Kanye West enflamme les réseaux sociaux et fait couler des torrents d’encre depuis quelques jours, du fait de son soutien de plus en plus affirmé à Donald Trump. Après avoir annoncé qu’il aimait le président des Etats-Unis comme son frère en humanité et non pour ses idées politiques, le rappeur de Chicago s’est mis a aborder une casquette Make America Great Again sur plusieurs photos ainsi qu’un freestyle. L’attitude de Kanye a été désapprouvée plus ou moins explicitement par des artistes comme Justin Bieber, Kendrick Lamar, Rihanna, Ice T ou encore Snoop Dogg, et au sein de son label GOOD Music par John Legend qu’il a accusé publiquement d’essayer de « manipuler ses pensées ». La relation entre rap et revendications sociales et politiques a toujours été complexe ; bien avant l’apparition des textes vindicatifs de Public Enemy vers le milieu des année 1980, le rap avait déjà une résonance politique comme porteur d’une culture alternative. Cette facette du rap s’est exprimée au cours de son développement sous bien des formes, et lui reste attachée de manière plus ou moins explicite chez bien des artistes. Pour autant, il est essentiel de veiller à ne pas ériger l’artiste en homme politique. Là où l’artiste doit sa tribune à son oeuvre, si engagée soit-elle, l’homme politique la doit exclusivement à ses idées. En matière de politique, le rappeur n’est ni plus ni moins qu’un citoyen parmi tant d’autres, dont le droit le plus élémentaire est d’exprimer ses opinions si impopulaires soient-elles mais dont le rôle n’est pas de les transmettre à son public. L’artiste peut devenir homme politique, comme n’importe quel autre citoyen, et si la visibilité dont il bénéficie favorise certainement son ascension, il devra exposer à son tour les idées qui fondent son projet. Il est de la responsabilité de chacun de faire la différence entre le monde des figures publiques et celui de la politique, la célébrité ou même le talent n’octroyant malheureusement pas de clairvoyance en matière de prise de décisions.