édition 2023 et répondre aux différentes problématiques auxquelles ils ont pu faire face par le passé.
Une concurrence européenne pour convaincre les superstars américaines
Dans le marché très concurrentiel des festivals d’été, les Ardentes peuvent se targuer d’avoir réussi à décrocher trois superstars du rap américain : « En 2023, on sera le seul festival en Europe à programmer à la fois Kendrick Lamar, Playboi Carti et Travis Scott. On avait déjà eu Kendrick Lamar par le passé (ndlr: en 2015). Pouvoir en plus amener Travis Scott et Playboi Carti, c’est pour nous l’accomplissement de plusieurs années de travail. » Lorsqu’un artiste de cette envergure décide d’une date en festival, ce n’est pas que le budget qui fait la différence mais également la réputation du festival en question. « Quand Travis Scott a planifié sa tournée, on était sur la short-list des festivals que ses agents avaient en tête. Evidemment, tout cela est une négociation, et le budget mis en place compte. Mais on sait que l’ambiance du public est un des critères principaux de Travis. C’est là un des points forts des Ardentes, et ça a pesé pour beaucoup dans la balance. »
Autre aspect important évoqué par le responsable communication et programmation : la sécurité du festival. « Nos 17 ans d’expérience dans l’organisation de festival nous permettent de gérer les mouvements de foule. On sait que le public des Ardentes est super enthousiaste et en cas de mouvement, on a le meilleur encadrement possible. »
Le créneau des Ardentes est presque unique en francophonie, et aucun festival dans la région peut revendiquer à la fois une telle taille et un créneau 100% musique urbaine. « Les seules festivals en mesure d’accueillir de tels artistes sont des évènements généralistes. Les autres festivals en Europe axé sur le rap tels que Rolling Loud, Wireless, Splash ou encore Frauenfeld sont donc des concurrents et également des collègues, car les artistes américains veulent souvent effectuer plusieurs dates en une période courte, afin de rentabiliser le voyage. C’est plus difficile de faire venir un Travis en août, alors que s’il peut caler 4-5 dates en 10 jours, le passage en Europe se justifie plus facilement. »
Les priorités : améliorer la logistique et faire grandir encore le festival
Le changement de site en 2022, avec le passage du Parc Astrid au site de Rocourt, a fait basculer les Ardentes dans une autre dimension en terme de fréquentation. De 80 000 festivaliers en 2017, le festival est passé à 220 000 en 2022 et vise ouvertement les 240 000 en 2023. Cette augmentation drastique de la capacité ne fait cependant pas oublier à Jean-Yves Reumont les priorités du festival quand à l’accueil de des festivaliers : « On a listé tous les défauts de l’édition précédente, et on a fait en sorte de les améliorer. C’est passé par un agrandissement considérable du camping, et aussi par des surprises au niveau des scènes. L’ajout d’une scène dédiée aux musiques électroniques fait partie de ces nouveautés. On savait que notre public était friand de ce genre de musiques, et lorsque la nuit tombe, ils aiment se défouler. »
Amener encore plus d’artistes féminines, un objectif majeur
Alors que le festival a pu subir certaines critiques quant à une affiche trop masculine en 2022 (10% des artistes programmés étaient des femmes), Jean-Yves Reumont explique cet état de fait : « On était sensibles à cette cause, avant même que les critiques aient été formulées. Dans le style d’affiche des Ardentes, l’offre d’artistes féminines est moins importante donc la programmation est le reflet de cette proposition. Quand les têtes d’affiche féminines ne tournent pas, les alternatives sont masculines et donc l’affiche est plus masculine que féminine. » Cependant, le fait que le paysage des musiques urbaines soit avant tout dominé par des artistes masculins n’empêche pas les Ardentes de faire le maximum possible pour assurer la parité du festival.
« Quand on travaille sur l’affiche, la volonté est de programmer ceux qui ont marqué l’année. On veut évidemment booker un maximum d’artistes féminines, mais il suffit que certaines têtes d’affiche disent non pour que l’affiche devienne très masculine. Cependant, nous sommes conscients de notre responsabilité.
« Là où on a voulu agir et avoir un impact, c’est sur les scènes émergentes. Nous avons ainsi signé un partenariat avec Rappeuses en liberté, un dispositif d’accompagnement en France pour des artistes urbaines féminines. Ce partenariat permet à la gagnante du programme de jouer aux Ardentes. Nous avons également mis en place un tremplin en Belgique, La Draft des Ardentes, où les 4 vainqueurs ont gagné une performance sur la scène du Wallifornia Stadium. Nous avons fait en sorte que la parité soit de mise parmi les vainqueurs du concours. Notre impact est beaucoup plus évident en début de carrière, et donc on peut accompagner les artistes dans leur progression. En tout cas je te tiens à le souligner : concernant les artistes féminines, le problème ne vient pas de la qualité, mais des chiffres. »
L’écologie pour préserver l’avenir du festival
Depuis la création des Ardentes en 2006, l’écologie et la préservation de l’environnement au sein duquel le festival a lieu sont des priorités essentielles pour les organisateurs. « Cette année, on a décidé de pousser notre exigence à ce niveau encore plus loin. On a créé un partenariat de covoiturage pour les Ardentes, un ticket de train tarif réduit a été mis en place, ainsi qu’un encouragement aux voyages en bus. Sur place, on a créé un maximum d’incitants à maintenir le camping propre, avec notamment un tri des déchets encore plus poussé. On a essayé de digitaliser le plus possible et donc de ne pas imprimer tout ce qui pouvait être envoyé par mail par exemple. Enfin, via le cashless, les participants au festival ont la possibilité de donner à une association, et donc de soutenir la cause de leur choix. »
Jean-Yves Reumont souligne en tout cas que l’écologie va demeurer un des objectifs majeurs du festival pour les prochaines années, avec l’envie de construire un festival à la fois vert et ambitieux, qui mêlerait responsabilité, scénographies de qualité et superstars.
Jean-Yves Reumont : « Les scènes médias permettent de mettre en avant la jeune génération »
Les Ardentes ont aussi programmé plusieurs scènes médias, parmi lesquelles une scène Raplume, une scène 1863 et également une scène Konbini en collab avec Forcing Club. « Ces nombreuses scènes nous offrent un panorama exhaustif du paysage urbain francophone. Travailler avec les médias fait la différence car cela nous permet d’avoir l’intégralité de la nouvelle scène en plus des locomotives. Nous espérons voir des artistes de ces scènes émergentes un jour sur le main stage! »
C’est aussi dans cette optique de diversification que le festival a décidé de mettre en place une scène électronique. « On a toujours organisé des évènements électro en parallèle du festival. Après le COVID, on s’est dit que ce serait une bonne idée d’inclure une scène électronique directement dans le festival, pour la partie soirée notamment. On a mis ça en place sur la scène Mirroir pour la journée, et sur la scène Daoud pour les afters. Quoiqu’il en soit, on connait le lien historique entre les musiques urbaines et la musique électronique. On a mis en place des esthétiques électro compatibles, donc house, baile funk, trap, gabber, pour offrir des alternatives et avoir des scènes pour se défouler en fin de journée. »