Si la tendance était au rapprochement entre le rap marocain et son voisin hexagonal, le public était loin de s’imaginer ce qui allait se produire avec Moutanabbi. En effet, alors que des rappeurs comme Shayfeen, El Grande Toto ou encore 7liwa commencent à se faire un nom à l’international, en atteste l’excellente collaboration entre Shobee (Shayfeen), Madd et Laylow intitulée Money Call, jamais le rap marocain ne s’était retrouvé en tendances de l’autre côté de la Méditerranée. C’est chose faite avec Moutanabbi, le diss track sanglant de Dizzy Dros s’adressant au vétéran Don Bigg. L’immense succès du morceau pourrait paraître surprenant pour les non-initiés aux arcanes du rap marocain, raison pour laquelle une explication nous a semblé nécessaire !
Un clash à la portée décuplée par les réseaux, vers de nouveaux modèles ?
Au Maroc, les clashs ne sont pas nouveaux. En effet, on pourra citer l’exemple de 7liwa et Dizzy Dros, entre 2016 et 2017, bien que celui-ci n’a pas dépassé le stade des piques sur Instagram, comme Booba et Kaaris avant qu’il ne soit question de se battre dans un aéroport, puis dans un octogone. S’il y a bien des exemple de clashs par morceaux interposés, ils ne dépassaient généralement pas le cadre des passionnés de rap. Alors lorsque le public voit qu’un morceau marocain atteint des scores faisant même rougir les rappeurs français les plus en vogue, la conclusion pouvait être qu’un palier avait été franchi. Pour comprendre l’effervescence que cela a suscité nous allons revenir aux origines du clash.
Update:#24h after dropping #Moutanabbi⚰️:
– 3M+ Views on Youtube
– #1 Trending in #Morocco🇲🇦
– #3 Trending in #France🇫🇷
– #12 Trending in #Spain🇪🇸
– #26 Trending in #Italy🇮🇹
– #Top50 Trending in 🇩🇪🇳🇱🇧🇪🇨🇭Breakin all records, as well as bones #Moutanabbi⚰️
— Dizzy DROS (@dizzydros) January 7, 2019
A l’origine du conflit, la violente critique du vétéran Don Bigg à la nouvelle génération
Don Bigg est un rappeur important dans la scène marocaine. En effet, il était l’un des rares acteurs du milieu à profiter d’une grande notoriété sans radios spécialisées et à une époque ou YouTube n’était pas aussi développée. Doté d’un flow incisif, il parlait de sujets sensibles au Maroc, de la pauvreté à la corruption. Alors qu’à partir de 2014, une nouvelle génération davantage bercée par la trap prenait les devants, ce dernier s’est vu de plus en plus mis en retrait. Il a réagi en dévoilant le morceau clash 170 KG, dans lequel il se lâche sur ces jeunes rappeurs qui selon lui, ne respectent pas les valeurs du hip-hop. Parmi les critiques principales, l’autotune dont l’utilisation se fait de plus en plus massive au détriment du fond, et le manque de reconnaissance dont il jouit au sein de ce milieu. Sur la cover le représentant sur un trône, nous retrouvons les cadavres de ses ennemis, de Dizzy Dros à 7liwa, en passant par El Grande Toto. Ce morceau fut également un raz-de-marée dans le rap marocain puis qu’il culmine à 13 millions de vues en à peine 2 semaines.
Le succès de la réponse de Dizzy Dros, un nouveau pas vers l’export du rap marocain
Si les différents rappeurs visés par Don Bigg ont répondu que ce soit par la voie de la musique, ou des réseaux sociaux, c’est bien la réponse de Dizzy Dros qui a retenu l’attention. Sur la cover, nous le retrouvons en héros de comics au premier plan, armé d’une batte de baseball, et tenant par le col Pappy Mouchkil, le frère De Don Bigg. A l’arrière-plan, nous retrouvons les autres cibles de 170 KG, et plus particulièrement 7liwa qui tient en laisse Don Bigg en personne. Au fil du morceau Dizzy Dros reproche à Don Bigg son soutien au roi, ou encore les insultes qu’il avait proféré envers sa femme. De plus, il affirme qu’il n’a plus sa place parmi les rappeurs, à la manière d’un Abdelilah Benkiran, controversé ex-premier ministre qui fut démis de ses fonctions en 2017. Enfin il se compare à Moutanabbi, considéré comme le plus grand poète arabe.
Si ce clash n’a pas fini de faire couler de l’encre au Maroc, il a permis de prouver une chose: le rap marocain ne s’est jamais aussi bien porté. A l’image d’une bagarre Booba-Kaaris qui s’est retrouvée au centre du débat, cette opposition a eu des retombées jamais vues, étant même l’objet de vidéos d’analyses de YouTubeurs marocains. Il témoigne également de l’intérêt du rap marocain au delà de ses frontières, en Espagne mais surtout en France où les featurings se font de plus en plus nombreux.
Le buzz n’aurait pas dû être flangrant comme parail, si Dizzy n’avait pas répondu avec #Moutanabi
J’attends avec impatiente l’époque ou le rap marocain apportera autant d’argent qu’en France… On verra une génération avec un niveau hors normes!