Nombreux sont les rappeurs talentueux qui faute de s’être ouverts à un public plus large, ou de s’être adaptés aux nouvelles tendances musicales, n’ont pas connu un succès pourtant bien mérité. Un autre écueil répandu est celui d’artistes qui connaissent un succès prématuré mais qui se reposent rapidement sur leurs lauriers et ne parviennent pas à l’exploiter à bon escient. Entre ces deux extrêmes, Hatik est parvenu à trouver une juste mesure. En 2014, il avait déjà sorti une mixtape et vous l’avez probablement déjà entendu sur le morceau La Promesse de Disiz, aux côtés de Youssoupha, Tito Prince et Soprano ; mais il semble avoir tiré un trait sur cette période et souhaite donner un nouveau coup d’envoi à sa carrière…
➡️ Un voyage en direct de sa chaise pliante, de Guyancourt à Berlin
Fin 2018, Hatik a lancé Chaise Pliante, une série de morceaux au travers de laquelle il nous montre ce dont il est capable, comme une carte de visite sous forme de freestyles. On peut par exemple le voir particulièrement énervé en intro de Chaise Pliante pt.3, puis prendre un flow agressif sur une instru qui motive à partir à la guerre, et enchaîner jusqu’à la fin du morceau voluptueusement en chantonnant, un peu à la manière d’SCH sur Anarchie. En parallèle, il collabore avec Daymolition, pour le #ProjetBerlin, une nouvelle série de morceaux réalisée en un laps de temps réduit à raison d’un morceau clipé par jour pendant cinq jours. On y retrouve sa polyvalence technique, mais aussi et surtout une brûlante envie de percer : pour réaliser ce projet il s’est exilé à Berlin pour se mettre dans des conditions optimales, et a charbonné sans s’arrêter en compagnie des producteurs Medeline et Ogee Handz.
Sur ce projet, le morceau Freitag est particulièrement intéressant : jusqu’alors on a été habitué à un artiste polyvalent mais toujours caractérisé par une essence de kickeur. Ici, il est accompagné d’une instru très minimaliste, un duo piano/guitare, et se contente de chanter, nous confiant ses regrets et ses doutes ; le clip nous montre un artiste sujet au questionnement à où le morceau de la veille, Donnerstag en collaboration avec Bosh, allait dans une direction totalement opposée. Entre quelques phases posées sur un ton virulent et quelques séquences de boxing-shadow dans le clip, il se permet même de glisser une sympathique salutation aux forces de l’ordre : « J’ai fait plus de khaliss hier que t’en feras dans toute l’année / Pendant qu’tu patrouilles pense bien à ta femme qui s’fait soulever par des cailles-ra toute la nuit ». Rappelons que seulement un nuit sépare l’écriture et l’enregistrement de ces deux morceaux, ce qui démontre la capacité de l’artiste à se projeter dans des ambiances radicalement différentes à la demande.
➡️ Une stratégie efficace et une volonté inébranlable de réussir
Cette image, c’est celle d’un type énervé mais drôle, qu’il met en scène notamment dans les teasers qu’on peut retrouver sur Youtube et Instagram. Ils interpellent immédiatement l’auditeur, notamment au travers d’une phrase d’accroche efficace, scandée avec violence : « wesh les copains ! ». C’est une combinaison surprenante, qui donne envie d’en voir plus ; et c’est suffisant pour rediriger le public vers sa chaîne YouTube. La publicité payante sur Youtube pour un clip, c’est d’ailleurs rare chez les newcomers, ce mode de communication est plutôt utilisé par les artistes déjà en place, avec des budgets conséquents, mais Hatik se donne les moyen de réussir par lui même, sans attendre d’être validé par ses aînés, et ça paie : chaque épisode de #ChaisePliante passe en quelques jours la barre des 100.000 vues, et lui permet d’accroître en continu son public.
Faire recours aux séries de morceaux, c’est une stratégie classique mais qui a déjà prouvé son efficacité par le passé quand on cherche à faire grimper attente avant de sortir un projet. C’est ce qu’ont fait notamment Sofiane avec #JeSuisPasséChezSo, et MHD avec Afro Trap. Cette méthode a pour avantage de créer une actualité permanence à l’artiste dans une industrie où l’absence est un luxe que seuls les plus grands noms peuvent se permettre. Elle a aussi un avantage économique : il suffit de trouver un concept efficace, et de l’exploiter jusqu’à ce qu’il ne marche plus, sans avoir à investir de grosses sommes dans les clips. Pour Hatik, c’est l’élément récurent de la chaise qui attire la curiosité des auditeurs, et le moins qu’on puisse dire, c’est que le procédé a commencé à porter ses fruits. En attendant de se lancer dans un projet plus structuré, Hatik a posé sa chaise dans la cours de la prison de Fleury-Mérogis en profitant de sa participation au tournage de Validé, la nouvelle série Canal + signée Franck Gastambide.